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24 août 2013 6 24 /08 /août /2013 18:07

Film américain sorti le 14 août 2013

Réalisé par Neil Blomkamp

Avec Matt Damon, Jodie Foster, Sharlto Copley,…

Science-fiction, Action

En 2154, il existe deux catégories de personnes : ceux très riches, qui vivent sur la parfaite station spatiale crée par les hommes appelée Elysium, et les autres, ceux qui vivent sur la Terre devenue surpeuplée et ruinée. La population de la Terre tente désespérément d’échapper aux crimes et à la pauvreté qui ne cessent de ne propager. Max, un homme ordinaire pour qui rejoindre Elysium est plus que vital, est la seule personne ayant une chance de rétablir l’égalité entre ces deux mondes. Alors que sa vie ne tient plus qu’à un fil, il hésite à prendre part à cette mission des plus dangereuses -  s’élever contre la Secrétaire Delacourt et ses forces armées – mais s’il réussit, il pourra sauver non seulement sa vie mais aussi celle de millions de personnes sur Terre.

L’été 2009 avait vu un « intrus » se glisser au milieu des « blockbusters » hollywoodiens. Plus effarant encore, cet « intrus » avait récolté un gros succès au box-office. Il s’agissait bien entendu de District 9, film de S.F. réalisé par le sud-africain Neil Blomkamp et produit par Peter Jackson (Le Seigneur des Anneaux). Après avoir mis en scène quelques courts métrages et des publicités, Blomkamp avait été momentanément connu pour avoir été celui qui devait réaliser l’adaptation cinématographique du jeu vidéo « Halo ». Alors que le projet, déjà sous la houlette de Jackson, était sur le point d’aboutir, il capota à cause de son budget trop élevé et de l’approche plutôt violente que son réalisateur avait choisie pour transposer ce FPS (« First Shoot Person ») sur le grand écran. Frustré par l’échec de ce projet commun, Jackson avait décidé de chapeauter lui-même les premiers pas de son « protégé » en lui conférant un budget de trente millions de dollars, soit cinq à six fois moins qu’un « blockbuster » standard actuel, afin que Blomkamp puisse réaliser la version longue de l’un de ses précédents courts métrages futuristes.

Cela donna le surprenant District 9, un faux documentaire sur un vaisseau spatial coincé à Johannesburg et dont les nombreux occupants étaient obligés de vivre dans un ghetto en attendant leur hypothétique départ. Métaphore à peine déguisée de l’apartheid, District 9 étonnait par son cadre inhabituel (un film sur des extraterrestres qui ne se déroule pas aux Etats-Unis), son absence de star (le foufou Sharlto Copley qui joua ensuite dans L’Agence tous risque de Joe Carnahan et qui interprète le méchant Kruger dans Elysium), ses effets spéciaux très crédibles malgré son budget riquiqui, sa mise en scène percutante et inspirée (le faux documentaire devenant un film classique au fur et à mesure qu’on adoptait le point de vue de son héros), et surtout son scénario rentre-dedans qui convoquait James Cameron, David Cronenberg et Paul Verhoeven. Son récit engagé donnait lieu à des séquences d’une brutalité inattendue dans un film de divertissement et on pouvait légitimement dire qu’on n’avait pas vu cela dans le cadre de la S.F. au cinéma depuis l’iconoclaste Starship Troopers de Verhoeven. On côtoyait des méchas, des mutations génétiques écœurantes, des aliens hideux, des humains qui ne l’étaient pas moins et un lâche cynique en guise d’antihéros qu’un malencontreux accident obligeait à changer de perspective pour qu’il puisse trouver une forme de rédemption. Plus le récit s’allongeait, plus la tension et l’action se renforçaient pour transformer District 9 en œuvre bourrine et hyper jouissive mais loin d’être idiote. Neil Blomkamp y recyclait son Halo avorté en faisant un pied de nez miraculeux aux majors d’Hollywood.

Autant dire que l’on attendait beaucoup de son second long métrage qui avait intérêt à transformer ce très enthousiasmant essai. C’est là qu’arrive Elysium. D’abord assez discret par rapport à d’autres concurrents bien plus bruyants et prompts à balancer trois bandes annonces avant la fin même de leur tournage (Man of Steel, Lone Ranger, Iron Man 3), Elysium s’était révélé par un « trailer » foutrement jubilatoire et prometteur. Mais une fois la projection terminée, c’est un léger sentiment de déception qui domine de prime abord. Le film est pourtant très loin d’être raté, mais il est la victime des attentes démesurées qu’il avait suscité. Des attentes qu’il n’aurait peut-être d’ailleurs jamais pu satisfaire tant on demandait la lune à Blomkamp : devenir l’héritier de James Cameron, rien que ça. Or le cinéaste n’a de toute évidence pas le « génie » du réalisateur de Terminator. Ce n’est pas bien grâve puisque personne ne l’a eu jusque-là. De toute façon, Blomkamp a encore largement le temps de progresser : il n’en est qu’à son second long métrage. Et si son précédent film était plus abouti, Elysium n’en demeure pas moins un beau morceau de cinéma comme on n’en voit malheureusement pas très souvent.

Le sentiment de léger gâchis vient d’abord du fait qu’Elysium ressemble trop à une relecture de District 9 avec les moyens d’un studio. Là encore, l’argument S.F. sert à créer une parabole dichotomique : ce ne sont plus les extraterrestres (les Noirs) contre les humains (les Blancs), mais les riches occidentaux contre les pauvres du Tiers Monde. La Terre ressemble à une favela géante dans laquelle l’espagnol est devenu le langage principal ; la station orbitale Elysium est peuplée de riches parlant les langues des anciens empires coloniaux tout puissants : l’anglais et le français. Si la métaphore sociale laissait peu à peu la place à un film d’action extrêmement viscéral dans District 9, elle est rapidement mise de côté dans Elysium afin de privilégier une aventure sous la forme d’une course contre la montre. Si la transition se faisait assez délicatement dans District 9, sans léser les deux « mamelles » du film (le message et l’action), elle est plus maladroite dans Elysium où la lutte des classes ne transparait qu’en arrière-plan. De par son parcours, le héros de District 9 expérimentait un renversement de point de vue qui rendait l’analogie sociale absolument évidente ; dans Elysium, la quête du héros (sa propre survie) se greffe très mal à la vague esquisse de révolution mondiale que constitue la prise de la station par les pauvres Terriens. Au lieu de ressembler à un film intelligent ayant des morceaux très divertissants, Elysium a des airs de divertissement avec quelques réflexions intelligentes mais éparpillées.

Ces dernières ne vont jamais plus loin que leur postulat de base. On pourrait même dire que le film s’arrête au moment où elles auraient pu se ramifier. Le conflit entre les riches et les pauvres ne reste alors qu’une toile de fond très lointaine, presque opportune puisque le long métrage s’en sert pour se vendre comme ambitieux alors qu’il ne l’exploite jamais, qui est vite délaissée au profit de fusillades en « shaky cam » pas toujours très lisibles et où les possibilités de l’armure du héros (un exosquelette qui lui permet de passer outre son affaiblissement corporel dû à une forte exposition radioactive) ne sont qu’effleurées. On pourrait s’en tenir là, mais Elysium enquille des défauts plus prégnants que cette déception relative à des attentes du spectateur que le film aurait eu « l’indécence » de ne pas remplir. Le rythme n’est pas très convaincant : le début est trop long et la conclusion est trop vite expédiée. Autant il est rassurant de se dire que l’on peut faire encore aujourd’hui des « blockbusters » de moins de deux heures, autant cette durée restrictive aurait dû être mieux gérée afin que le récit ne paraisse pas trop précipité lors de son dernier acte. L’aventure se permet d’ailleurs des facilités un peu regrettables afin de faire progresser son histoire à toute allure : alors que la première heure ne cessait d’entériner le fait qu’Elysium était une forteresse imprenable, on a la désagréable impression qu’elle est quasiment vide et que cinq personnes suffisent pour en prendre le contrôle lors de la seconde heure.

Les personnages sont unidimensionnels. Là encore, utiliser des archétypes dans un récit n’est pas forcément un mal en soit. Le récent Pacific Rim en est un bon exemple mais ses personnages, sans grand passé ou immenses troubles psychologiques, interagissaient et évoluaient au fil de l’action. Dans Elysium, les personnages semblent souvent déconnectés entre eux et ne changent jamais. Sharlto Copley surjoue en composant un salaud psychotique du nom de Kruger qui n’aurait pas été décalé dans l’univers décomplexé et « comic » du Total Recall de Verhoeven ; Jodie Foster incarne une garce politique irrécupérable évoluant dans une station spatiale empruntant beaucoup à Aliens de James Cameron ou au manga « Gunnm » (que Cameron doit adapter sous le titre de Battle Angel) ; Matt Damon interprète un antihéros intéressé uniquement par sa propre survie avant de se découvrir très tard une vocation de révolutionnaire ;… Tout un tas d’ambitions, d’influences, d’ambiances et de genres qui se recoupent difficilement pour finalement ne former qu’un ersatz de District 9 dans lequel les défauts de ce dernier seraient nettement plus apparents. S’ajoutent à cela un désespérant manque d’humour, ce qui amène les quelques rebondissements outranciers de la dernière partie à être ridicules voire déplacés, et une bande originale insipide repompant Hans Zimmer dans ses plus mauvais jours.

Pourtant, encore une fois, Elysium est difficile à détester. D’abord parce qu’il a de l’ambition et qu’il a les couilles de tenter de livrer de la « hard S.F. » pour adultes au sein d’un film de studio en ne s’appuyant sur aucune licence préexistante. Si le long métrage est blindé de faiblesses, il dispose aussi de qualités admirables qui forcent le respect. Certes, la mise en scène de Blomkamp est moins percutante lors des quelques morceaux de bravoure que dans District 9 mais elle demeure extrêmement efficace et inspirée lorsqu’il s’agit de dépeindre un monde futuriste. A ce titre, le deuxième long métrage de Neil Blomkamp est pour l’instant le film de cette année à disposer des effets spéciaux les plus admirables, bien que ceux-ci ne soient pas omniprésents puisque le cinéaste, qui sait parfaitement utiliser les CGIs, aime coupler les images de synthèse avec des décors réels. Un savoir-faire qui rappelle encore les plus belles fulgurances d’un Cameron, d’un Verhoeven ou de cet autre « constructeur d’univers » qu’est Guillermo Del Toro. La direction artistique est phénoménale et aucun effet spécial n’apparait mal intégré. La société de Peter Jackson, WETA, confirme qu’elle est actuellement la patronne dans le domaine.

Elysium est un ravissement pour les yeux et confirme les grandes aptitudes de son cinéaste. Mais à l’image de Joseph Kosinski, dont l’Oblivion était aussi assez irréprochable visuellement parlant, Blomkamp a besoin d’un script à toute épreuve pour pouvoir vraiment atteindre des sommets. C’est là qu’Elysium pèche trop souvent. Parfois prévisible, parfois trop poussif, parfois trop simple, parfois trop effréné, le scénario privilégie l’efficacité à tout prix au détriment du fond. Et cela fonctionne étonnement bien pendant la première heure et demie malgré une poignée de « flashbacks » maladroits et superflus. Mais les personnages secondaires n’ont aucune épaisseur (le personnage féminin est loin d’avoir la complexité et la force des femmes chez James Cameron), ce qui fait que le récit d’Elysium demeure assez froid et est régulièrement dénué d’empathie, ce qui finit par poser un certain problème lors de la conclusion du long métrage. L’émotion ne parvient pas à poindre car il n’y a jamais de respiration dans le long métrage. Comme Oblivion, Elysium est une magnifique coquille vide. Mais là où le film de Kosinski se paumait dans des « twists » référentiels, celui de Blomkamp craint d’être trop ambitieux. Et après réflexion, seules quelques fulgurances gores inattendues permettent de certifier qu’Elysium joue dans une autre cours que le « blockbuster » familial. Une belle occasion ratée, un grand film manqué, mais malgré tout un divertissement honorable qui ne démérite pas non plus au milieu d’une concurrence relativement en forme cette année.

NOTE : 6.5 / 10

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commentaires

L
Vu le film hier, (dvd) je trouve que (encore une fois) une belle occasion ratée résume bien "l'affaire" ;Une bonne idée de départ (monde dichotomique)....qui aurait pu faire un excellent film...Vais regarder District 9.
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