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19 juin 2014 4 19 /06 /juin /2014 00:24

Et c'est parti pour dix-huit mois d'hystérie. Les geeks sont déjà au bord de l'insomnie, à l'affut de toute information croustillante qui leur permettra de rêver en attendant sa sortie en salles. Les sites sur le cinéma n'hésitent plus à balancer en "Une" de courts textes portant sur la moindre rumeur qui ébranle la toile, ayant ainsi l'assurance d'obtenir un maximum de "clics" en un minimum de temps. Ce projet qui attirera tous les regards jusqu'en décembre 2016 est évidemment Star Wars VII de J.J. Abrams. Et autant le dire, on n'avait pas vu pareille surexcitation collective pour un film depuis celle qui avait précédé la sortie de... Star Wars - Episode I : La Menace Fantôme de George Lucas.

Souvenez-vous, c'était en 1999, soit une éternité à l'échelle d'Internet où toute "news" est quasiment périmée avant même qu'elle n'ait eu le temps d'être massivement diffusée. Le long métrage de George Lucas était alors attendu comme le Messie car celui-ci marquait le début de la préquelle en trois épisodes devant révéler ce qui s'était passé avant les évènements relatés dans la trilogie originale de La Guerre des Etoiles, une oeuvre profondément ancrée dans l'inconscient collectif et apparaissant à juste titre comme l'un des pilliers de la culture populaire moderne. Sorti en 1977, le premier opus de Star Wars reçut, contre toute attente et malgré une production infernale pour son instigateur, un triomphe d'une ampleur inédite dans l'Histoire du cinéma. Comme le montrent ces images sidérantes du Chinese Theater à Los Angeles en mai 1977, les files d'attente aux Etats-Unis pour chaque séance s'étendaient jusque dans les rues, et ce, parfois sur plusieurs "blocs". Tout le monde voulait voir ce "space opera" dont tout le monde parlait. Tout le monde voulait voir ce phénomène qui déchainait la masse. Tout le monde voulait y participer, le vivre et l'intégrer afin de pouvoir dire à son tour : "Moi aussi, j'ai découvert Star Wars au cinéma". Les "vieux" critiques de l'époque étaient dépassés. En France, les remarques dédaigneuses ont fusé afin de tenter futilement de minimiser l'impact gigantesque que le film était en train d'engendrer à l'échelle mondiale (et non pas uniquement dans le milieu hollywoodien) tout en essayant de montrer qu'ils - l'intelligencia - n'étaient pas dupes face à ce gros jouet bruyant rempli d'effets visuels hallucinogènes visant à satisfaire de jeunes dépravés accrocs aux substances LSD.

On peine à présent à le croire, mais le long métrage déchaina les passions. Parce qu'il parvenait à plaire au plus grand nombre grâce à cette épopée à vocation universelle - qui est dorénavant citée comme exemple dans les écoles de scénaristes - Lucas fut la cible de critiques d'une agressivité désolante. En France, le journaliste Ignacio Ramonet fit notamment une analyse idéologique du film en écrivant que :

"seuls les Blancs (et anglophones) parviendront jusqu'au futur ; que [...] les femmes des agriculteurs devront toujours faire la cuisine pour leur mari : [...] que les militaires auront des tentations totalitaires, qu'ils [...] se mettront sous les ordres d'une jeune princesse et que celle-ci, à la fin, distribuera des décorations au cours de grandioses cérémonies de saveur hitlérienne." (1)

De leur côté, les critiques de l'émission "Le Masque et la Plume" se gaussèrent pour la plupart à son sujet en le balayant d'un revers de la main. Peu importe, le succès fut démesuré malgré ces quelques avis mesquins et George Lucas put étendre son odyssée comme il le prévoyait au départ avec Star Wars - L'Empire contre-attaque en 1980 et Star Wars - Le Retour du Jedi en 1983. Le cinéaste originaire de la ville de Modesto développa un puissant empire à l'aide de sa soudaine fortune mirobolante - accumulée notamment par sa judicieuse décision de baisser son salaire pour reçevoir en échange l'intégralité des recettes de la branche des "produits dérivés" alors peu considérée par les grands studios - qui lui assura le contrôle absolu sur ses futures productions et sur l'univers Star Wars dont il se retrouvait être l'unique décisionnaire.

Néanmoins, ce n'est qu'en 1999 que Lucas revint derrière la caméra, puisqu'il avait préféré assurer le poste de "producteur" lors des deux suites afin de déléguer le fastidieux boulot de la mise en scène tout en gardant le contrôle de la franchise. C'est cette Menace Fantôme qui marquait son retour en tant que cinéaste, ving-deux ans après La Guerre des Etoiles, désormais rebaptisée Star Wars - Episode IV : Un Nouvel Espoir afin de l'inclure logiquement dans le cadre de la trilogie préquelle qu'il préparait et qui se centrait sur la chute du chevalier Jedi Anakin Skywalker - le père de Luke, le héros de la trilogie initiale - qui l'amènera à devenir le vilain Dark Vador. La production de ce premier opus qui devait ouvrir les festivités avant le passage à l'an 2000 fut scrupuleusement suivie par une immense communauté de "fans" grâce à un nouvel outil d'informations en pleine expansion : l'Internet. En effet, La Menace Fantôme fut le premier "blockbuster" dont la fabrication a été particulièrement relayée via la toile et suivie massivement par les internautes-cinéphiles. Néanmoins, tout le monde ne disposait pas encore de cet outil aujourd'hui démocratisé. Pour découvrir les deux bandes annonces du film, les fans devaient parfois aller au cinéma pour la voir. Ainsi, aux Etats-Unis, il n'était pas rare qu'une partie du public quitte la projection d'un film après la diffusion du premier "trailer".

Inutile de dire que ce dernier entraina des réactions toutes sauf mesurées, la grande majorité s'extasiant sur les "money shots" tandis qu'une minorité s'inquiétait d'y retrouver des traces des travers que Lucas avait développé : une omniprésence du numérique (cf. la ressortie en 1997 de la trilogie originale au cinéma, dotée de plusieurs hideuses séquences modifiées afin de rendre populaire une saga qui l'était déjà auprès d'une nouvelle génération de gamins), une tendance à l'infantilisation (cf. le tristement fameux "Star Wars Holiday Special" que la société Lucasfilm a maintes fois tenté de supprimer), ou encore un amoindrissement de la portée mythologique de l'intrigue au profit d'un déluge de pirouettes spectaculaires. La sortie du "film-évènement qui allait tout ravager sur son passage et entrainer une nouvelle ère dans l'histoire du cinéma" en calma plus d'un. Entre Jar Jar Binks, l'acteur insipide incarnant Anakin Skywalker, un casting qui déclamait ses lignes avec toute la mauvaise volonté du monde, des personnages aux accents un tantinet racistes, Jar Jar Binks, un rythme mal gêré, d'interminables débats parlementaires pour vaguement tenter d'expliquer un complot corporatiste, une démystification de la Force et Jar Jar Binks, La Menace Fantôme prouvait qu'il n'était absolument pas à la hauteur des épisodes précédents tout en étant aussi désastreux si l'on se contentait de le juger par rapport aux "standards" de l'époque.

L'Attaque des Clônes en 2002 et, dans une moindre mesure, La Revanche des Siths en 2005 confirmèrent la débacle de l'entreprise. De plus en plus d'effets digitaux pour que Lucas n'ait plus à souffrir des contraintes et des contretemps inhérents à la mise en scène, du "fan service" inutile (Jango Fett, père du tueur à gage Boba Fett si aimé des afficionados de Star Wars, en est l'exemple le plus flagrant), des incohérences à la pelle qui prouvaient que Lucas n'avait jamais eu une ligne directrice précise concernant la prélogie, d'interminables scènes de discussion filmées en champs et contrechamps basiques, un univers de moins en moins original,... Si l'on écarte le miracle qu'a accompli la série animée Clone Wars par Genndy Tartakovsky, seuls le Obi-wan joué par Ewan McGregor et la composition musicale toujours aussi épique de John Williams surnagent aujourd'hui encore de ce carnage intégral. Pourtant, la perspective de poursuivre l'aventure Star Wars malgré un retour aussi calamiteux continua d'enthousiasmer les cinéphiles. Sitôt la prélogie achevée, tout le monde espérait voir se concrétiser cette fameuse troisième trilogie supposée se dérouler après les aventures originales de Luke Skywalker - période qui avait été explorée dans de nombreuses versions parallèles par des artistes divers, formant ce que l'on appelle "l'Univers Etendu". 

Cette arlésienne ne datait pas d'hier mais peu de choses concrêtes avaient été dévoilées sur ce que ces hypothétiques opus VII, VIII et IX étaient supposés raconter depuis que Lucas en avait fait mention dès la fin des années 1970. Indéniablement, Lucas et son équipe de scénaristes avaient réfléchi sur la trame d'épisodes ultérieurs au Retour du Jedi, mais le contenus de ceux-ci semblaient changer diamétralement au fil des années. La mystérieuse genèse de cette troisième trilogie était pour le moins complexe comme en atteste avec moultes détails l'article "La véritable histoire de épisodes VII, VIII et IX". Mais peu-à-peu, les rumeurs se calmèrent lorsque Lucas - après une série de triturations abominables visant à faire correspondre les trois épisodes originaux avec la prélogie - annonça qu'il prenait sa retraite et que, au bout de quelques années, rien de concret n'avait été annoncé pour confirmer la mise en chantier de cette troisième trilogie. C'est alors qu'un communiqué de presse d'une importance certaine dans l'Histoire du cinéma fut publié sur le net le 30 octobre 2012. Personne n'avait rien vu venir. Fait inédit, il n'y avait eu aucune fuite préalable au cours des mois précédents. Malgré l'ampleur de l'information, cette dernière a été révélée officiellement pour la toute première fois sans qu'Internet n'ait pu gâcher la surprise. Le 30 octobre 2012, le monde du cinéma a subi un véritable séisme à cause de cette photo :

Robert A. Iber, le PDG de la Walt Disney Company, et George Lucas, le créateur de STAR WARS

Robert A. Iber, le PDG de la Walt Disney Company, et George Lucas, le créateur de STAR WARS

L'Internet cessa de tourner. Comment une telle "news" a-t-elle pu échapper aux radars des internautes avant son officialisation ? Ainsi, après avoir lutté pendant trois décennies contre la mainmise des gros studios californiens afin de conserver le contrôle de ses films et de son univers, Lucas cédait toutes ses créations à la plus grosse des "majors" (2). En plus de sa célébrissime filiale d'animation, Disney disposait dorénavant de Pixar, de la majorité des super-héros Marvel, de la franchise Star Wars et de la série Indiana Jones - même si la priorité est donnée au "space opera", nul doute que le "reboot" des aventures de l'archéologue au chapeau est en préparation, le studio n'en ayant pas obtenu les droits d'exploitation à un tel prix pour ne rien en faire. Le prix de l'indépendance de Lucas contribua à la sidération qu'engendra cette nouvelle. Disney dû en effet débourser 4,05 milliars de dollars afin d'acquérir ce que le cinéaste avait mis tant de temps à développer à l'écart des studios : Lucasfilm Ltd, une entreprise pionnière dans le divertissement et l'innovation des technologies cinématographiques fondée à San Francisco dans le "Skywalker Ranch". Disney disposa de plus des filières s'occupant de la production de films "live", de produits dérivés et d'effets visuels - on y retrouve LucasArts, ILM (Industrial Light & Magic) et Skywalker Sound. Afin de sceller la transaction, le cinéaste déclara :

"Durant les 35 dernières années, un de mes plus grand plaisir a été de voir Star Wars passer d'une génération à la suivante. Il est maintenant temps pour moi de transmettre Star Wars à une nouvelle génération de réalisateurs. J'ai toujours cru que Star Wars pourrait me survivre, et je pense qu'il était important de réaliser cette transition de mon vivant. Je suis confiant dans le fait que Lucasfilm, sous la direction de Kathleen Kennedy et ayant une nouvelle maison au sein de l'organisation Disney, et Star Wars continueront de vivre, et fleuriront pour les nombreuses générations à venir. La portée de Disney et son expérience donnent à Lucasfilm l'opportunité de s'ouvrir vers de nouvelles voies dans le cinéma, la télévision, les médias intéractifs, les parcs à thèmes, les spectacles live, et les produits dérivés." (3).

Le 31 octobre, tout le monde ne parlait plus que de cela : après tant d'années d'incertitude, il y aura bien de nouveaux épisodes Star Wars au cinéma ! Aussitôt, la farandoles des rumeurs commença autour du film "le plus important de ces prochaines années" tandis que le sabotage conscient du John Carter d'Andrew Stanton quelques mois auparavant s'éclaira sous un nouveau jour - adapté des romans d'Edgar Rice Burrough composant ce Cycle de Mars qui servait de source d'inspiration principale à Lucas, le film produit par Disney risquait de lancer une franchise concurrente et trop similaire. La question qui brulait les lèvres était : Star Wars allait-il survivre à ce passage de flambeau ? Cette nouvelle génération de cinéastes réussirait-elle à rendre justice à l'univers de Lucas maintenant que ce dernier a accepté de ne plus être le "Gardien de la Flamme" ? De prime abord, si l'on passait outre l'idée absurde que Star Wars n'appartenait qu'à Lucas - ce qui était faux même lors de la confection de la trilogie initiale au cours de laquelle de nombreux collaborateurs apportèrent leur grain de sel - il y avait plutôt de quoi se réjouir par cette transition, surtout après cette prélogie qui avait montré que Lucas n'était plus que l'ombre de lui-même.

L'une des autres raisons était la présence de Kathleen Kennedy à la tête du projet. Cette dernière est l'une des (rares) femmes (très) puissantes à Hollywood et co-dirigeait jusqu'à lors avec son mari The Kennedy/Marshall Company crée en 1992. Cette société de production avait notamment à son actif Sixième Sens de M. Night Shyamalan, Munich et Lincoln de Steven Spielberg ou encore Persépolis de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud. De façon plus large, Kennedy, après avoir débuté comme assistante auprès du scénariste et cinéaste John Milius, s'est imposée peu-à-peu comme une figure de proue du divertissement hollywoodien et a produit la quasi-intégralité des longs métrages de Spielberg depuis les années 1980 (dont E.T. et la trilogie Jurassic Park). Très peu de temps après que le colossal marché ait été conclu, Kennedy révéla qu'elle travaillait depuis plusieurs mois sur le lancement d'une nouvelle trilogie. A partir d'un traitement écrit par Lucas retraçant les grandes lignes qu'étaient supposés suivre les trois prochains épisodes, le scénariste oscarisé Michael Arndt (Little Miss Sunshine, Toy Story 3) fut chargé de composer le script de l'épisode VII.

Il est difficile de ne pas se perdre dans le flot d'annonces plus ou moins sérieuses qui déferla durant les mois suivants. Le planning de Disney entendait sortir un film Star Wars tous les ans. L'épisode VII devait sortir en mai 2015 (date symbolique) avant d'être repoussé à décembre, l'épisode VIII est prévu en 2017 et l'épisode IX arrivera en 2019. Pour combler les trous, divers films additionnels furent annoncés : des "spin off", soit des longs métrages se déroulant dans le même univers mais se focalisant sur d'autres personnages et d'autres intrigues. Le 5 février 2013, Disney confirma la mise en chantier de ces derniers sans dévoiler sur quoi ils porteraient. Trois seraient officiellement prévus - le premier mis en scène par (le jeune) Gareth Edwards (Monsters, Godzilla) sortira à l'été 2016 et le second réalisé par (le jeune) Josh Trank (Chronicle, le "reboot" des 4 Fantastiques) sera visible sur les écrans à l'été 2018. Une rumeur apparue en janvier 2013 voulait que Zack Snyder (300, Watchmen, Man of Steel) se charge du troisième, qui reprendrait l'intrigue des Sept Samouraïs d'Akira Kurosawa (ce dernier ayant été une des grandes influences de la saga) en la transposant dans cette galaxie très, très lointaine. Néanmoins, le bonhomme est rattaché pour une durée indéterminée à Warner avec Man of Steel 2/Superman v. Batman/La Ligue des Justiciers, le commencement (on ne sait plus trop) puis par La Ligue des Justiciers. Des rumeurs récentes et persistantes veulent que ces "spin off" tournent autour de la jeunesse de Han Solo, de Boba Fett et du petit maitre jedi vert Yoda.

Mais qui allait oser s'asseoir sur le siège du réalisateur à la place de Lucas ? Qui aller être assez suicidaire pour s'embarquer dans le projet le plus risqué de ces dernières années - ne bénéficiant pas de la sacro-sainte aura du "Gardien du Temple", le moindre échec risque d'être fatal à la carrière du cinéaste qui aura à affronter les foudres d'une horde composée de quelques millions de fans ? Si les noms de Neill Blomkamp (District 9, Elysium), de Joseph Kosinski (OblivionTron l'héritage produit chez Disney) ou d'Andrew Stanton (un grand nom de Pixar ayant à son actif Le Monde de Némo, Wall-e et John Carter) faisaient rêver les cinéphiles et laissaient entrevoir une variété d'approches stimulantes et variées, ils semblerait qu'ils n'aient jamais été vraiment envisagés. Le premier cinéaste à avoir été approché pour l'épisode VII fut évidemment Steven Spielberg. Ami proche de Lucas et de Kennedy, il a entretenu un certain lien avec la saga : il a failli réaliser Le Retour du Jedi, a participé à l'élaboration du duel final dans La Revanche des Siths et s'est amusé à faire des clins d'oeil malicieux aux films dans E.T.. Mais le bonhomme a roulé sa bosse depuis et il déclina l'offre - il déclarait à cette époque qu'il voulait se mettre "en danger" et que faire des films d'aventure ne l'intéressait plus car il savait les réaliser les yeux fermés.

De son côté, Guillermo Del Toro (Le Labyrinthe de Pan, Pacific Rim) aurait été judicieusement contacté via son agent mais le cinéaste mexicain a refusé - son planning était déjà tellement chargé qu'il devait abandonner ou déléguer les trois quarts des projets auxquels il se retrouvait attaché. Son ami proche Alfonso Cuaron (Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban, Les Fils de l'Homme, Gravity) aurait entrepris des discussions mais celles-ci auraient en fait concernées la réalisation d'un épisode ultérieur - si la participation de ce cinéaste génial serait plus que réjouissante, ce dernier souhaite pour l'instant faire une pause après avoir passé quatre années épuisantes sur son propre film spatial. De manière plus surprenante, Ben Affleck (Gone Baby Gone, Argo) aurait aussi été courtisé tandis que Matthew Vaughn (Layer Cake, Kick-ass, X-men : le commencement) aurait été très proche de décrocher le poste - il aurait notamment conseillé d'engager Chloe Moretz (Kick-ass, Laisse-moi entrer) pour l'un des rôles principaux. De tous ces noms, le candidat le plus sérieux fut Brad Bird. Le réalisateur du Géant de fer, des Indestructibles, de Ratatouille et de Mission Impossible : Protocole Fantôme a déclaré que Lucas et Kennedy l'avaient rencontré en personne mais qu'il avait décliné l'offre pour se consacrer pleinement sur son prochain film intitulé Tomorrowland

Ce rendez-vous manqué est frustrant tant Bird est un artiste d'une grande intelligence, capable d'être aussi à l'aise avec le drame, l'humour et l'action. Il a l'expérience des grandes productions et il sait comment s'adresser à un jeune public tout en maniant des références et des thématiques susceptibles de parler aux adultes. Ne perdons pas espoir pour un futur épisode (4) car son "remplaçant" ne lui est pas étranger et a participé à l'élaboration de son film d'espionnage avec Tom Cruise. Le 25 janvier 2013, nouveau coup de théâtre : LucasFilm annonça que J.J. Abrams sera le réalisateur de Star Wars - Episode VII. "Golden Boy" de Hollywood qui rêve d'être Spielberg sans jamais parvenir à la cheville de son modèle, Abrams a débuté en tant que producteur et scénariste à la télévision (Lost notamment) avant de faire ses premier pas en tant que metteur en scène de cinéma avec Mission : Impossible 3 (il avait au préalable co-écrit Armaggedon de Michael Bay et rédigé une version de Superman lorsque la Warner tentait de ressuciter la franchise à la fin des années 1990). Grace à son succès et à sa popularité grandissante, ce "geek" portant toujours des lunettes, une casquette, un jean et des baskets (voyez que la tentative d'imitation du cinéaste des Dents de la Mer est d'une grande subtilité et ne se limite pas qu'à ses films - il ne manque plus que la barbe) eut ensuite pour tâche de ressuciter la série Star Trek sur le grand écran après moultes films de qualité décroissante.

Ainsi, grâce à un choix d'une franche originalité, les deux séries de S.F. concurrentes (et supposées très opposées) furent confiées au même homme. Sachant que Abrams, pour faire renaître la série de Gene Roddenberry, a pompé Star Wars, on peut considérer et craindre que son Episode VII ne soit pas très différent de son Star Trek et de sa suite pas super réjouissante Star Trek - Into Darkness. Pour rappeler la méfiance qu'inspire Abrams en ces lieux, je me contenterais de citer ce que j'avais écrit à son sujet lors de la critique de son précédent film :

"Certes, J.J. Abrams vient lui-aussi [à l'instar de son mentor Spielberg] de la télévision [...]. Mais son embrayage dans le domaine du cinéma est moins jubilatoire et original : la suite d'une série (Mission : Impossible 3), le "reboot" d'une vieille série (Star Trek), le "remake" masqué d'un classique de la S.F. sorti en 1982 (Super 8, vendu comme un projet original alors qu'il repompait intégralement une imagerie popularisée par le studio Amblin tout en la mâtinant d'un peu de Jurassic Park), et maintenant la suite du "reboot" de la vieille série (Star Trek - Into Darkness) avant la suite-"reboot" d'une énième franchise ne lui appartenant pas."

Le bonhomme n'est donc pas le plus imaginatif - ou le moins récycleur/plagieur - des cinéastes et sa personnalité est très peu marquée malgré l'insistance des "Cahiers du Cinéma" à nous le faire passer pour le meilleur "entertainer" dont Hollywood dispose à l'heure actuelle. Néanmoins, si le bougre n'est pas un grand réalisateur, il est un publicitaire hors pair aux méthodes parfaitement rodées. Le point de départ de ses films est toujours alléchant, le tournage est top secret pour intriguer les "geeks" avant de les exciter par quelques photos soit-disant "volées", quelques "teasers" font monter la sauce, on ment sur des points de détail pour faire croire que rien n'a été éventé. L'effet est que les cinéphiles se mettent à élaborer toute une intrigue et une mythologie "parallèles" à celles du film réel qu'ils n'ont pas encore vu (5). Le buzz monte à son paroxysme alors que J.J. fait le tour des conventions de "fanboys" pour leur dévoiler un morceau exclusif de la chose. Après de si longs préliminaires vient l'extase tant attendue avec la projection. Et lors du générique de fin, le spectateur plongé dans un état post-coïtal réalise avec déception que ça ne valait pas tout ce tintamarre. Comme pour confirmer la mauvaise tournure que venait de prendre le projet, Ardnt fut mystérieusement remplacé par Abrams et Lawrence Kasdan - une des nombreuses cautions artistiques visant à satisfaire et à aveugler les puristes. Ce dernier est le scénariste de L'Empire contre-attaque et du Retour du Jedi (ainsi que des Aventuriers de l'Arche Perdu) ; il bénéficie donc d'un certain "background" bien qu'il n'ait rien fait du même niveau depuis trente ans. Et Abrams est loin d'avoir brillé par la tenue de ses précédents scénarii. Simple réécriture ou refonte totale du projet ? On l'ignore mais cela a été suffisamment important pour repousser de six mois la sortie du film (Disney refuse d'accorder un délai supplémentaire). Plus d'un an après, la production derrière l'Episode VII révéla enfin son casting, marquant le "top départ" du tournage et de l'hystérie qui va durer sans discontinuer jusqu'en décembre 2015 :

La photo officielle du casting prise lors d'une lecture faite aux studios Pinewood, Londres, le 29 avril 2014. J.J Abrams y est entouré de (dans le sens des aiguilles d'une montre) Harrison Ford (HAN SOLO), Daisy Ridley, Carrie Fisher (LA PRINCESSE LEIA), Peter Mayhew (CHEWBACCA), le producteur Bryan Burk, Kathleen Kennedy, Domhnall Gleeson (Anna Karenine), Anthony Daniels (C3PO), Mark Hamill (LUKE SKYWALKER), Andy Serkis (Le Seigneur des Anneaux), Oscar Isaac (Inside Llewyn Davis), John Boyega (Attack the Block), Adam Driver (Lincoln) et de Lawrence Kasdan.

La photo officielle du casting prise lors d'une lecture faite aux studios Pinewood, Londres, le 29 avril 2014. J.J Abrams y est entouré de (dans le sens des aiguilles d'une montre) Harrison Ford (HAN SOLO), Daisy Ridley, Carrie Fisher (LA PRINCESSE LEIA), Peter Mayhew (CHEWBACCA), le producteur Bryan Burk, Kathleen Kennedy, Domhnall Gleeson (Anna Karenine), Anthony Daniels (C3PO), Mark Hamill (LUKE SKYWALKER), Andy Serkis (Le Seigneur des Anneaux), Oscar Isaac (Inside Llewyn Davis), John Boyega (Attack the Block), Adam Driver (Lincoln) et de Lawrence Kasdan.

A la liste d'acteurs sus-mentionnés s'ajoutent Max Von Sydow (L'Exorciste), Gwendoline Christie (la série Game of Thrones), l'oscarisée Lupita Nyong'o (12 Years a Slave) et a priori David Oyelowo (Jack Reacher). Si l'on s'en fie à l'âge et à la couleur de peau de ces deux derniers, on peut conclure qu'ils incarneront sûrement la mère et le père du personnage joué par Boyega. Ajoutons aussi qu'il s'agirait de "méchants" - vous voyez venir l'intrigue très originale dans la saga du jeune héros contraint d'affronter ses propres parents ? Parmi les recalés, citons Gary Oldman, Michael Fassbender, Saoirse Ronan (malheureusement), Zac Efron, Benedict Cumberbatch (malheureusement, bis) ou encore Judie Dench. Le casting rassure autant qu'il inquiète. Le bon coté est que ces acteurs sont d'excellents comédiens capables de rendre pleinement justice aux dialogues si particuliers de ce "space opera". Le retour des anciens est risqué, mais il semblerait qu'après un régime draconien Mark Hamill et Carrie Fisher semblent à peu près prêt à rendre justice à la version âgée de leurs personnages.

Néanmoins, attention à l'excès de nostalgie - probablement la plus grande crainte que l'on puisse avoir au sujet d'Abrams qui se complait bien trop souvent à faire des clins d'oeils et à récycler ce qui a été fait auparavant ! De plus, la mise en avant de Harrison Ford au détriment de Hamill (le premier étant beaucoup plus célèbre et son personnage étant beaucoup plus mémorable) indique que Star Wars ne suivra plus vraiment la lignée des Skywalker. Pour ne rien arranger, Ford, dont le rôle dans l'épisode VII a été décrit comme "gigantesque" - nul doute que la star devrait voir son ancien souhait être réalisé à la fin du film, vient de se blesser et est indisponible pendant huit semaines. Et devait-on vraiment reprendre le diminué Mayhew pour Chewbacca ainsi que Kenny Baker pour le droïde R2-D2, à l'heure où l'on peut éviter à un nain de se retrouver enfermer dans un caisson afin de controler le petit droïde, pour plaire à tout prix aux fans intégristes ?

Dans le cas des "nouveaux", on peut être légèrement perplexe. Qui parie qu'Oscar Isaac incarnera une sorte d'antihéros cynique visant à remplacer Han Solo ? Qui parie que le pro de la performance capture Andy Serkis interprêtera une créature alien chargée de se substituer à un Chewbacca grabataire ? Von Sydow jouera-t-il le fantôme d'Obi-wan Kenobi ? Les espoirs de nouveauté - loin d'être garantis - sont donc à placer dans le trio de héros principaux : Boyega (surement le nouveau "Luke"), Ridley (vu sa position sur la photo, probablement la fille de Solo et de Leia, et donc la remplaçante de cette dernière) et vraisemblablement Dominic Gleeson (à moins qu'il ne s'agisse d'Isaac chargé de se substituer à Solo). Abrams osera-t-il s'aventurer dans de nouveaux horizons ? Rien n'est moins sûr quand on se rappelle ses deux Star Trek complètement référenciels. Pour confirmer cette déférence paralysante, John Williams a été engagé pour les trois films au détriment d'un peu de sang neuf (au hasard, le tout indiqué Michael Giacchino). On peut craindre, vu l'âge du géant de la B.O. de films, qu'il ne parvienne pas à finir la trilogie, ce qui pourrait s'avérer dommageable quant à l'homogénéité musicale de l'ensemble. Evidemment, l'adoré Faucon Millenium sera là.

Et depuis quelques semaines, les effets d'annonces se multiplient pour donner aux fans ce qu'ils réclament (cette servitude envers eux sera-t-elle bénéfique au film ? Rien n'est moins sûr). Tournage en 35mm évidemment, localisé à Londres comme lors de la première Guerre des Etoiles, avec le retour d'une partie de l'ancienne équipe technique tandis qu'une part de l'intrigue se déroulera sur Tatooine (à croire qu'il n'y a que cette planète dans la galaxie Star Wars). Une longue série de photos "volées" est apparue dernièrement sur le net. Outre le fait que l'on puisse douter du caractère clandestin de ces images - comme si le tournage d'un film évènementiel était aussi détendu qu'un Club Med ! - celles-ci dévoilent plein de décors, d'accessoires et de bébêtes "en dur" afin de faire croire aux fans qu'il n'y aura pas beaucoup d'effets numériques (vous voulez dire comme lorsqu'on nous l'avait promis durant la production d'Indiana Jones et le crâne de cristal ?). Au passage, l'une d'entre elles prouve déjà qu'il y aurait bien un récyclage des anciens "concept arts" non employés par le film de 1977 (cf. cette sublime image de Ralph McQuarrie). Tout va bien : en 2014, on s'apprête à filmer un long métrage exactement comme en 1977, et tout ça pour votre bon plaisir ! Pendant ce temps-là, une rumeur persistante annonce que le costume de Boba Fett se promènerait sur le plateau - cette résurrection collerait idéalement avec ce supposé "spin-off" qui lui serait dédié.

On le sait, la mode hollwoodienne est à la nostalgie. Qu'il est aisé d'obtenir un succès en titillant la fibre sensible des cinéphiles : les plus vieux voudraient revivre cet émerveillement de leur jeunesse tandis que les plus jeunes souhaitent avoir l'opportunité de voir ces classiques - ou un "ersatz" - sur un grand écran et non plus en DVD. Néanmoins, combien de ces retours opportunistes n'ont pas été de véritables gueules de bois ? La leçon que nous ont donné Indiana Jones 4, Prometheus, Die Hard 4, Predators, les "remakes" de Total Recall, Robocop, The Thing, etc,... ne nous ont rien appris ? Cela est voué à l'échec car un film est TOUJOURS représentatif de son époque. Et la nôtre n'est pas assez courageuse pour inventer ses propres mythologies. Alors on pille (et non "s'inspire") d'anciennes oeuvres en croyant qu'il suffit de quelques clins d'oeils malicieux envers leurs éléments les plus caractéristiques pour que cela suffise à obtenir la même "essence". Combien de temps faudra-t-il encore pour que les cinéphiles comprennent que la nostalgie est un dangereux leurre commercial - car ce n'est évidemment pas par "nostalgie" que Disney a lancé une troisième trilogie Star Wars ?

Si on peut laisser le bénéfice du doute à Abrams qui peut nous réserver un sursaut en se retrouvant à la tête de son oeuvre préférée - si un bon réalisateur peut faire un mauvais film, pourquoi un cinéaste quelconque ne pourrait pas avoir un éclair de génie (Jason Reitman et Doug Liman nous l'ont prouvé avec leurs derniers films) ? - il est quand même difficile de jouer les impatients devant cette production aux airs de déjà-vu qui seront sans nul doute confirmés lors de la diffusion des premières photos officielles, des trente "trailers" et des cinquantes posters qui seront tous décortiqués plus que de raison. Si on a le droit d'attendre ce Star Wars VII, peut-on quand même s'avouer méfiant devant autant de bonnes intentions qui ne peuvent être complètement honnêtes ? Peut-on être un peu agacé par le fait que l'on nous concocte une soupe à laquelle on a déjà gouté ? Peut-on enfin surtout dire qu'un Star Wars devrait être infiniment plus qu'un divertissement "fun", que l'on consomme et que l'on oublie aussitôt à l'instar de Star Trek : Into Darkness ? Ou qu'un hommage déférent et frileux car paralysé par le gigantisme de ce qu'il admire ? Et que tout ce que l'on nous a annoncé jusqu'à présent tend pour l'instant à confirmer ces deux approches ? C'est vraiment cela que tout cinéphile qui a grandi avec les oeuvres de Lucas et de Spielberg se doit d'attendre avec impatience ? Doit-on se réjouir qu'en termes de grandes aventures spectaculaires au cinéma, on ne nous offrira jusqu'en 2020 rien d'autre que du (non)super-héros Marvel/D.C. et du Star Wars réchauffé ? Pendant ce temps, personne ne parle de Tomorrowland de Bird, tout comme personne ne s'était vraiment intéressé à la production de Edge of Tomorrow, d'Avatar et de Gravity. Et alors qu'un abject Iron Man 3 et qu'un pathétique World War Z cartonnent, seule une minorité défend un Pacific Rim, John Carter ou un Lone Ranger. Combien de Terminator Génésis et Jurassic World faudra-t-il pour que l'on se décide à convaincre - nous, spectateur - les producteurs de lâcher ces sublimes licences "d'un autre temps" pour inventer celles d'aujourd'hui ?

 

_ _ _ _ _

(1) Ignacio Ramonet, "La Guerre des étoiles ou l'Amérique réconciliée avec sa technologie", Libération, n°1157, paru le 19 octobre 1977, (p.14)

(2) L'article de Rafik Djoumi, intitulé "Lucasfilm et Disney : la chute de la République" et publié sur le site "Capture Mag" le 5 novembre 2012, revient en détail sur la terrible symbolique et les immenses implications de cet accord.

(3) L'article "Le rachat de LucasFilm par Disney" publié sur le site "Starwars Universe" lors du dossier "STAR WARS VII - EN ATTENDANT LE RETOUR". Celui-ci revient précisément sur les détails de la transaction et les ambitions affichées par les deux partis.

(4) A peine 48h après la publication de mon article, Disney/Lucasfilm annonçait que l'excellent Rian Johnson (quelques-uns des meilleurs épisodes de Breaking Bad, Looper) écrira et réalisera l'épisode VIII, tout en fournissant un traitement détaillé pour l'épisode IX. Comme quoi, alors que je mettais en doute la démarche et les choix du studio Mickey, ce dernier se charge de me remettre à ma place.

(5) On peut prendre comme exemple la manière avec laquelle Abrams s'est échiné à masquer l'identité du méchant de Star Trek - Into Darkness interprété par Benedict Cumberbatch et qui avait été éventé des mois à l'avance par des "geeks" qui, réalisant lors de la sortie du film qu'ils avaient raison, exprimèrent un réel mécontentement envers le réalisateur qui avait persisté à leur mentir pour quelque chose d'absolument évident. Conscient de son goût exagéré pour le mystère à tout prix, Abrams en plaisanta même à dessein dans le cadre de la promo lors d'une émission de Conan O'Brien. Inutile de préciser qu'il s'est exactement passé ce que O'Brien et Abrams "moquent".

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7 février 2014 5 07 /02 /février /2014 10:54

Philip Seymour Hoffman nait dans l'Etat de New York en juillet 1967. Comme beaucoup d'acteurs confirmés, il s'engage très tôt dans cette voie en participant à des cours de théâtre à l'école puis en intégrant la New York State Summer School of the Arts. Il reçoit un Bachelor of Fine Arts en expression théâtrale alors qu'il a vingt-deux ans. Il commence dans le cinéma par des seconds rôles dans des films comme Triple Bogey en 1991, puis avec un personnage de plus grande importance avec My New Gun quelques mois plus tard. Son premier long métrage à disposer d'une large audience - quasi internationale dans une certaine mesure - est le drame "scolaire" (dans tous les sens du terme) Le Temps d'un week-end de Martin Brest. Il y joue l'un des jeunes étudiants qui harcèlent le héros et il se fait vertement sermonner par Al Pacino lui-même lors de son impressionnant monologue final qui lui permit d'obtenir son oscar de consolation.

Tout grand acteur a généralement son cinéaste fétiche ; celui qui va l'illuminer et le prendre comme muse : Robert De Niro puis Leonardo DiCaprio avec Martin Scorsese, Ryan Gosling avec Nicolas Winding Refn ou encore Michael Fassbender avec Steve McQueen si l'on veut citer les cas les plus récents. Hoffman fait sa rencontre capitale en 1996 avec le cinéaste Paul Thomas Anderson à l'occasion de Sydney. Ils retravailleront ensemble à quatre occasions, dont trois longs métrages. La fois suivante n'est pas plus tard que l'année d'après pour la très belle chronique du milieu pornographique seventies intitulée Boogie Nights, au cours de laquelle il cotoie Julianne Moore, Mark Walhberg ou encore Burt Reynolds. C'est sa véritable révélation au grand public, plus que sa participation mineure au Twister de Jan de Bont (que l'auteur de ces lignes porte chèrement dans son coeur !) - d'autant plus qu'Hoffman  souvent évité de s'adonner aux films de studios à de rares exceptions près.

A partir de cette date, plus rien n'arrêtera l'ascension de Philip Seymour Hoffman qui travaillera avec des noms de plus en plus réputés et exigeants. Les frères Joel et Ethan Coen d'abord pour ce monument de la comédie qu'est The Big Lebowski, dans un second rôle qui n'est pas le moins marquant de cette galerie de personnages plus barrés les uns que les autres. Todd Solondz ensuite avec Happiness, Anthony Minghella avec le sympathique remake du grand Plein Soleil avec Le Talentueux Mr Ripley, et Cameron Crowe pour Presque célèbre. Entre-temps, il alterne avec quelques blockbusters dont l'inepte thriller pour grands-mères Dragon Rouge du non moins inepte Brett Ratner dans lequel il évolue au milieu d'un casting à se damner (Anthony Hopkins, Ralph Fiennes ou encore Edward Norton) mais qui est complètement sous exploité. Cela confirme que Hoffman n'a jamais été plus à l'aise que dans les productions dites "modestes", et il faudra le Mission Impossible 3 de J.J. Abrams en 2006 pour faire mentir cette affirmation. Hoffman y incarne le mystérieux Owen Davian, le meilleur méchant de la série : un salaud fini qui parvient à terroriser Tom Cruise ( ce qui n'est pas un moindre exploit) lors d'une scène d'introduction si intense que son réalisateur ne réussit ensuite jamais à faire honneur à ce début en fanfare.

Parallèlement, il continue de travailler pour Anderson qui lui donne l'opportunité de s'illustrer dans des rôles toujours faussement secondaires dans le très émouvant Magnolia en 1999 (où il croisait déjà Cruise), puis dans le plus étrange Punch-Drunk Love trois ans après. L'année 2002 voit aussi sa participation au film acclamé de Spike Lee, La 25ème heure, et 2003 voit une nouvelle collaboration avec Minghella  pour Retour à COld Mountain qui le voit partager l'affiche avec Jude Law, Nicole Kidman et Brendan Gleeson. Mais l'heure de la consécration approche. Deux ns plus tard, Hoffman foudroie le monde des cinéphiles et de la critique en devenant un Truman Capote plus vrai que nature dans le long métrage éponyme de Bennett Miller. Sa transformation mimétique dans la peau du célèbre écrivain américain qui oeuvra notamment au cours des années 1960 échappe, de par sa justesse et son intelligence, aux scories agaçantes et "clichées" des performances que l'on a habituellement dans les "biopics" prestigieux. Hoffman obtient l'Oscar et le Golden Globe du Meilleur Acteur au début de 2006.

L'année d'après, il tient l'un des rôles principaux dans 7h58 ce samedi-là, le film testament du cinéaste de génie Sydney Lumet (Douze Hommes en colère, Serpico, Un après-midi de chien,...), véritable icône de l'époque du Nouvel Hollywood, avant d'enchainer avec La Guerre selon Charie Wilson de Mike Nichols (Le Lauréat), soit une autre immense figure de cette même période. Parmi ses longs métrages plus récents, on peut mentionner Synecdoque, New York de Charlie Kaufman en 2008, la très jouissive comédie "brtish" Good Morning England de Richard Curtis en 2009 dans un mémorable personnade d'animateur radiophonique américain surnommé le "Comte", Les Marches du pouvoir de George Clooney et Le Stratège de Miller en 2011. Quelques mois plus tard, il retrouve son comparse Paul Thomas Anderson qui va lui offrir son personnage le plus emblématique dans The Master. Injustement éclipsé par le retour cabotin de son comparse Joaquim Phoenix, sa prestation en gourou manipulateur et pathétique est de loin la plus subtile et la plus fascinante qu'il ait pu livrer à ce jour ("L'Ecran Masqué" l'avait mentionné il y a un mois dans son article faisant le bilan de 2013). Avec ce long métrage, Hoffman atteint l'apogée de sa carrière. Le monde du cinéma s'offre à lui et il a encore tant à nous donner.

Pourtant, nous ne saurons pas ce que Hoffman aurait accompli ces prochaines années. Nous ne pouvons plus qu'imaginer les rôles qu'il aurait pu avoir et dans lesquels il aurait brillé, car Hoffman est décédé des suites d'une overdose, à New York, ce 2 février dernier. Une nouvelle inattendue, bien que l'acteur avait révélé avoir souffert d'addictions pendant ses jeunes années. En l'état, sa dernière apparition s'est faite dans le blockbuster Hunger Games 2 de Francis Lawrence que la critique a, dans l'ensemble, désignée comme assez "inconsistante", surtout par rapport à son parcours et à l'implication du reste du casting. Mais ce ne sera heureusement pas sa dernière partition et l'acteur ne devrait pas conclure sa trop brève carrière sur une note en demi-teinte. Cette année, il reviendra sur "Terre" le temps d'un film : Un homme très recherché d'Anton Corbjin, dont les futures projections risquent de prendre une sinistre résonnance à présent.

Il y a peu, la dernière véritable tragédie dans l'Histoire du Cinéma était, non pas la 3D, l'arrivée du numérique ou la soit-disant soudaine omniprésence des reboot-remakes comme le sous-entendraient les pseudos-admirateurs du 7ème art, mais la mort trop précoce du génialissime réalisateur de films d'animation japonais Satoshi Kon (Perfect Blue, Millenium Actress, Paprika). La mort beaucoup trop précoce du "Maître" Philip Seymour Hoffman, à 46 ans et laissant trois enfants, vient malheureusement de lui succéder. 

 
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13 septembre 2013 5 13 /09 /septembre /2013 18:08

Voici la seconde partie de ce compte-rendu sur cette dernière édition du Festival de Deauville qui est consacrée aux films qui concourraient pour le Grand Prix. La première partie est disponible ici.

 

LA COMPETITION

 

LES AMANTS DU TEXAS (AIN’T THEM BODIES SAINTS)

Réalisé par David Lowery.

Bob (Casey Affleck) et Ruth (Rooney Mara) s’aiment, envers et contre tout. Et surtout contre la loi. Un jour, un braquage tourne mal et les deux amants sont pris dans une fusillade. Quand Bob est emmené par la police, Ruth a tout juste le temps de lui annoncer qu’elle est enceinte. Dès lors, Bob n’aura qu’une obsession : s’échapper de prison pour rejoindre sa femme et son enfant. Mais quand il y parvient quatre ans plus tard, le rêve correspond mal à la réalité…

Date de sortie : 18 septembre 2013.

C’était clairement le moment le plus attendu de la Compétition mais ce fut malheureusement l’un de ses plus décevants. Auréolé d’une aura particulière, les critiques américains l’ayant découvert ne tarissaient pas d’éloges à son sujet, le film faisait office de favori avant même sa projection. Mais après visionnage, le premier long métrage de David Lowery peine à laisser une marque indélébile dans l’esprit du spectateur. Il est assez difficile de déterminer ce qui a bien pu bouleverser à ce point les journalistes outre-Atlantique dans cette énième redite de Bonnie & Clyde filmée de manière naturaliste afin de se rapprocher du travail de Terrence Malick (La Balade Sauvage) ou du très beau film d’Andrew Dominik L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford dans lequel avait justement été révélé Casey Affleck. Si le long métrage dispose de son lot d’images magnifiques, Lowery étant parfaitement capable de capturer la beauté des paysages du Texas, cela ne suffit pas pour embarquer le spectateur. Il y a d’abord ce rythme lent et contemplatif qui finit par agacer tant cela n’apporte aucune contrepartie au public, à l’inverse d’un Malick qui s’en sert généralement pour nous embarquer dans un trip sensoriel vertigineux.

Cela pourrait demeurer acceptable si l’on était emporté par le souffle romanesque de cette intrigue. Mais c’est là où le bât blesse. Malgré l’interprétation assez forte de ses deux acteurs principaux, et particulièrement de Rooney Mara qui n’avait pas été aussi marquante depuis le Millenium de David Fincher il y a bientôt deux ans, le lien fort unissant les deux criminels n’est perceptible que par intermittences. Une faiblesse assez gênante puisque ce lien est supposé être le cœur du long métrage. Les Amants du Texas se rattrape davantage sur son aspect formel qui, à défaut d’être novateur, est plutôt honnête et plaisant. Çà et là, Lowery parvient même à composer quelques belles séquences, y compris une fusillade pas désagréable. Mais l’ensemble déçoit tant rien ne se démarque fondamentalement de ce qui a déjà été accompli de manière infiniment plus brillante ailleurs. Et le film se refuse à aborder frontalement des thématiques aussi denses que le regret, la culpabilité, le remord ou la rédemption. La bande originale parvient à sauver les meubles et accompagne parfois de manière judicieuse les scènes en épousant leur tempo lancinant. A l’instar du récent A la Merveille, un très beau livre d’images vide.

NOTE : 4.5 / 10

 

A SINGLE SHOT

Réalisé par David M. Rosenthal.

Dans la lumière bleu pâle de l’aube, John Moon (Sam Rockwell) quitte son mobile home avec son chien et son fusil. Après s’être frayé un chemin à travers les montagnes boisées sans tenir compte du panneau y interdisant la chasse et la pêche, il vise un cerf, le rate puis tire à nouveau. Peu de temps après, il trouve une jeune femme agonisant dans la boue avec, à ses côtés, une lettre et des liasses de billets. Mais alors, à partir de cet instant, qui est le chasseur et qui est la proie ?

Date de sortie inconnue.

De prime abord, on sera tenté de réduire le long métrage de Rosenthal à une relecture, forcément inférieure, du No Country For Old Men des frères Coen. A plus d’un titre, la relation entre les deux est évidente : héros de classe très modeste, bled et caravanes paumés dans une nature très sauvage, truands violents, scènes de suspense palpables, acharnement d’un méchant omnipotent… Mais Rosenthal y substitue une bande originale un peu trop présente, qui flirte régulièrement avec celle de Shining, tout en ayant une certaine tendance à monter exagérément le volume sonore au lieu de privilégier un silence plus immersif et moins manipulateur. Néanmoins, le réalisateur fait preuve d’un savoir-faire et d’une dextérité indéniable qui donnent l’occasion au spectateur de frémir sur son siège devant des séquences plutôt angoissantes. Mais A Single Shot n’est pas qu’un thriller ayant un synopsis tenant sur un post-it. C’est aussi, et peut-être avant tout, un drame sec particulièrement sombre suivant un héros taciturne, abandonné et hanté par le remord après avoir abattu quelqu’un par accident. Un peu comme dans l’excellent Insomnia de Christopher Nolan, quoique ce dernier y ajoutait une ambiguïté pour le moins intéressante.

Cette fois, l’innocence, ou du moins la bonne intention initiale du personnage principal est clairement établie. Si le film ne se lance pas trop sur le terrain de la culpabilité, si ce n’est par quelques apparitions fantomatiques qui sont loin d’être les moments les plus convaincants du long métrage, A Single Shot préfère s’attarder sur une ambiance paranoïaque franchement étouffante qui prend le héros, et le spectateur par la même occasion, à la gorge. Sur ce plan, le film fait presque un sans-faute tant on est tenu en haleine jusqu’à une conclusion malheureusement bâclée et un tantinet incohérente. Néanmoins, à l’image d’un certain nombre de films à petit budget forcément limités en termes d’ambitions formelles, le principal atout de A Single Shot se trouve du côté de son casting. Il y a d’abord la présence d’acteurs excellents trop souvent réduits par Hollywood à des seconds rôles comme Jeffrey Wright, Ted Levine, le toujours inquiétant Jason Isaac ou encore William H. Macy. Mais A Single Shot est avant tout un film à la gloire de Sam Rockwell (7 Psychopathes, Moon) qui est quasiment de tous les plans. Son regard habité et ténébreux est pour beaucoup dans l’impact (modéré) que ce film pessimiste et violent a sur son spectateur.

NOTE : 6 / 10

 

BREATHE IN

Réalisé par Drake Doremus.

L’été touche à sa fin. Keith Reynolds (Guy Pearce), un professeur de musique, songe avec nostalgie à son passé d’artiste dans les rues de New York. Au contraire de sa femme, Megan (Amy Ryan), et de leur fille, Lauren (Mackenzie Davis), occupées de leur côté à préparer la prochaine rentrée en terminale de cette dernière, Keith trouve pour unique échappatoire les soirées où il peut jouer du violoncelle dans un prestigieux orchestre symphonique de Manhattan. Lorsque Megan décide d’accueillir chez eux Sophie (Felicity Jones), une lycéenne anglaise, dans le cadre d’un programme d’échange scolaire, Keith voit resurgir au contact de la jeune fille ce qu’il avait réussi jusqu’à présent à tenir refoulé…

Date de sortie inconnue.

Avec ce film de Drake Doremus, on reste encore dans le prévisible et dans le classicisme le plus total. Néanmoins, il s’agit là d’un classicisme impeccablement construit et assez efficace. La trame de Breathe In est quasiment éculée mais elle est traitée avec suffisamment d’intelligence pour permettre à la recette éprouvée de continuer à fonctionner comme à ses débuts. A l’inverse d’un Very Good Girls, le long métrage de Doremus cède cependant occasionnellement à un excès de conformisme et de morale bien-pensante. Là où le film de Foner ne montrait pas la possible relation entre le personnage adolescent de Dakota Fanning et l’adulte incarné par Peter Sarsgaard comme quelque chose de répréhensible, Doremus semble gêné par la différence d’âge entre les deux amoureux transis. De fait, la conclusion semi-pessimiste, où le destin se charge de rétablir l’ordre au sein de la famille selon des standards tout américains, ne surprendra pas grand monde. Malgré cela, le réalisateur parvient à mettre joliment en scène une belle histoire d’amour chaste entre un musicien refoulé et quadragénaire avec une adolescente pianiste dont le talent incroyable lui ramène brutalement tout ce qu’il avait mis de côté pour le « bien » de sa femme et de sa fille unique.

Sans jamais tomber dans l’excès d’effets lacrymaux et de pathos déplacé, Doremus parvient à élaborer de grands moments de grâce absolument bouleversants. A l’inverse des Amants du Texas qui traitait aussi d’une histoire d’amour tragique et impossible, Breathe In parvient à rendre palpable la tension érotique et le lien indéfectible qui unissent les deux protagonistes principaux. A plusieurs reprises, on croit même revoir l’ombre du Stoker de Park Chan-wook lors de séquences sexuelles métaphoriques (la scène de relaxation avec le « breathe in » du titre, l’adolescente qui se déchaine au piano sous le regard de son mentor-amant). Tous ces passages sensuels et émouvants, tantôt joyeux, tantôt mélancoliques, sont avant tout relevés par la très belle interprétation d’un Guy Pearce ayant enfin décidé qu’il était temps pour lui de revenir dans de bons longs métrages après les atroces Lock-Out, Prometheus et Iron Man 3. Ses partenaires ne déméritent pourtant pas, en particulier Felicity Jones dont la beauté mystérieuse irradie l’écran et rend parfaitement compréhensible l’émoi du personnage de Pearce en sa présence. La mise en scène de Doremus, sans oser accomplir des prouesses esthétiques novatrices ou étourdissantes, fait proprement le job en enjolivant un scénario sans grande audace mais minutieusement structuré.

NOTE : 6.5 / 10

 

ALL IS LOST

Réalisé par J.C. Chandor.

Au cours d’un voyage en solitaire à travers l’océan Indien, un homme (Robert Redford) découvre à son réveil que la coque de son voilier de douze mètres a été percée lors d’une collision avec un container flottant à la dérive. Privé de sa radio et de ses instruments de navigation, l’homme se laisse prendre dans une violente tempête dont il survit de justesse malgré les réparations, son génie marin et une force physique défiant les années. Mais le soleil implacable, la menace des requins autour de lui et l’épuisement de ses maigres réserves obligent pourtant ce marin aguerri à regarder la mort en face…

Date de sortie : 11 décembre 2013.

Le nouveau film de J.C. Chandor était assez attendu lors de ce Festival de Deauville, et ce pour plusieurs raisons. D’abord pour l’icône Robert Redford, acteur-réalisateur-star d’une classe folle dont la filmographie incroyable en laisse plus d’un sur le carreau (Butch Cassidy et le Kid, L’Arnaque, Les Hommes du Président, Les Trois Jours du Condor, Out of Africa, L’Homme qui murmurait à l’oreille des chevaux). L’attente était d’autant plus fébrile qu’il se retrouvait seul à l’écran pendant une heure et demie dans un rôle nécessitant une certaine carrure et avec lequel il n’avait qu’une quinzaine de répliques pour expliciter ses sentiments. L’autre raison est J.C. Chandor lui-même, réalisateur-scénariste de l’intéressant Margin Call qui avait été nommé aux oscars. Son second film est l’exact opposé de son premier qui était un long métrage choral assez bavard. Néanmoins, les deux films se rejoignent en montrant un individu qui voit son « environnement » partir en fumée. Dans Margin Call, les traders et l’humanité faisaient face à l’effondrement du monde de la finance ; dans All is Lost, un marin se retrouve coupé du reste de la civilisation et doit affronter des forces, ici naturelles, qui le dépassent. L’audace du film vient d’abord de son parti pris : un unique personnage et un seul décor, ce qui limite tout moyen de communication. La transmission de l’information ne peut se faire que par l’image et par une mise en scène qui doit être pointilleuse. Occasionnellement, All is Lost cède sur son principe lors d’un ou de deux monologues légèrement superflus.

Il y a deux grands gagnants avec ce « survival ». Le plus évident est Robert Redford qui revient en grâce après un affaiblissement de sa carrière d’acteur (il a accepté un second rôle dans le deuxième épisode de Captain America) et de réalisateur (ces trois derniers longs métrages ont été des fours aux USA et en France). Sa présence imposante permet au spectateur de rester captivé par cette histoire qui aurait vite pu tourner en rond en abusant de ficelles scénaristiques éculées ou exagérées. Si la majorité de son jeu se fait en intériorité, il sait à quel moment se lâcher pour montrer les faiblesses de son personnage lorsque son assurance et sa combativité tendent à se fissurer. A plusieurs reprises, son chemin de croix désespéré renvoie à quelques grands récits mythiques comme « Le Vieil Homme et la Mer ». Le gagnant le moins évident, mais qui devrait pourtant en retirer le plus de bénéfices, est Chandor lui-même. Son histoire tient en premier lieu grâce à ses grandes capacités de narrateur et de metteur en scène. Si Margin Call pouvait avoir tendance à s’éparpiller et à trop se reposer sur d’interminables échanges de dialogues surexplicatifs, All is Lost lui permet de gagner en autonomie et en audace.

Chandor orchestre ainsi des passages d’une rare tension que la caméra filme avec un brio et un semblant de réalisme régulièrement admirable : la longue séquence de la tempête tient en haleine grâce à la précision de ses cadrages, de son montage et de ses effets spéciaux étonnement réussis qui renvoient aux plus beaux déchainements climatiques du chef d’œuvre de Peter Weir Master and Commander. Le long métrage est garni de plans, notamment sous-marins, dont la beauté sidère. Le résultat donne un film de type paradoxal : un « huis clos » en plein air. Mais comme tout « survival » abouti, la qualité de ce All is Lost ne réside pas dans sa spectacularité (bien qu’il soit régulièrement spectaculaire) mais dans sa capacité à représenter cinématographiquement la fragilité de la condition humaine. A l’instar du ténébreux Territoire des Loups de Joe Carnahan l’année précédente, All is Lost parvient à ce que ce sentiment d’impuissance, ressenti par un être aussi infime que l’homme envers les forces démesurées d’une nature sans pitié et l’immensité quasi-infernale de son univers, nous prenne à la gorge. Un bon avant-gout du prochain Gravity d’Alfonso Cuaron avec lequel il devrait partager plus d’un point commun.

NOTE : 7 / 10

 

THE RETRIEVAL

Réalisé par Chris Eska.

En marge de la guerre de Sécession, un jeune garçon (Ashton Sanders) est envoyé au nord du pays par un gang de chasseurs de primes afin de retrouver la trace d’un homme recherché par la justice (Tishuan Scott).

Date de sortie inconnue.

Dans la compétition du Festival de Deauville, les genres sont rarement variés. La très grande majorité est constituée de drames tandis que quelques comédies (dramatiques) viennent sporadiquement égailler ce défilé. Bien qu’ils s’agissent souvent de longs métrages franchement moins misérabilistes que les œuvres putassières et faussement provocatrices que l’on présente à Cannes, on ne peut nier que le cinéma américain à petit budget n’aime rien tant qu’à représenter une réalité plus ou moins terre-à-terre. L’année précédente, seul le très beau Les Bêtes du Sud Sauvage de Benh Zeitlin (qui avait remporté le Grand Prix et le Prix du public) avait osé s’aventurer du côté de la fable merveilleuse. Cette année, The Retrieval est l’une de ces exceptions au sein d’une compétition un tantinet plus ouverte au thriller. Parce que c’est lui-aussi un western avec des Noirs pour héros, on pourrait le voir à tort comme la version « indé » de Django Unchained. Ce serait cependant une affiliation plutôt absurde, bien qu’ils aient effectivement quelques points communs comme leur récit initiatique qui sous-tendent toute leur histoire.

L’une des différences, et non des moindres, qui est notable avec le long métrage de Quentin Tarantino est que The Retrieval n’est pas un film accordant une prédominance aux dialogues ciselés. Sans être silencieux comme un film de Sergio Leone, le film d’Eska préfère privilégier les instants de calme, à la fois contemplatifs et souvent très premier degré. Il n’y a presque aucune touche d’humour hormis quelques répliques « bad-ass » magnifiquement balancées par le personnage charismatique, mystérieux et quasi-mythologique incarné par Tishuan Scott. Ce dernier exerce une immense fascination auprès du jeune héros qui aime évidemment à le considérer comme un père de substitution après avoir été abandonné par son paternel naturel. La violence y est aussi modérée et moins grand guignolesque que chez Tarantino. Le véritable écart entre ces deux films tient toutefois au traitement de la question noire : paradoxalement, le « blockbuster » s’y montre plus frondeur et rentre-dedans que le film « indé » qui l’écarte régulièrement. Les héros auraient pu être blancs que cela n’aurait pas altéré grand-chose à l’intrigue.

The Retrieval est un mélange entre le western, le film d’aventure où le drame transparait avant tout par le dilemme poursuivant le jeune garçon (doit-il révéler le piège à son ami au risque de mourir à son tour ?) ainsi que par le passé de l’homme recherché dont l’histoire d’amour avec la femme de sa vie a tourné au vinaigre. Au final, le film récent qui pourrait le plus ressembler à The Retrieval est vraisemblablement Mud. Au même titre que le film de Nichols, le long métrage d’Eska est avant tout une œuvre de mecs pour les mecs. Un beau film sur l’amitié masculine, sur le rapport conflictuel entre un fils et son père (même de substitution), sur la fascination pour un mentor représentant cette incarnation de l’homme intègre et courageux que l’on souhaiterait devenir une fois adulte, sur l’entente impossible avec le sexe féminin,… Si The Retrieval ne peut se permettre de se lancer dans de grandes scènes où l’ampleur de la reconstitution historique terrasserait le spectateur (l’unique bataille étant clairement d’une échelle « mineure »), il parvient à retourner son désavantage financier en resserrant son histoire sur deux fil conducteur : le conflit intérieur qui dévore le jeune garçon et sa sortie de l’adolescence pour entrer dans un monde cruel où il saura survivre tout en assumant ses choix, aussi dangereux soient-ils.

NOTE : 7.5 / 10

 

NIGHT MOVES

Réalisé par Kelly Reichardt.

Trois écologistes radicaux, Josh (Jesse Eisenberg), Dena (Dakota Fanning) et Harmon (Peter Sarsgaard), décident de mener ensemble l’action la plus spectaculaire de leurs vies : l’explosion d’un barrage hydroélectrique, qui représente pour eux tout ce qu’ils méprisent, le symbole même d’une culture industrielle consommatrice d’énergies et destructrice des ressources naturelles...

Date de sortie inconnue.

Le nouveau film de Kelly Reichardt (le western La Dernière Piste avec Michelle Williams et Paul Dano) est celui qui a été récompensé par le Grand Prix. Il était à juste titre l’un des longs métrages les plus envoutants et aboutis de la compétition. Si le casting y est des plus convaincants, on y retrouve d’ailleurs Dakota Fanning et Peter Sarsgaard qui partageaient aussi l’affiche du très beau Very Good Girls, Night Moves est avant tout un film de Jesse Eisenberg. L’acteur qui avait livré une interprétation sidérante de Mark Zuckerberg dans le chef d’œuvre de David Fincher The Social Network s’était un peu perdu entre des films indépendants jamais visibles et de grosses productions indigentes (30 Minutes Maximum, Insaisissables). Night Moves marque son retour dans un premier rôle digne de son talent. Même si l’ombre de Zuckerberg le poursuivra jusqu’à la fin de sa carrière, il parvient à se démarquer dans ce rôle d’écologiste extrémiste qui sombre dans la paranoïa une fois que le remord et la culpabilité l’ont assaillis après son attentat à l’encontre d’un barrage.

La séquence voyant justement l’exécution de cet acte criminel, qui se trouve à un moment pivot de l’intrigue, est clairement l’un des plus beaux moments cinématographiques de ce Festival. Un morceau de tension rondement mené de près d’une vingtaine minutes ponctué d’un minimum de dialogues. Car contrairement à certains autres films de la compétition où elle avait tendance à s’effacer devant des acteurs portés par la grâce, la mise en scène ne se laisse pas mettre de côté. Reichardt avait déjà montré qu’elle était loin d’être un manche dans ce domaine et parvient à créer une ambiance oppressante et lyrique qui enveloppe adéquatement son scénario passionnant. Quelques-uns des plus beaux plans de l’année se trouvent dans Night Moves tant leur composition et leurs couleurs lorgnent vers la peinture : la lente remontée de la rivière en bateau vers le barrage, l’unique plan de grue du film pour symboliser la culpabilité qui assaillit l’antihéros lorsqu’il découvre la terrible conséquence de son acte rebelle, les phares d’une voiture qui prennent l’apparence d’une paire d’yeux malveillants épiant l’éco-terroriste,…

Impeccablement joué, Dakota Fanning y fait même preuve de davantage de maturité que dans Very Good Girls où elle était déjà très convaincante, et magnifiquement filmé, Night Moves ne laisse pas de côté son histoire en parvenant à faire ressentir une angoisse sourde ainsi que la position inconfortable des trois personnages principaux alors que l’étau se resserre autour d’eux. Cela donne un thriller anxiogène qui n’hésite pas à aborder directement des questionnements pour le moins complexes : peut-on justifier un acte criminel s’il part d’une bonne intention ? Quelle est la frontière entre la légalité et l’illégalité ? La défense d’une bonne cause doit-elle passer outre les lois pour être efficace ? Et si oui, cela ne peut-il pas entacher le bienfondé de ce combat ? Cette histoire très pessimiste est enfin révélatrice sur la façon dont la part d’ombre qui se terre au fond de nous-même a une certaine tendance à faire prévaloir l’instinct de survie (éviter le réchauffement climatique, éviter la prison) sur la morale et la vie d’autrui.

NOTE : 8 / 10

 

WE ARE WHAT WE ARE

Réalisé par Jim Mickle.

Les Parker sont connus dans le village pour leur discrétion et leur isolement. Derrière les portes closes de sa maison, le patriarche Frank (Bill Sage) dirige sa famille avec rigueur et fermeté. Après le décès brutal de leur mère, Iris (Ambyr Childers) et Rose (Julia Garner), les deux adolescentes Parker, vont devoir s’occuper de leur jeune frère, Rory (Jack Gore). Face à de nouvelles responsabilités, elles n’ont d’autre choix que de se soumettre à l’autorité d’un père déterminé à perpétuer à tout prix une tradition familiale des plus macabres. Quand une tempête torrentielle s’abat sur la région, les fleuves débordent et les autorités locales découvrent peu à peu certains indices qui les conduisent immanquablement vers la famille Parker et son terrible secret.

Date de sortie inconnue.

On en arrive enfin au choc de cette compétition. Sa première projection dans une pleine salle de mille six cents places a été pour le moins très houleuse : une bonne moitié a copieusement hué le long métrage lors de son dernier quart d’heure, au moins une centaine de personnes se sont ruées précipitamment vers la sortie pour déverser leur colère vers les caméras des journalistes avec un air outré, et seul un petit quart du public restant tenta d’applaudir et de soutenir un cinéaste hilare qui découvrait l’ouverture d’esprit des spectateurs français. Dans cette ambiance de stade de foot surchauffé s’achevait le conte horrifique de Mickle, « remake » d’un film mexicain méconnu parait-il beaucoup plus gore que sa version américaine. Il n’en fallait pas plus pour que la presse et les sites de cinéma sur Internet affublent l’impressionnant We Are What We Are du sobriquet de « grand scandale de Deauville ». Sans rien retirer aux très nombreuses qualités de ce long métrage, il faut avouer que le film ne peut choquer que les vieux bourgeois n’ayant pas vu un seul thriller fantastique ou horrifique de leur vie : on n’ose imaginer les réactions si L’Exorciste ou Taxi Driver avaient dû être présenté pour la première fois à cette occasion !

Peu importe et passons outre la surexcitation (pour le coup scandaleuse) de spectateurs qui ont toujours dû regarder avec condescendance le cinéma de genre. We Are What We Are n’a pas gagné le Prix du public, mais que vaut-il lorsque le public est d’un tel niveau ? Sans être révolutionnaire, le long métrage de Mickle est une œuvre parfaitement élaborée qui sait jongler jusqu’au bout entre une ambiance apocalyptique d’une noirceur phénoménale (la pluie continue qui fait office de punition divine lavant les péchés des personnages principaux), une imagerie gothique fantastique (le père étant littéralement filmé comme un ogre de conte dont la cruauté et la férocité rappellent celles du sinistre Barbe Bleue ou du géant dans le « Petit Poucet »), une violence graphique que ne renierait pas l’actuel cinéma espagnol et une ironie macabre. S’il m’est difficile de juger si la version de Mickle est supérieure au long métrage original, on peut au moins certifier que le cinéaste a su reprendre cette histoire pour l’incorporer dans un contexte américain en l’axant sur l’extrémisme religieux, faisant ainsi du film une parabole sur l’embrigadement sectaire et idéologique.

Tout le film suit le combat de deux jeunes filles qui refusent les traditions morbides que leur père a hérité de ses lointains ancêtres. Le cannibalisme, puisque c’est de cela dont il est question (on l’apprend à mi-parcours), apparait alors comme une malédiction, une maladie quasi-génétique qui se transmet de génération en génération. Les deux jolies enfants blondes, toujours vêtues de robes d’un blanc immaculée, parviendront-elles à échapper aux crocs de leur ogre de père ? On pourra sans problème affilier le long métrage aux contes de Perrault et de Grimm dont on oublie trop souvent la charge subversive et l’insidieuse violence physique ou psychologiques. We Are What We Are est aussi la plus percutante variation sur le cannibalisme faite depuis l’excellent et injustement méconnu Vorace avec Guy Pearce et Robert Carlyle. Le scénario très intelligent et la mise en scène inspirée parviennent à enchainer très efficacement les coups de théâtre choquants, les scènes de suspense insoutenables et les passages plus sensibles montrant le désarroi des deux adolescentes qui tentent de s’extirper de ce carcan monstrueux que leur impose leur père.

A ce titre, et une fois n’est pas coutume, le casting est impeccable. Bravo à vous si vous parvenez à y reconnaitre Kelly McGillis, l’inoubliable et sexy institutrice blonde de Top Gun ! Si Bill Sage compose un monstre humain abominable comme on en n’avait plus vu depuis Sergio Lopez dans le sublime Labyrinthe de Pan, un autre conte violent qui suivait une adolescente confrontée à une série de créatures dont la plus atroce se révélait être le colonel franquiste dont sa mère s’entichait, ce sont les deux jeunes actrices qui se partagent la part du lion. On retiendra particulièrement la fascinante et troublante Julia Garner que l’on pouvait déjà voir en compétition à Deauville l’année d’avant dans le non moins étrange Eletrick Children. Elles parviennent toutes les deux à distiller un savant mélange entre une fragilité toute féminine et une dureté qui contraste diamétralement. Si le long métrage prend son temps pour installer une atmosphère oppressante et tordue, c’est sa conclusion qui le fait passer dans une autre stratosphère. Une fin visiblement polémique, pourtant bien moins provocatrice que terriblement logique puisqu’elle voit le résultat de ce que Mickle annonçait depuis le départ : l’embrigadement, la régression vers la bestialité, la transmission familiale, etc… Le tout dans une radicalité et une barbarie tétanisante qui apparait comme le plus gros coup de folie suicidaire, mais absolument inoubliable, de cette compétition. Guillermo Del Toro va adorer !

NOTE : 8.5 / 10

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11 septembre 2013 3 11 /09 /septembre /2013 13:29

Voici la première partie d’un article qui en comptera deux sur la 39ème édition du Festival de Deauville qui s’est déroulée du 30 août au 8 septembre 2013. Présidé par l’acteur Vincent Lindon, le Jury,  composé aussi de Lou Doillon, de Jean Echenoz, d’Hélène Fillières, de Xavier Giannoli, de Pierre Lescure, de Bruno Nuytten, de Rebecca Zlotowski et de Famke Janssen, était chargé de départager les quatorze films d’une compétition qui, pour ce que j’en ai vu, paraissait de meilleure qualité que l’année précédente (mais je n’ai peut-être raté que des navets). Le Grand Prix a été décerné à Night Moves de Kelly Reichardt, le Prix du Jury a été donné ex-aequo à All is Lost de J.C. Chandor et à Stand clear of the closing doors de Sam Fleischner, et le Prix du Public et le Prix du Jury Révélation Cartier sont allés tous les deux à Fruitvale Station de Ryan Coogler. Le festival s’ouvrait avec Ma vie avec Liberace, dernier film de Steven Soderbergh qui prend sa retraite et qui a été financé par la chaine de TV américaine HBO, et se clôturait avec l’avant-première internationale du Transperceneige de Bong Joon-ho, projet de longue date de l’immense cinéaste sud-coréen. Au milieu de ça, il y a eu des hommages à Cate Blanchett, à Nicolas Cage, à John Travolta, au photographe et réalisateur provocateur Larry Clark, à l’acteur Danny Kaye et à la grande productrice Gale Ann Hurd qui finança les premiers longs métrages de James Cameron. En plus de la diffusion des plus grandes œuvres de chacun, le Festival projeta des films évènements comme White House Down de Roland Emmerich, le faux Pixar Planes, le déjanté No Pain No Gain de Michael Bay, The Necessary Death of Charlie Countryman de Frederik Bond, le dernier Woody Allen intitulé Blue Jasmine, le biopic sur Lovelace ou encore le rouleau compresseur à oscars Le Majordome de Lee Daniels.

N’ayant passé que cinq jours là-bas, je n’ai pas pu tout voir. Au final, j’ai visionné quatre films en avant-premières dont je retranscris mon avis dans cette partie (en fait, il y en a cinq, mais cette « surprise » aura droit à une longue critique à part tant elle est une immense réussite cinématographique) ainsi que sept des films en compétition sur lesquels portera la seconde partie de ce compte-rendu.

 

LES PREMIERES

 

SUSPECT (THE FROZEN GROUND)

Réalisé par Scott Walker.

Aux yeux de tous, Robert Hansen (John Cusack) est un homme respecté et un père de famille attentionné. Ce que tout le monde ignore en revanche, c’est que, depuis douze ans, Robert Hansen kidnappe des jeunes femmes et abuse d’elles avant de les lâcher en pleine nature sauvage en Alaska pour les chasser et les abattre comme de vulgaires proies. Lorsque Cindy (Vanessa Hudgens), l’une de ses victimes, parvient à lui échapper, elle se tourne vers l’inspecteur Halcombe (Nicolas Cage) et lui révèle des informations cruciales pour lui permettre d’arrêter le redoutable tueur en série…

Date de sortie : 30 septembre 2013 (directement en DVD).

On commence par la grosse catastrophe de ce Festival de Deauville. Pourtant, ce n’était pas faute de disposer d’un synopsis pour le moins alléchant. Un film de serial-killer avec un détective obsédé par son enquête morbide ? On pense à Zodiac ou à Memories of Murder et on se met à souhaiter que le film ne soit pas une énième série B se contentant d’aligner les scènes de suspense plus ou moins abouties. Mieux encore, on se met à espérer que les paysages somptueux et glacials de l’Alaska vont composer un personnage à part entière qui conférera une identité bien particulière au long métrage. Raté. The Frozen Ground démolit toutes ses bonnes intentions de base en filmant son script correct avec une caméra portée dotée de ce même atroce filtre bleu-gris qui pollue tous les thrillers depuis bientôt quinze ans. S’ajoute à cela un montage aberrant rendant absolument incompréhensible toute spatialisation ou toute tentative d’installation d’ambiance. Tout s’enchaine à toute allure sans qu’on ait une seule seconde pour se plonger dans l’action. Une séquence de poursuite vers la fin est même carrément illisible tant on n’arrive jamais à savoir qui est qui et où se déroule la scène.

Les acteurs sont au niveau de ce manque d’ambition général qui semble animer toute l’équipe technique. Nicolas Cage, malgré un rôle de dépressif obstiné qui aurait pu lui aller comme un gant, est clairement là pour cachetonner et en faire le strict minimum. Face à lui, son sosie en devenir, le désormais « has-been » John Cusack qui enchaine les navets (Paperboy de Lee Daniels, où il tentait déjà de copier ou de parodier Cage dans ses pires moments). Bien que relativement sobre, il ne parvient jamais à rendre inquiétant ou crédible son personnage normal qui cache évidemment une nature ignoble. Au milieu de ce marasme, seule la petite Vanessa Hudgens s’en tire honorablement avec un rôle s’inscrivant dans la droite lignée de celui qu’elle tenait récemment au sein de Spring Breakers de Harmony Korine : une jeune prostituée-stripteaseuse, camée jusqu’aux yeux, qui a été violée et séquestrée par le serial-killer. De quoi continuer à réduire à néant son image de petite fille naïve qu’elle se coltine depuis High School Musical. Attention toutefois à ne pas se retrouver enfermée dans ce type de prestations. Ses apparitions demeurent les rares moments d’intérêt de ce film policier mou du genou dont les vingt dernières minutes procédurières achèvent de conclure l’histoire dans l’ennui le plus total.

NOTE : 1.5 / 10

 

PARKLAND

Réalisé par Peter Landesman.

Le 22 novembre 1963, le président américain John F. Kennedy est assassiné à Dallas au Texas et le monde change alors pour toujours. Une poignée de personnes ordinaires sont soudain confrontées à des circonstances extraordinaires qui transformeront leurs vies : les jeunes docteurs et infirmières de l’hôpital Parkland (Zac Efron et Marcia Gay Harden), le chef du bureau des Services secrets de Dallas, le caméraman qui immortalise involontairement la tragédie sur pellicule (Paul Giamatti) – ce film deviendra le plus vu et le plus commenté de l’Histoire -, les agents du FBI qui tiennent le tueur à portée de main, le frère de Lee Harvey Oswald (James Badge Dale) laissé seul avec sa famille dévastée, et enfin les agents de sécurité du président Kennedy, tous témoins du drame et de la nomination du vice-président Lyndon Johnson à la tête d’une nation dont l’innocence est à jamais perdue.

Date de sortie : 2 octobre 2013.

L’assassinat de JFK en 1963, alors que le président américain était en pleine campagne pour sa réélection, est clairement l’un des évènements les plus traumatisants dans l’Histoire des USA. Le nombre d’œuvres cinématographiques (Blow Out de Brian De Palma, JFK d’Oliver Stone), documentaires et littéraires (la trilogie « American Tabloid » de James Ellroy) à traiter de cette affaire complexe, condensée dans ces quelques dizaines de secondes que Zapruder a enregistré, ne cesse de croitre. L’avantage de cet évènement, c’est qu’il est suffisamment foisonnant et passionnant pour permettre à une œuvre s’y attelant de demeurer un minimum captivante. Là où Peter Landesman est très fort, c’est qu’il parvient à rendre banal cet assassinat politique. Son parti pris, d’autant plus limité par la courte durée sur laquelle s’étend son histoire, amène à complètement survoler l’affaire sans jamais permettre aux spectateurs de comprendre les conséquences de celle-ci sur la population américaine. Le réalisateur ne filme que des gens en pleurs et en état de choc pour montrer le délitement du « rêve américain ». C’est un peu juste quand même. De plus, les personnages de ce film choral ne se croisent que rarement, ce qui confère un aspect décousu à ce récit dont on ignore la finalité.

Que veut montrer le film ? Le traumatisme de l’assassinat sur une population persuadée de vivre dans le meilleur pays et le meilleur système au monde ? Toutes les questions qui ont ensuite été soulevées au sujet de cet évènement sont mises de côté pour privilégier une version officielle et assez proprette de l’évènement (Oswald est sans aucun doute le meurtrier, personne dans le gouvernement ne profite de l’assassinat du président, tout le monde adore Kennedy,…). Une vision optimiste et probablement très simpliste qui a dû faire vomir Stone. Une bonne conscience constante, au point de masquer le déroulement de l’assassinat lui-même comme si le film n’assumait pas de le reconstituer, tout en faisant preuve d’un voyeurisme lacrymal franchement mal placé lors de l’interminable séquence de l’hôpital Parkland.  Que reste-t-il alors si l’on enlève toute la paranoïa et les données subversives qui ont entourées le meurtre de JFK ? Pas grand-chose, y compris du côté de Zapruder. Seule reste la sous-intrigue sur le frère d’Oswald, qui se retrouve dans la délicate position d’être lié à l’homme le plus détesté d’Amérique. Il est incarné par un James Badge Dale qui trouve enfin un bon projet pour briller un peu plus que dans les rôles de seconds couteaux auxquels on le réduit trop souvent depuis sa prestation impressionnante dans la série « The Pacific ».

NOTE : 3 / 10

 

VERY GOOD GIRLS

Réalisé par Naomi Foner.

Lilly Berger (Dakota Fanning) et Gerri Field (Elizabeth Olsen) habitent un quartier petit-bourgeois de Brooklyn. Plutôt sages et sans réelle expérience de la vie et de l’amour, les deux jeunes filles s’apprêtent à passer leur dernier été ensemble en le vivant résolument comme leur entrée à chacune dans l’âge adulte. Au cours d’un après-midi particulièrement étouffant, elles se lancent le défi de nager nues sur une plage publique de New York. Une fois leur pari réussi, tout excitées, elles enfourchent leur vélo et Gerri percute accidentellement David (Boyd Holbrook), un artiste local. Le bel et mystérieux inconnu va vite devenir pour les deux jeunes filles l’objet de leurs attentions respectives…

Date de sortie inconnue.

Un film sur des filles, fait par des filles pour des filles. Néanmoins, Very Good Girls a l’intelligence de ne pas mettre de côté la gente masculine en confiant aux hommes des rôles ingrats. A plusieurs reprises, le long métrage aurait pu se montrer bassement moralisateur pour plaire à son public américain puritain (le patron qui fait des avances à la jeune Lilly incarné par Peter Sarsgaard) mais il s’y refuse audacieusement en nuançant le portrait de chacun des personnages de l’intrigue. Mais il ne faut pas se leurrer, l’importance est clairement accordée au point de vue féminin. Cependant, on pourra remarquer un retournement de situation qui a dû avoir pour origine le sexe de ses deux héroïnes. Puisque la majorité des films américains suivent un personnage masculin principal, le rôle de la mère est d’habitude celle de la conseillère alors que celui du père est généralement plus ingrat. Cette fois, les mères (Ellen Barkin et Demi Moore, clairement en fin de carrière vu son nombre de répliques) n’ont pas un rôle très flatteur et se retrouvent souvent en conflit avec les adolescentes tandis que leurs pères prennent des allures de confidents potentiellement plus joviaux.

Mais le vrai centre d’intérêt de Very Good Girls est dans son portrait d’une immense amitié entre deux filles qui risque d’être mise à mal par le fait qu’elles tombent amoureuses du même garçon. La trame est certes classique et le cheminement du récit est plutôt prévisible, mais elle réserve quelques surprises par la subtilité avec laquelle elle contourne les poncifs les plus ringards. Par contre, si la réalisation de Naomi Foner est à la fois lumineuse, propre et dynamique, ce qui fait véritablement le succès du long métrage reste d’abord l’interprétation des deux jeunes actrices principales : Dakota Fanning et Elizabeth Olsen. Leur alchimie évidente participe pour beaucoup à la crédibilité de leur histoire et à l’immense émotion qui découle de leur « dilemme ». On a découvert la première dans Man of Fire de Tony Scott et dans La Guerre des Mondes de Steven Spielberg, et puis on l’a vu évoluer avec des rôles de plus en plus matures avec The Runaways de Floria Sigismondi et Night Moves de Kelly Reichardt  – mettons de côté sa participation dans l’embarrassante série Twilight. Si elle se faisait talonner par sa petite sœur Elle Fanning, qui dispose d’un jeu plus spontané, Dakota parvient ici à reprendre clairement de l’avance.

Mais c’est la petite sœur des célères jumelles Olsen qui emporte le morceau. Découverte de manière tonitruante dans Martha Marcy May Marlene de Sean Durkin, elle livre ici une interprétation absolument désarmante de vérité (elle se révèle bien plus naturelle que les deux actrices principales de La Vie d’Adèle qui ont été obligées de ne jamais jouer et de tout reproduire pour créer un semblant de réalisme). Impossible de ne pas tomber sous son charme et de ne pas voir l’éclatante étendue de sa palette de jeu. Si elle parvient à bien gérer son début de carrière, on peut déjà affirmer qu’elle ira très loin. On la retrouvera prochainement dans le remake d’Old Boy de Spike Lee et surtout dans le Godzilla de Gareth Edwards au sein d’un casting à se damner. On ne regrettera de Very Good Girls qu’une conclusion un peu trop emphatique, alors qu’un peu plus de modération aurait peut-être eu un effet beaucoup plus poignant, et surtout une B.O. qui a la fâcheuse tendance d’accentuer jusqu’à la caricature le côté « indé » de cette production au demeurant extrêmement plaisante et bien fichue.

NOTE : 7.5 / 10

 

JOE

Réalisé par David Gordon Green

Au fin fond du Texas, Joe Ransom (Nicolas Cage) essaie d’oublier son passé d’ex-taulard pour mener une vie simple et normale. Le jour, il travaille dans une scierie, et la nuit, il boit. Mais quand Gary (Tye Sheridan), un gamin de quinze ans, arrive en ville pour y chercher du travail et faire vivre sa famille, Joe voit là l’occasion d’expier ses péchés et d’incarner enfin pour quelqu’un d’autre une sorte de héros. Il va alors prendre Gary sous son aile, recherchant tout autant pour lui que pour l’adolescent, la rédemption et l’espoir d’une vie meilleure.

Date de sortie inconnue

Et on arrive au grand écart du plus dingue et mythique des acteurs oscarisés : Nicolas Cage. Un homme capable de jongler entre le meilleur (Birdy, Arizona Junior, Sailor et Lula, A Tombeau Ouvert, Lord of War,…), le surjeu jouissif (Volte/face, Snake Eyes, Bad Lieutenant, Kick-ass,…) et la médiocrité la plus hallucinante (The Wicker Man, Ghost Rider 1 et 2, Next, Hell Driver, Le Pacte,…). On venait de le retrouver mauvais comme un cochon dans Suspect et il nous inflige une claque inattendue avec ce Joe. Adapté d’un roman très sombre de Larry Brown, le film peut se voir comme un vague mélange entre Mud de Jeff Nichols (ce dernier reconnaissant s’être inspiré du même livre) et de Gran Torino pour les grandes lignes de son histoire : un adulte ayant un passé trouble qui se lie d’amitié avec un jeune garçon voulant réussir mais qui est sans cesse retenu en arrière et humilié par son entourage violent. Au même titre que le chef d’œuvre jubilatoire de Clint Eastwood, le long métrage de Green enchaine les « punchlines » orgasmiques et les séquences « bad-ass » qui marquent la rétine, ainsi que l’esprit, sans jamais délaisser la forte empathie qui découle de cette amitié entre deux personnages pas si différents qu’on ne le croit.

Nicolas Cage retrouve la férocité et le charisme qui faisaient de lui l’un des acteurs américains les plus phénoménaux de sa génération. Il ravage tout sur son passage avec ce personnage extrême, le type de bonhomme avec lequel il s’est toujours montré très à l’aise, tout en sachant parfaitement quand s’arrêter lorsqu’il repart dans un jeu très expressif au cours de ses quelques pétages de câble. Face à lui, Tye Sheridan, découvert dans The Tree of Life de Terrence Malick et dans Mud (ce qui accentue le lien entre les deux longs métrages), ne démérite pas. A l’instar d’Elizabeth Olsen, il est destiné à une belle carrière s’il s’évertue à faire des choix aussi avisés ; il est aussi aidé par le fait qu’il ait une « gueule » et qu’il ne soit pas « handicapé » par un visage de bellâtre. Il vient justement de recevoir le Prix Marcello Mastroianni pour ce film après que Joe ait été montré à la dernière Mostra de Venise. Le reste du casting est composé de trognes pas possibles, tantôt attachantes, mais parfois souvent inquiétantes. Les deux héros sont d’ailleurs confrontés à quelques-uns des méchants les plus détestables et irrécupérables que l’on ait vu sur un écran de cinéma depuis un bon bout de temps.

De son côté, l’éclectique David Gordon Green, auquel on avait décerné à ses débuts le titre d’« héritier de Malick », s’assure une renaissance après quelques comédies qui n’avaient pas attiré les foules (Délire Express, Votre Majesté et Baby Sitter malgré lui). Il s’agit clairement ici de son film le plus maîtrisé, au point qu’il devient franchement impressionnant lors de ses morceaux de violence (la séquence du bordel où Cage débarque avec son pitbull est juste hallucinante). La photographie et la mise en scène sont régulièrement époustouflantes et les images inoubliables sont recouvertes par une bande originale pour le moins planante qui renvoie à quelques bonnes pistes musicales du Drive de Nicolas Winding Refn. Cette histoire de transmission, de passage à l’âge adulte et de rédemption se déroulant dans un décor on ne peut plus américain s’est imposé logiquement comme l’une des plus belles œuvres diffusées cette année à Deauville. Espérons que ce Joe permette à Nicolas Cage de revenir sur de bons rails et de donner un second essor à sa carrière.

NOTE : 8 / 10

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31 mai 2013 5 31 /05 /mai /2013 20:12

C’est une question qui agite l’actualité cinématographique ces derniers jours tant les annonces, parfois contradictoires, se sont succédées au sujet du metteur en scène de ce vingt-quatrième épisode de James Bond dans lequel devrait encore jouer Daniel Craig. Si la réponse pourrait ne pas être encore tranchée dans les prochaines semaines, rien ne nous empêche de faire un tour d’horizon des postulants plus ou moins sérieux et avérés pour le poste. Bond 24 ne pourra pas arriver avant au moins l’automne 2014 ; la date la plus probable étant même une sortie courant octobre-novembre 2015.

 

LE PLUS DESIRE

Sam Mendes : C’est pour l’instant le choix le plus probable. Et le fait que les producteurs de la série le harcèlent littéralement n’y est pas pour rien. Le réalisateur oscarisé d’American Beauty, des Sentiers de la Perdition, de Jarhead et des Noces Rebelles n’est pas étranger à James Bond puisque c’est lui qui a mis en scène le dernier épisode, SkyFall. Et dire que ce dernier a été une réussite et qu’il a été très bien reçu relèverait de l’euphémisme. Avec son casting et son équipe de rêve (dont le chef opérateur Roger Deakins qui n’est pas pour rien dans la réussite du long métrage puisqu’il livrait l’une des plus belles photographies du cinéma d’action), Mendes élabora un épisode de haut standing qui fut le premier de la franchise à dépasser la barre du milliard de dollars de recettes au box-office mondial. Il est donc logique que les producteurs essayent de l’appâter à nouveau car on ne change pas une équipe qui gagne, son retour impliquant probablement celui de Deakins et du compositeur Thomas Newman. Néanmoins, Mendes hésite encore à signer. S’il ne souhaite pas quitter l’aventure, il a avoué être un peu « malade » à l’idée de directement rempiler pour trois années de suite. D’autant plus qu’il est occupé par d’autres projets, dont une adaptation théâtrale de « Charlie et la chocolaterie ». Mais il a récemment reconnu qu’il envisageait de nouveau à reprendre son siège de réalisateur. Une position stressante puisqu’il aura la pression de faire aussi bien, sinon mieux, que SkyFall. Ça ne sera pas une mince affaire. Ayant fait ses preuves, on aura du mal à critiquer ce choix, même si l’on peut lui préférer un changement de tonalité qu’impliquerait un nouveau cinéaste.

 

LES AUTRES ANGLAIS

Christopher Nolan : Le metteur en scène de The Dark Knight, d’Inception et du Prestige réalisera tôt ou tard un James Bond. C’est inéluctable tant l’influence de la franchise est forte dans ses derniers films par le biais de citations plus ou moins évidentes. Il a déjà commencé les pourparlers avec les producteurs afin de prendre temporairement les rênes de la franchise. Et ceux-ci ne trouveraient rien à redire : il est anglais (la nationalité est toujours prédominante dans le choix du metteur en scène), il est aimé de la critique, il est adoré par le public, et il a un style bien à lui. L’ennui est double en ce qui concerne Bond 24. Nolan a d’abord d’autres obligations en ce moment. Cet automne, il commencera le tournage de l’épopée de science-fiction Interstellar, prévu à l’origine pour Spielberg, avec Matthew McConaughey qui voyagera dans d’autres dimensions à travers des trous noirs. Cela impliquerait que Bond 24 ne sortent pas avant fin 2015, au mieux, dans le cas hautement improbable que Nolan enchaine directement entre le tournage d’Interstellar et celui du James Bond. L’autre ennui est que, comme tout auteur exigeant, Nolan veut amener à cette occasion son équipe habituelle et souhaite écrire le scénario. Il souhaiterait aussi changer d’acteur afin de faire un nouveau Bond Begins lui donnant les coudées franches pour remodeler l’univers de la franchise à son image. Avec probablement Michael Caine en méchant et Anne Hathaway/Marion Cotillard en Bond Girls. On en salive d’avance, même si la crainte d’une redite avec The Dark Knight et Inception est forte tant Nolan y avait déjà repris les codes « bondiens ». Et pas sûr que son épisode brillerait par sa sensualité, son humour et son exotisme.

Guy Ritchie : Le mieux placé selon les « bookmakers » anglais. Malléable, sans style, mais « cool » (un sous-Tarantino), l’ex de Madonna n’est en rien un grand cinéaste et son choix serait regrettable mais pas surprenant. Il a réalisé deux relectures modernes (et peu mémorables) de Sherlock Holmes avec le duo Robert Downey Jr./Jude Law qui ont remporté un certain succès. Son nom attirerait un casting sans nul doute glamour. De plus, le bonhomme patine avec son film d’espionnage The Man from U.N.C.L.E., qu’il a repris au nouvellement retraité Steven Soderbergh. Tom Cruise devait y jouer le rôle principal mais il vient de faire défaut pour tourner Mission Impossible 5 (il pourrait être remplacé par le nouveau Superman, Henry Cavill… qui faillit être James Bond lors du casting de Casino Royale). L’agenda de Ritchie peut donc se libérer. Pas sûr qu’il faille s’en réjouir.

Matthew Vaughn : On pourrait le voir comme l’inévitable de la période Daniel Craig. C’est en effet ce cinéaste qui révéla l’acteur sur la scène britannique avec le fantastique film de gangster « scorseséen » Layer Cake. Un premier rôle de premier plan qui permit à Craig d’aller chez Spielberg pour Munich et de coiffer au poteau Clive Owen en devenant le nouveau James Bond. Depuis, Vaughn a réalisé un chouette film de super-héros intitulé Kick-ass, adapté du « comic book » de Mark Millar, et le meilleur épisode de X-men à ce jour avec le très « bondien » X-men le commencement. Il a aussi raté de peu la possibilité de mettre en scène le prochain Star Wars au profit du plus consensuel J.J. Abrams. Il travaille actuellement sur le projet d’adaptation d’un autre « comic book » de Millar, plus centré sur l’espionnage et doté d’un humour très « british », intitulé The Secret Service. De là à passer dans le monde de Fleming, il ne pourrait y avoir qu’un pas. Nul doute que Craig tachera de l’approcher et de plaider en sa faveur si le jeu de chaises musicales venait à s’éterniser. Et Vaughn ne semble pas très enclin à refuser une telle proposition.

David Yates : Ce réalisateur est connu pour deux faits de gloire en Angleterre. D’abord pour avoir dirigé la série « Jeux de pouvoir », qui fut ensuite l’objet d’un « remake » américain par l’écossais Kevin MacDonald avec Ben Affleck et Russell Crowe. Ensuite pour avoir réalisé toute la seconde moitié de la série Harry Potter au cinéma (très inférieure qualitativement parlant à la première moitié). S’il a prouvé son aptitude à gérer les gros budgets, il a aussi fait montre d’une absence totale de génie. Mou, ce qui l’a amené à être conservé par les producteurs d’Harry Potter alors que ceux-ci proclamaient auparavant vouloir un réalisateur différent par épisode, les détenteurs de 007 pourraient le choisir pour garder le contrôle de leur franchise. D’autant plus que Yates galère à enchainer sur l’après-Potter avec l’abandon successif de son projet sur Al Capone avec Tom Hardy, son adaptation du « Fleau » de Stephen King, depuis reprise par Ben Affleck, et son drame avec Emma Watson qui s’est vu départir de son actrice principale,…

Tom Hooper : Celui-ci sera approché même s’il est peu probable qu’il soit intéressé. Les producteurs de James Bond, persistant dans cette politique d’un réalisateur anglais à tout prix et peu importe sa médiocrité (sa nationalité suffisant soi-disant à lui faire comprendre ce qu’est 007), ne pourront pas faire l’impasse sur le réalisateur oscarisé du surestimé Le Discours d’un roi. Adepte de la courte-focale et du gros plan, et par extension du manque de rythme et d’audace, Hooper a prouvé son aptitude à s’atteler à de grands sujets avec des films de grandes ampleurs. Cela a donné l’atroce comédie musicale Les Misérables qui parvint miraculeusement jusqu’aux oscars. Peut-être qu’un « blockbuster » comme Bond 24 redorerait son blason terni par cet échec artistique et critique. Pas sûr que la franchise ait besoin d’un si mauvais réalisateur après s’être enquillée cinquante années de « yes men ».

Danny Boyle : Candidat qui aurait pu être très sérieux s’il ne s’était pas échiné à répéter qu’il ne le voulait pas. Approché dès qu’il reçut son oscar pour Slumdog millionaire, Boyle s’est souvent dit flatté mais trop angoissé par la complexité d’un film de studio. Non pas que le bonhomme n’ait pas l’aptitude nécessaire pour s’atteler à un film d’espionnage (il a fait de la S.F., du drame, du thriller, de la comédie, du film d’horreur,…). Mais s’il devait en faire un, ce serait avec un petit budget. Bien qu’il ne ferme pas la porte à toute éventualité (il s’est même amusé à faire ce fameux « clip » lors de la Cérémonie d’ouverture des J.O. de Londres voyant le saut en parachute de 007 avec la reine d’Angleterre), il est peu probable qu’il cède. On pourra en être soulagé, sa filmographie étant loin d’être parfaite, mais on ne peut nier qu’un épisode réalisé par Boyle aurait été au minimum singulier.

Joe Wright : Etonnement, ce nom n’est jamais évoqué alors qu’il apparait comme l’un des plus évidents et surtout l’un des plus souhaitables. Outre le fait qu’il soit le réalisateur anglais le plus talentueux du moment, qu’il sache gérer des films conséquents et que ceux-ci aient été plusieurs fois nommés aux oscars, Wright s’est à la fois montré brillant formaliste et grand directeur d’acteurs. S’il est d’abord connu pour ses magnifiques films à costumes (Orgueil et Préjugés, Anna Karenine et le somptueux Reviens-moi), il a aussi montré son aptitude à faire un film d’action avec Hanna, un mélange entre drame poignant, objet expérimental et divertissement jouissif très inspiré (la baston d’Eric Bana filmée en plan séquence). On peut toujours rêver que les producteurs retrouvent leur bon sens et qu’ils lui confient les manettes d’un épisode (Wright étant un bon ami de Benedict Cumberbatch, cela pourrait amener ce dernier à incarner le « bad guy » comme le sous-entendait certaines rumeurs).

 

LA CINQUIEME ROUE :

Martin Campbell : Il n’est toujours rappelé qu’en dernier recours et sa filmographie est plus qu’aléatoire en termes de qualité. Mais quand il s’agit de James Bond, Martin Campbell semble toujours très inspiré. S’il s’est planté avec des navets comme Green Lantern, Zorro 2 ou encore Hors de contrôle, il s’est toujours montré étonnement convaincant lorsqu’il dirigeait 007. Après les ennuis juridiques qui faillirent couler la licence après Permis de tuer, c’est Campbell qui fut appelé pour remodeler le personnage et le faire entrer dans un monde post-Guerre Froide. Cela donna GoldenEye qui initia brillamment une période Pierce Brosnan qui fut surtout décevante. Quand l’après-Meurs un autre jour se révéla compliqué, c’est lui qui fut appelé pour élaborer une forme de « reboot » de 007 coïncidant avec la première venue de Daniel Craig dans le smoking de l’agent secret. Le résultat, longtemps raillé avant sa sortie, fut une grande claque qui s’est imposée comme l’un des meilleurs épisodes de la saga. Si Campbell ne sera jamais un grand réalisateur, il est un artisan capable pouvant tirer un bon script vers le haut. Du travail propre et sans bavure. Une caution au minimum rassurante.

 

LES CHOIX IMPROBABLES

Nicolas Winding Refn : Le nom suivant est un rumeur qui a surgi récemment lors d’une interview à Cannes voyant le réalisateur de Drive et d’Only God Forgives devenir mutique lorsqu’un journaliste lui annonça qu’il avait lu quelque part qu’il pouvait être en lice pour le poste de metteur en scène sur Bond 24. Si l’arrivée d’un cinéaste aussi particulier que Refn dans la franchise serait une première, il faut la prendre avec beaucoup de pincettes. D’abord parce que Refn n’a visiblement pas très envie d’aller faire un tour dans la grosse production : son « remake » de Logan’s Run patine, son film sur Wonder Woman est au point mort et Only God Forgives détruit sciemment ce que Drive avait pu lui apporter commercialement parlant. Si le choix du cinéaste n’est pas absurde quant à la capacité de ce dernier à filmer les fusillades, les scènes de bagarre et de tension (d’autant plus qu’il s’intéresse en ce moment à l’accomplissement héroïque de figures charismatiques), il devrait considérablement brider sa liberté artistique. Ce que Refn ne concèdera en aucun cas. On peut néanmoins rêver pour deux raisons. Il est très ami avec Mads Mikkelsen, immortel Le Chiffre dans Casino Royale qu’il contribua à révéler. On peut s’imaginer que l’acteur n’a pas tarit d’éloges au sujet de Refn auprès des détenteurs du personnage de 007. Mais la seconde raison est plus forte : Refn travaille actuellement sur une série télévisée, « Barbarella », avec les scénaristes Robert Wide et Neil Purvis qui avaient auparavant écrit tous les scripts de James Bond depuis Demain ne meurt jamais à SkyFall.

Shane Black : Celui-ci est un choix à la fois saugrenu et malgré tout complètement évident. Scénariste de L’Arme Fatale, du Dernier Samaritain et de Last Action Hero, le réalisateur du cultissime Kiss Kiss Bang Bang était tombé en disgrâce avant de revenir dominer le box-office mondial avec Iron Man 3 et son milliard de dollars de recettes. Sachant que Black fait de nombreuses références à James Bond, notamment dans son dernier film, il n’est pas surprenant qu’il soit appelé malgré sa nationalité américaine. Mais il y a plusieurs « hics ». Black est avant tout un brillant scénariste et il n’écrira pas Bond 24, le script étant élaboré par John Logan. Ses aptitudes de cinéaste laissent davantage à désirer. De plus, le succès d’Iron Man 3 lui a permis de lancer son projet d’adaptation de Doc Savage qu’il porte depuis longtemps. Pas sûr qu’il concède à le repousser encore une fois maintenant qu’il a toutes les cartes en main. Enfin, Iron Man 3 était pour beaucoup une déception tant le cynisme et le second degré annihilaient constamment les enjeux de son récit. Black apparait davantage en accord avec la période « cool » et référentielle d’un Roger Moore qu’avec celle, plus dramatique et violente, d’un Daniel Craig (bien que l’alliance des deux styles pourrait potentiellement être intéressante en plus de ne pas être complètement antinomique). Et il n’est pas certain que les fans se réjouiront de voir le parcours rédempteur d’un James Bond alcoolique, accompagné d’un Felix Leiter noir, au cours d’une aventure à base d’hélicoptères et de réveillons de Noël.

Ang Lee : Ce dernier est très étonnant mais il a été annoncé dans la « wish-list » d’Eon qui produit la série. Le cinéaste taïwanais deux fois oscarisé a déjà fait preuve d’un éclectisme admirable (Tigre et Dragon, la romance gay Brokeback Mountain, le drame historico-érotique Lust Caution, le film d’aventure onirique L’Odyssée de Pi). Capable de tirer le meilleur de ses acteurs, sachant maitriser ses récits et n’ayant pas peur de s’atteler à des projets de grande ampleur nécessitant des effets spéciaux novateurs, Ang Lee remplit bon nombre de qualités pouvant faire de son James Bond un épisode somptueux (si Lee est à ce moment-là plus proche de Pi que de Hulk ou de Hotel Woodstock). Mais il est peu probable qu’il délaisse ses péplums épiques en préparation, Cleopatra et le film sur Moïse Gods and Kings que Spielberg devait réaliser, pour une aventure de 007.

 

Au final, ce ne sera peut-être aucun de ceux-là. Dans ce cas, quel autre cinéaste pourrait décrocher le poste ? Lequel est préférable selon vous ? Et pourquoi ?

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16 mars 2013 6 16 /03 /mars /2013 23:39

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Pas de critique de films pour une fois, mais un petit message de soutien à l’intention du réalisateur John McTiernan. En janvier dernier, ce dernier a été officiellement condamné à purger une année de prison ferme, suivie de trois autres en liberté surveillée, qu’il doit commencer ce mois de mars. Faisons un bref rappel des faits. McTiernan s’est en effet retrouvé impliqué dans ce que l’on appelle « l’affaire Pellicano ». Le réalisateur américain aurait ainsi mis sur écoute le producteur Charles Roven avec qui il était très en froid pendant le tournage puis la post-production extrêmement chaotique de Rollerball. L’objectif aurait été de savoir ce que Roven mijotait secrètement afin de faire plier le cinéaste à ses directives (Rollerball étant un « remake » à gros budget que McTiernan souhaitait radical, avec quarante-cinq minutes en russe non sous-titré et l’obtention du toujours très litigieux classement « R »).

Pour faire court, Anthony Pellicano est un détective privé qui sévissait à Hollywood depuis les années 70. Il était si efficace qu’il a été au service de stars très connues, dont Michael Jackson ou encore un certain Tom Cruise. Mais il a été suffisamment filou pour assurer ses arrières en détenant quelques honteux secrets de la part du tout-Hollywood, au point qu’il est encore craint par une bonne partie du « show business ». Comme beaucoup d’hommes qui ont énormément de pouvoirs, Pellicano a fini par en abuser et, tel un de ces gangsters venant d’un film de Martin Scorsese, il a commencé à être bien trop « voyant ». Au début des années 2000, Pellicano est arrêté pour détention d’armes de guerre. On découvre aussi chez lui un certain nombre de bandes audio et de preuves confortant l’existence d’écoutes téléphoniques au sujet de personnes plus ou moins influentes à Hollywood. A la fin de sa détention en février 2006, il se retrouve accusé de près de 110 chefs d’inculpation. En décembre 2008, il est condamné à quinze années de prison. Même si Pellicano ne balance rien, la ville entière tremble à l’idée que Pellicano commence à vider son sac.

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Pourtant, John McTiernan est la seule célébrité à être condamné pour cette affaire. Pas pour avoir employé Pellicano afin de mettre sur écoute le producteur Roven, mais pour avoir menti au FBI lorsqu’on lui a demandé s’il avait rencontré le détective privé. A force d’appels, McTiernan a vu sa sentence atteindre une année de prison. Son sort a définitivement été scellé en janvier dernier, et pas en sa faveur. On ne plaisante pas avec le parjure aux Etats-Unis. Ce qui fait que John McTiernan paye pour les autres, en plus d’être définitivement ostracisé par l’ensemble de la profession américaine. On pouvait pourtant considérer que le réalisateur avait déjà payé très cher son parjure. Depuis 2003 et Basic, McTiernan est dans l’incapacité de retourner sur les plateaux et faire ce qu’il aime : des films. Ne pouvant plus travailler, sa fortune s’est lentement dilapidée, sa carrière a 99% de chances de ne pas s’en remettre et il est moralement au fond du gouffre.

Ses deux derniers films, Rollerball et Basic, ont été conspués par la critique et boudés par le public. McTiernan a pourtant révolutionné à plusieurs reprises le cinéma d’action avec des œuvres maitresses ayant souvent participé à l’élaboration de passions cinéphiliques précoces de par le monde. Il a, à son palmarès, des chefs d’œuvres comme Predator, Die Hard 1 et 3, ou encore A la Poursuite d’Octobre Rouge. Il a aussi réalisé de grands films malades avec les passionnants Last Action Hero et Le 13ème Guerrier. Des acteurs comme Bruce Willis, Arnold Schwarzenegger, Sean Connery, Alan Rickman, Jeremy Irons ou encore Antonio Banderas lui doivent quelques-uns de leurs rôles les plus emblématiques.

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Une page « Facebook », « Free John McTiernan », a été élaborée par les fans du cinéaste. Peu probable qu’elle permette au cinéaste de se voir gracié, mais au moins permet-elle de (lui) montrer notre soutien symbolique à l’heure où Hollywood, qui le considérait autrefois comme l’un de ses plus grands réalisateurs, s’acharne à démolir son héritage (le sinistre Die Hard 5 en a été la preuve la plus récente) et à confier ses « blockbusters » à des incapables comme Len Wiseman, Brett Ratner ou encore John Moore. Je donne en plus le lien de l’excellent article « Not Quite Hollywood », écrit par le journaliste Arnaud Bordas et publié sur le non moins excellent site « Capture Mag », pour ceux qui veulent en savoir plus sur cette affaire et ce personnage très trouble mais fascinant qu’est Pellicano. 

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14 septembre 2012 5 14 /09 /septembre /2012 22:08

http://www.artistes-du-web.com/wp-content/uploads/2012/06/affiche-37-eme-festival-deauville.jpgLe Festival du film américain de Deauville avait 38 ans cette année. Et pour cette nouvelle édition, le festival a d’abord voulu rendre hommage à l’un des plus fameux acteurs américains qui fut découvert aux débuts des années 70 par Martin Scorsese. Non, il ne s’agit pas de Robert de Niro mais bien de son alter ego « tranquille » dans Mean Streets (1973) : Harvey Keitel. L’acteur aux airs de bad boy a traversé quarante ans de cinéma avec quelques unes des œuvres les plus importantes de ces dernières décennies. Outre Mean Street, Taxi Driver (1976) et La Dernière Tentation du Christ (1988) réalisé par son cinéaste fétiche, on compte parmi sa filmographie l’absolument somptueux Les Duellistes de Ridley Scott. Réalisé en 1977, le premier film du metteur en scène britannique constitue l’un des plus hauts moments des carrières respectives des deux artistes (difficile de croire qu’il s’agit du même homme derrière la caméra que celui qui a réalisé quelques uns des blockbusters les plus embarrassants de ces quinze dernières années dont le récent et catastrophique Prometheus). Ils se retrouveront ensuite pour Thelma et Louise en 1991. La carrière de Keitel est composée de bien d’autres pépites cinématographiques telles Mélodie pour un tueur de James Toback en 1978 (remaké par Jacques Audiard sous le titre De battre mon cœur s’est arrêté), La Leçon de Piano de Jane Campion en 1993, Reservoir Dogs et Pulp Fiction de Quentin Tarantino respectivement en 1992 et en 1994, Cop land de James Mangold en 1997 et récemment Moonrise Kingdom de Wes Anderson en 2012.

Parmi les autres hommages envers l’acteur Liam Neeson (La Liste de Schindler, Michael Collins, Le Territoire des Loups), l’actrice Salma Hayek (Desperados, Frida), la productrice Paula Wagner (la quadrilogie Mission : Impossible, Le Dernier Samouraï), le réalisateur Melvin Van Peebles (Watermelon Man, Sweet Sweetback’s Baadasssss Song), on retiendra particulièrement la grande rétrospective accordée à l’immense William Friedkin, qui présentait par la même occasion son nouveau film, Killer Joe (sur lequel je reviendrai prochainement dans une critique qui lui sera exclusivement dédiée). Le cinéaste oscarisé avait débuté à la télévision dans la réalisation d’émissions en direct avant de se tourner vers le documentaire puis le cinéma après avoir été marqué par une projection du Citizen Kane d’Orson Welles (il n’a jamais perdu l’espoir de faire un long métrage qui soit aussi abouti que ce chef d’œuvre ; d’aucun pourront dire qu’il y est en fait déjà parvenu). Friedkin est mondialement connu pour avoir réalisé French Connection en 1971 et L’Exorciste en 1973, mais il est aussi le metteur en scène d’immenses longs métrages dont Le Convoi de la Peur en 1977 (son chef d’œuvre, remake du Salaire de la Peur d’Henri George Clouzot), Cruising – la chasse en 1980, Police Fédérale Los Angeles en 1985 (au titre original plus évocateur : To Live and Die in L.A.), Jade en 1995, Traqué en 2003 ainsi que Bug en 2006. Une filmographie moderne, régulièrement percutante et immersive, et surtout variée auquel on peut ajouter l’excellent Killer Joe qui n’aura pas à rougir au milieu de ces œuvres brillantes.

Néanmoins, le but de cet article est avant tout de faire un compte rendu de la compétition officielle. Je reviendrais sur les films vus en avant-première au moment de leurs sorties françaises. Quinze films donc sont passés devant le jury présidé par Sandrine Bonnaire (aux côtés notamment de Florent Emilio Siri, Joann Sfar, Sami Bouajila, Christophe Honoré, Alice Taglioni ou encore Clotilde Courau). Mais je n’en chroniquerai que quatorze car je n’ai pas vu For Ellen de So Yong Kim. Je les ai classé dans un ordre de préférence (du plus mauvais au meilleur selon moi). Précisons avant de commencer que le grand prix est allé aux Bêtes du Sud Sauvage de Benh Zeitlin et que le prix du Jury a été décerné à Una Noche de Lucy Mulloy.

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/92/24/26/20188210.jpgConsternation d’abord au sujet du Francine de Brian M. Cassidy et de Melanie Shatzky. Racontant l’histoire archi-revue d’une femme sortant de prison et peinant à se réinsérer, le long métrage se la joue naturaliste et réaliste. Par conséquent, on se farcit des plans séquences en caméra portée ne se terminant jamais et suivant bêtement les personnages de dos en train de marcher, des scènes qui durent à chaque fois trente secondes de trop, des saynètes quotidiennes à l’intérêt extrêmement limité… Francine est doté d’un scénario écologique ne devant pas excéder dix pages et ces dernières ont été indéfiniment étirées sur une heure et quart de film d’une vacuité sans borne. Un long métrage qui peine tellement à émouvoir le spectateur qu’il utilise des moyens tire-larmes extrêmement grossiers pour le faire chialer (l’euthanasie d’un chien en temps réel entre autres). Outre Melissa Léo qui tire la tronche, l’actrice étant l’unique raison de la sélection de ce film au Festival de Deauville, Francine est d’une infinie laideur que ce soit en termes de cadres, de luminosité ou de définition d’image (le directeur de la photographie ne s’est même pas embêté à faire le point sur certains plans). Au final, du vent sans aucun intérêt qui a été copieusement hué lors de sa première au Festival. Du pur amateurisme [sortie indéterminée]. 0,5/10

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/92/24/23/20188176.jpgUna Noche n’est pas le plus américain des films en compétition. Mis en scène par une réalisatrice anglaise, Lucy Mulloy, et tourné en langue espagnol par un casting presqu’intégralement cubain, Una Noche relate la tentative d’évasion du beau Raul, du jeune Elio secrètement amoureux de son ami et de Lila, la sœur de ce dernier. Ceux-ci vivent dans le ghetto étouffant de La Havane et essayent de rejoindre les côtes américaines dans l’espoir d’une vie meilleure. Le film ne démarre jamais et s’arrête au moment où il aurait pu commencer. Etirant les fastidieux préparatifs sur 1h30, pour une expédition qui au final décevra beaucoup de spectateurs sans vraiment les surprendre, Una Noche fait preuve d’une mise en scène immersive et documentée des plus louables. Dommage que cela ne soit que pour montrer un nombre incalculable de saynètes toujours plus misérabilistes les unes que les autres (travelo, vieille prostituée faisant une fellation, masturbation à l’aide d’un poisson…). Derrière cette façade faussement provocatrice mais réellement racoleuse, il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent. Le genre de production amené à rassurer un public aisé qui se dit qu’il a bien de la chance de ne pas être dans la situation des personnages (en plus de pouvoir les regarder avec une pointe de condescendance). On peut y sauver une courte scène de quelques minutes impliquant un requin et qui parvient enfin à instaurer une vraie tension. On peut aussi garder d’Una Noche quelques beaux plans. Mais là où l’on aurait pu avoir un « huis clos » avec un trio amoureux coincé sur un navire de fortune, bien que cette partie ne soit pas non plus aussi réussie qu’elle aurait dû l’être, on se retrouve avec du pseudo-cinéma vérité interminable. Et l’absence totale d’empathie pour les trois personnages principaux, notamment à envers l’insupportable Lila, n’aide pas à faire avaler la pilule. Un parfait produit pour Cannes [sortie indéterminée]. 2,5/10

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/86/00/80/19999585.jpgDéception aussi avec le Wrong de Quentin Dupieux. Partant d’un postulat assez amusant (montrer un monde où tout est « wrong », c’est-à-dire « anormal »), le long métrage de Dupieux est le cas typique du film qui aurait gagné à n’être qu’un moyen métrage. Car au bout d’une demi-heure, il faut se rendre à l’évidence : le concept finit par s’épuiser. Les gags deviennent répétitifs et l’anormalité devient normale tant elle finie par être attendue et prévisible. Dupieux fait l’erreur de ne pas caser un important évènement dont la normalité aurait paradoxalement détonné avec cet univers. Le normal deviendrait alors anormal. Pas de décalage ici. Ou beaucoup trop justement. Clairement, le long métrage est assez agréable à l’œil mais il est d’une terrible froideur en n’hésitant pas à refuser que le spectateur parvienne à s’y immerger. Un grand nombre de scènes apparaissent gratuitement, sans aucun but narratif comme la drôle mais affreusement longue et inutile séquence de l’étude de la crotte. Wrong apparait malheureusement comme un produit destiné à être « hype » mais qui est surtout d’une vacuité infinie. Amusant vingt minutes, gonflant au bout d’une heure. Si l’on était un peu méchant, on pourrait dire que l’ouverture et la fermeture du film (un homme qui chie longuement et une voiture roulant vers nulle part) sont de parfaites notes d’intention [05.09.2012]. 3/10

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/91/70/83/20179209.jpgCompliance de Craig Zobel est un peu plus intéressant quoique très clairement imparfait. Le film se base sur une série d’évènements réels s’étant déroulés aux Etats-Unis et qui a vu un pervers manipulateur se faire passer au téléphone pour un policier afin d’amener ceux qui ont malheureusement décroché à commettre des actes violents ou dégradants envers autrui. Pour ceux qui connaissent la célèbre et terrifiante expérience de Milgram, le sujet et sa conclusion macabre ne surprendra pas grand monde. Mais le film se cache derrière une visée soi-disant éducative afin d’éviter que de tels actes atroces puissent continuer d’être commis en toute impunité et sans connaissance de cause. Le problème vient avant tout de l’exécution du long métrage. D’un côté il se veut sans concession, brutal, capable de dévoiler sans fard la réalité et l’horreur ; de l’autre il se révèle surtout incroyablement prude (il n’y a par exemple que très peu de nudité visible). Comme si Zobel était gêné de dévoiler frontalement les actes humiliants et leurs conséquences, se couvrant derrière une pudibonderie américaine mal placée et ouvertement moralisatrice. Si Compliance est clairement anxiogène et parfois difficile à regarder, il ne parvient pas à faire comprendre les rouages qui ont amené des gens ordinaires à agir comme des tortionnaires. Peut-être est-ce dû à la volonté de faire un film quasiment en temps réel ? Il est vrai que voir un homme se mettre à violer une femme parce qu’un inconnu avec qui il est au téléphone depuis à peine vingt minutes le lui a ordonné aurait plutôt tendance à mettre en exergue la bêtise de la victime-coupable plutôt que les rouages machiavéliques de l’abus d’autorité. Et le fait que l’on devine le pot au rose cinq minutes après le début du terrible coup de fil n’arrange pas la perception, peut-être biaisée car pas réellement impliquée, du spectateur [26.10.2012]. 4/10

 

http://fr.web.img1.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/90/66/52/20108195.jpgThe We and the I de Michel Gondry (Eternal Sunshine of the Spotless Mind, La Science des Rêves, Soyez Sympa, Rembobinez) part aussi d’une bonne intention. L’un des plus fameux réalisateurs français aux Etats-Unis s’était lancé dans ce projet entre deux films plus « lourds » (The Green Hornet et le futur L’Ecume des jours). Le principe est simple : à la toute fin des cours, au début tant attendu des vacances d’été, plusieurs élèves d’une même classe rentrent chez eux en prenant un même bus. Un huis clos d’apparence original mais qui va évidemment dégénérer car, comme disait Sartre, « l’enfer c’est les autres ». Et dans un lieu aussi étroit qu’un bus, la loi du plus fort et les règlements de compte ne vont pas tarder à fuser à la vue de tous. Comme une grande majorité de huis clos, le concept a du mal à tenir jusqu’au bout. En effet, rien, à part la nécessité de faire durer le long métrage près d’une heure et demie, n’empêche les occupants de ce bus d’en sortir afin de prendre le suivant pour éviter les nombreuses confrontations voire humiliations qu’ils y subiront. Malgré quelques bonnes idées (dont des flashs back réalisés à l’aide de téléphones portables), le film ne parvient jamais vraiment à convaincre. La faute vient notamment du jeu parfois outrancier des acteurs débutants qui interprètent leurs propres rôles. Le problème vient aussi de ces dialogues faussement immédiats et naturels car beaucoup trop écrits. La mise en scène n’est d’ailleurs pas suffisamment éblouissante pour élever ce long métrage clairement anecdotique qui figure sans aucun problème comme l’œuvre la moins intéressante que Gondry ait réalisé depuis un moment. Une bonne petite déception [12.09.2012]. 4,5/10

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/90/57/13/20102856.jpgDes films clairement imparfaits, il y en a eu en compétition. Après tout, quoi de plus normal lorsqu’il s’agit pour la plupart de premiers voire de seconds films ? Si dans leurs cas on est loin d’atteindre Il était une fois dans l’Ouest, ils sont néanmoins largement supérieurs à un long métrage vide tel Francine. C’est le cas de Gimme the Loot notamment. Le film d’Adam Leon n’est clairement pas dénué de qualités. La première, et non la moindre, est de dévoiler un univers pas forcément très familier du public, bien que leurs œuvres soient régulièrement visibles aux yeux de tous : celui des « graffeurs ». Là encore il s’agit d’un long métrage relatant un passage à l’acte. Les deux héros, une jeune fille nommée Sofia (Tashiana Washington) et un jeune homme s’appelant Malcom (Ty Hickson), décident de recouvrir de graffiti la pomme géante du Shea Stadium afin de montrer au quartier qui sont les meilleurs graffeurs. La mise en scène se fait cette fois plus réaliste avec l’aide d’une caméra portée et de dialogues en partie improvisés. A ce titre, les deux acteurs amateurs principaux s’en sortent clairement avec les honneurs. Mais là encore le film s’étire trop en longueur sur les préparatifs sans cesse repoussés ou entravés. Une sous-intrigue intéressante, quoique traitée avec un peu de lourdeur, voit la confrontation entre le jeune héros noir et une charmante fille à papa friquée qui ne se révèlera pas si adorable que ça. Du film, on retiendra une intéressante scène de tentative d’effraction, à la fois tendue et comique. Pour le reste, le véritable nœud du film, à savoir la relation entre les deux compères qui est un peu plus que strictement professionnelle et amicale, est un peu trop laissé de côté pour revenir comme un cheveu sur la soupe vers la fin. Et comme pour Una Noche et Booster, que nous verrons ensuite, la conclusion de Gimme the Loot risque bien de décevoir les spectateurs qui auront la désagréable impression d’avoir eu beaucoup de bruits et d’images pour pas grand-chose [02.01.2013]. 4,5/10

 

http://www.francetv.fr/culturebox/sites/culturebox/files/styles/ftvi_media_embed_paysage/public/images/photos/2012/09/booster_3.jpgInabouti pourrait aussi être le parfait qualificatif de Booster. Lui-aussi part d’un pitch relativement simple : un homme se retrouve obligé de faire une série de cambriolages afin d’innocenter son frère coupable qui croupit en prison. Comme Una Noche et Gimme the Loot, le film de Matt Ruskin est une œuvre relatant la préparation d’un acte qui n’interviendra qu’à la toute fin du long métrage. On peut donc aussi considérer qu’au même titre que l’œuvre de Lucy Mulloy, Booster s’arrête un peu là où il aurait dû commencer. Mais ce dernier s’élève un peu plus grâce à une forme plutôt agréable à suivre. On reconnaitra clairement l’influence de Michael Mann et de ses nombreux ersatz dans cette manière de filmer un environnement urbain ou de décrire comment le déterminisme social (le héros fréquentant un milieu d’escrocs et de mafieux de bas étage) entre brutalement en conflit avec la personnalité de l’individu qui y réside (le personnage principal n’ayant pas la carrure ni l’âme d’un criminel). Comment cette équation peut-elle se résoudre ? Par la victoire et la défaite simultanée des deux frères : soit le héros réussit et fait sortir son frère de prison mais en ayant perdu son âme par la même occasion ; soit le héros échoue à accomplir ses braquages et ne fait pas libérer son frère mais parvient à conserver son intégrité physique et surtout morale. C’est aussi un film sur le poids de l’héritage légué par la vieille génération à la nouvelle, chaque jeune personnage étant chargé de s’occuper d’un être âgé (mère, grand-mère, grand-père,…). Booster relève néanmoins du déjà-vu, au point qu’il reprend des morceaux de BO d’anciens films pour illustrer ses scènes, et Matt Ruskin devra faire attention par la suite à trouver une identité visuelle qui lui soit plus propre [sortie indéterminée]. 5/10

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/91/49/01/20158234.jpgPartant d’un pitch d’anticipation minimaliste, Robot & Frank, le film de S.F. à petit budget de Jake Schreier, se révèle être un agréable divertissement. Si le film n’invente rien de formellement nouveau et qu’il suit docilement toutes les étapes classiques d’un récit « indé » (avec les scories que cela peut sous-entendre), il parvient à construire un « buddy movie » assez original et bien écrit. D’un côté il y a Frank, un vieux cambrioleur de prestige à la retraite dont la mémoire commence à partir en lambeaux et qui est interprété brillamment par un Franck Langella portant clairement le long métrage sur ses épaules. De l’autre, il y a le robot aide-soignant que le fils de Frank lui a adjoint de force. D’abord réticent face à cette obscure machine apparemment dénuée de personnalité et de volonté propre, symbole d’un avenir qu’il ne comprend pas et qu’il n’aura pas le temps de voir se développer, Frank va apprendre à accepter cette machine et à la considérer comme son unique « ami » afin de retrouver une nouvelle jeunesse. Une histoire d’amitié et de pardon dans l’ensemble très touchante, drôle et jamais lourde qui ne se départit pas d’un certain message avec un hymne poignant et pertinent sur la tolérance. C’est aussi une belle œuvre sur notre propre rapport à la vie et à la mort [19.09.2012]. 6/10

 

http://fr.web.img1.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/87/95/83/19974886.JPGTout comme Robot & Frank, le film de Rebecca Thomas, Electrick Children, dispose d’un point de départ assez original. Une jeune fille, Rachel, incarnée par l’absolument excellente Julia Garner, est élevée dans une communauté mormone retirée du monde. Tout va pour le mieux lorsqu’au cours d’un moment de bravade elle découvre subitement la musique rock. Une découverte qui a une conséquence assez inattendue puisqu’elle tombe miraculeusement enceinte alors qu’elle est vierge. La communauté refusant de croire à ce soudain miracle qu’elle ne cessait pourtant pas de prêcher, Rachel quitte le village pour partir dans le vaste et inconnu monde moderne pour trouver à qui appartient cette magnifique voix qui l’a soudainement engrossée. Elle est accompagnée dans son périple par Will (Liam Aiken), un jeune garçon qui, à cause d’un malentendu, est perçu par la communauté mormone comme étant en fait l’amant secret de la jeune fille. On ne peut s’empêcher de penser au Village de M. Night Shyamalan qui racontait aussi comment une jeune femme se libérait de l’emprise et de l’angoisse des adultes pour oser traverser la forêt entourant son vieux village renfermé et découvrir ce que masquait tous ces arbres. Cependant Electrick Children n’est pas un thriller mais plutôt un road-movie quelque peu autobiographique (la réalisatrice ayant été mormone et ayant quitté cette communauté aux règles stricts après avoir découvert le cinéma). Le problème avec ces artistes mormons (Jason Reitman et Stephenie Meyer en tête), c’est qu’il est toujours un peu difficile pour le spectateur averti d’appréhender sereinement leurs œuvres et de ne pas essayer d’y voir tout un tas de messages passéistes, moralisateurs et familiaux dans ces scènes parfois très premier degré. Si la première heure laisse place à un aspect décalé assez sympathique, les trente dernières minutes laissent place au doute quant aux motivations de la réalisatrice. Au final, retour vers la nature, vers la famille, vers le mariage, vers l’autarcie, vers le refus de la modernité… Une dernière note un peu désagréable qui conclut un film qui se perd un peu en rebondissements vers la fin, mais qui demeure un moment assez agréable. Et l’esthétique un peu surréaliste du film est loin d’être déplaisante, ce qui peut amener à penser qu’on entendra bientôt reparler de Rebecca Thomas [09.01.2013]. 6,5/10

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/86/17/49/20125070.jpgLe nouveau film de Lynn Shelton (Humpday), intitulé Your Sister’s Sister, a été diffusé assez tôt dans la compétition. On peut par conséquent dire qu’il s’agissait du tout premier coup de cœur de Deauville. Une œuvre applaudie et reçue avec une ferveur plutôt méritée. Là encore, il s’agit en grande partie d’un huis-clos. Jack (Mark Duplass) est un jeune homme normal mais un peu paumé depuis la mort de son frère un an auparavant. Pour se ressourcer et essayer de repartir dans la vie sur des bases plus saines, son amie de toujours, Iris (incarné par une très émouvante Emily Blunt), lui propose de passer quelques temps dans la maison familiale se trouvant sur une île et soi-disant vide pour les mois à venir. Avec réticence, le jeune héros accepte finalement la proposition avant de découvrir que la maison n’est évidemment pas vacante puisqu’elle est occupée par la sœur déprimée d’Iris, Hannah (Rosemarie DeWitt). Your Sister’s Sister relate l’implosion d’un trio « amoureux » avec une certaine légèreté qui permet d’élever le long métrage plutôt que de le plomber. Jamais morbide, étonnamment joyeux, plutôt dynamique et bien écrit, le film de Shelton est une comédie dramatique « indé » vraiment aboutie. Si on peut légitimement regretter qu’il s’agit plus d’un film d’acteurs et de scénaristes, la mise en scène n’étant pas forcément ce qu’il y a de plus marquant dans Your Sister’s Sister, le long métrage de Shelton dilue un humour bienvenu tout en se permettant de traiter de quelques thèmes assez audacieux (dont l’adoption par un homosexuel). Le long métrage se conclue par une belle idée, qui n’est pas sans rappeler She Hate Me de Spike Lee, bien qu’on puisse regretter le procédé final roublard et facile consistant à couper le long métrage avant que la question principale qui sous-tend le film ne puisse obtenir sa fatidique réponse (un peu comme dans Shame de Steve McQueen et, dans une moindre mesure, Inception de Christopher Nolan). Une dernière note désagréable qui ne parvient heureusement pas à entacher cet ensemble vraiment divertissant et émouvant [10.04.2013]. 7/10

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/86/03/52/20126560.jpgGod Bless Americade Bobcat Goldthwait a tout du film rêvé pour quiconque s’est déjà senti atterré en tombant sur des émissions de TV réalité aberrantes, révolté en voyant des jeunes faire céder leurs parents à l’aide de caprices délirants, agacé par ceux qui prennent leurs aises dans les cinémas ou qui ne considèrent pas comme nécessaire de prendre en considération leurs voisins,… Bref, pour tous ceux qui détestent tous ces petits nuisibles qui viennent empester votre quotidien le plus ordinaire. Syndromes d’une civilisation de plus en plus évoluée qui devient paradoxalement de moins en moins sociable, concernée, intelligente ? C’est en tout cas ce que pense Frank (Joel Murray), cadre moyen de bientôt quarante ans qui voit un jour sa vie se dérober sous ses pieds. Furieux car croyant que c’est parce qu’il refuse de se rabaisser comme les autres et de faire semblant d’être excité par le moindre buzz médiatique inintéressant et puéril, il décide avant de se suicider de se venger sur tous ces êtres bêtes et égoïstes qui lui ont pourri la vie et qui empêcheraient, toujours selon lui, de rendre meilleurs l’humanité et le monde dans lequel on vit. Il est rejoint par une lycéenne tout aussi désaxée que lui et, ensemble, ils vont tenter d’accomplir cette croisade contre la connerie américaine grandissante. On ne pourra nier que le résultat à l’écran est des plus jubilatoires et le film ne manque jamais de l’humour nécessaire pour faire passer à l’écran des séquences d’une forte brutalité et amoralité (notamment une fusillade dans un cinéma qui pourrait mal passer après le sinistre évènement d’Aurora en juillet dernier lors d’une avant-première du The Dark Knight Rises de Christopher Nolan).  Ce buddy movie, énième redite de Bonnie et Clyde, fonctionne à merveille, est réalisé avec une certaine inspiration et est surtout écrit et interprété avec une mauvaise foi et une outrance des plus jouissives. L’ennui, en grattant un peu, c’est que le long métrage de Goldthwait n’est pas aussi subversif qu’il entendait l’être : tout caractère sexuel, notamment entre le duo principal, est clairement éludé ; peu d’hémoglobine à l’exception d’une ouverture gore hilarante qui ne sera jamais vraiment dépassée par la suite ; un massacre final hors champ... A certains moments, on peut aussi dire que le film défonce des portes ouvertes. C’est un peu le cas. La critique insolente des médias, du rêve américain et de la bêtise humaine a déjà donné lieu à de nombreuses productions U.S. particulièrement percutantes (Tueurs Nés d’Oliver Stone entre autres, d’ailleurs sur un pitch pareil il aurait été intéressant de voir jusqu’où le plus provocateur des réalisateurs mainstream américains serait allé). Et la concurrence sur le sujet et l’égratignement des symboles et idéaux faisandés de la toujours première puissance mondiale est allé crescendo depuis le développement de séries provocatrices dans le plus répandu et accessible des médias (la télévision). Et dans ce cas on pensera inévitablement aux séries animées telles American Dad et bien évidemment le définitif South Park auquel le long métrage de Goldthwait n’arrive clairement pas à la cheville [10.10.2012]. 7/10

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/92/74/19/20215131.jpgLes deux films suivants, outre leurs grandes qualités, ont un point commun : le thème de l’alcoolisme. D’abord avec Smashed de James Ponsoldt qui suit une jeune institutrice, interprétée par Mary Elizabeth Winstead (Le Boulevard de la Mort, Scott Pilgrim), ayant un sérieux problème d’alcool au point que celle-ci décide de reprendre les choses en main. En effet, son secret a été à deux doigts d’être découvert après avoir fait cours à de petits enfants alors qu’elle souffrait d’une sérieuse gueule de bois. Il faut dire qu’elle n’est pas aidée par son mari, lui aussi soiffard de compétition. D’ailleurs leur amour n’était-il finalement pas intrinsèquement lié à l’alcool ? Car une fois que l’un des deux membres du couple se retrouve sobre et peut admirer à loisir son partenaire sombrant dans l’ivresse, la communication, ou du moins la communion des deux ne parait plus possible. Ne partageant plus cette même folie et cette même addiction, le rapport autrefois égal entre la jeune femme et son mari est réduit à néant. Smashed peut donc se voir à travers plusieurs niveaux de lecture. C’est d’abord l’histoire du combat d’une femme contre l’alcool. Un parcours laborieux et épuisant visant à sa désintoxication et à sa réinsertion en société. C’est aussi une histoire d’amour dans le sens où le film retrace la tentative de survie d’un couple face à une tempête imprévue : la soudaine décision de ne plus boire, amenant nécessairement le mari à soutenir, ou non, sa femme dans cette lutte de tous les instants. C’est enfin un film sur l’âge adulte. La jeune prof agissait en effet comme une adolescente sans prendre réellement la mesure de ses actes. La sobriété doit lui permettre d’aborder sa vie et le monde de façon plus sérieuse et responsable. Là encore malgré un sujet assez lourd, Ponsoldt n’hésite pas à le contrebalancer avec un peu d’humour et de légèreté. Bien écrit, quoiqu’assez classique dans son déroulement, Smashed est surtout l’occasion pour la très prometteuse Mary Elizabeth Winstead de trouver son premier grand rôle. Au vu de sa performance assez magistrale, gageons qu’il est fort probable qu’on la retrouve cette année aux oscars pour sa première nomination très méritée dans la catégorie de la meilleure actrice principale [sortie indéterminée]. 7/10

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/86/82/78/20188240.jpgCalifornia Solode Marshall Lewy parle aussi d’alcoolisme. Mais, et c’est une première nuance de taille, le film aborde le point de vue d’un homme d’une quarantaine d’années. Autre détail qui aura son importance : il est écossais et a immigré aux Etats-Unis quinze ans auparavant. Dans le long métrage de Lewy, l’alcool n’est pas le problème principal mais le point de départ des embêtements pour le héros. En bon écossais au foi de fer, Lachlan MacAldonich, ancien musicien de rock qui s’est depuis reconverti dans l’agriculture au sein d’une ferme américaine, est un adepte de la bonne biture. Il est très brillamment incarné par Robert Carlyle, charismatique à un point inimaginable dans ce film et présent dans quasiment tous les plans. Tout est pour le mieux lorsque l’inévitable se produit et qu’il est pris en flagrant délit de conduite en état d’ivresse. L’histoire pourrait s’arrêter là, après le paiement de l’amende et le procès, mais une ancienne affaire va repointer le bout de son nez. Dans ses jeunes années, Lachlan avait été pris en possession d’un peu d’herbe dans un aéroport américain. Cela avait été sans suite mais le cumul de ces deux délits amènent soudain les autorités à envisager son expulsion pour non respect des lois étasuniennes. California Solo, titre en référence à l’une des chansons que jouait le personnage de Carlyle, ajoute la problématique de l’immigration et de l’exclusion dans son histoire apparemment bateau d’alcoolique recherchant la rédemption. Ce suspense est savamment entretenu et permet de rendre l’aventure de Lachlan encore plus belle et touchante. Film sur la peur de l’abandon, la perte, le remord, le pardon et la seconde chance, California Solo fait preuve aussi d’un optimisme et d’une joie de vivre qui rendent le long métrage très agréable à suivre. Jamais moralisateur, misérabiliste ou voyeur, le film de Lewy est un drame attachant sur un homme qui cachait son égoïsme et sa culpabilité derrière une façade trop amicale pour être honnête. Un homme à un tournant de sa vie, qui doit choisir entre assumer frontalement ses actes et ses erreurs (et tenter par la même occasion de les réparer) ou bien poursuivre dans la couardise. California Solo est une œuvre complexe et riche sur le combat désespéré d’un has been cherchant à retrouver la grâce aux yeux des autres. Une nouvelle chance qui pourrait se payer au prix fort (le départ de l’Amérique et la fin de la « vie de rêve » qu’il s’est construit pour oublier ses erreurs) mais qui pourrait au final aboutir sur de beaux changements (la rédemption morale, la réconciliation avec sa propre fille qu’il avait abandonné,…) [sortie indéterminée]. 7/10

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/90/22/18/20102764.jpgEt on en arrive au grand choc de cette compétition officielle du Festival de Deauville. Présenté quasiment à la toute fin du Festival, le film de Benh Zeitlin a pris au dépourvu tout le monde au dépourvu. D’abord parce qu’il est quasiment le seul film de la compétition à posséder quelques éléments lyriques et fantastiques ; tous les autres étant régulièrement assez terre-à-terre en termes de pitch et/ou de traitement formel (à l’exception de Wrong). Là où l’on avait surtout eu droit à du drame ou à de la comédie, même dans le cadre de Robot & Frank et de God Bless America, Les Bêtes du Sud Sauvage propose une vision un peu plus « féérique » du monde. Le long métrage de Zeitlin est une sorte de conte initiatique lyrique. Le film suit Hushpuppy, petite fille de six ans vivant dans le bayou avec son père. Dans cette zone de non-droit où l’homme est à la merci du moindre caprice de Mère Nature, vivent (réellement) plusieurs communautés d’hommes qui se sont sciemment installés dans ces marécages pouvant les engloutir à la moindre tempête tropicale. La vie de cette petite fille, que son père malade a tendance à éduquer comme un homme, suit son cours paisiblement. Mais lorsque la fameuse tempête se déchaine enfin (un écho évident à l’ouragan Katrina), Hushpuppy et quelques rescapés tentent de survivre à l’inondation causée par les immenses digues en béton que la civilisation moderne a dressée pour se protéger. Mais la nature réserve d’autres surprises et les gaz à effet de serre diffusés dans l’atmosphère par cette société industrielle ayant perdue tout contact avec l’écosystème permet soudain de libérer des glaces les terribles aurochs, taureaux géants carnivores, qui dévoraient les humains pendant les Temps Anciens. Malgré la richesse des thèmes et intrigues qu’il aborde, Les Bêtes… demeure clairement un film grand public. Un long métrage à hauteur d’enfant qui suit une « jeune princesse » tentant d’accomplir sa quête héroïque pour sauver son père souffrant d’un problème cardiaque. Entre mysticisme et naturalisme, le film de Zeitlin n’est pas sans rappeler dans une moindre mesure évidemment les œuvres de Terrence Malick mais aussi la littérature de Marc Twain. On pense aussi à plusieurs reprises aux films de Spielberg (E.T., L’Empire du Soleil, A.I.) et de Miyazaki (Mon Voisin Totoro, Ponyo sur la falaise particulièrement) dans cette manière de représenter un imaginaire enfantin onirique et la quête visant à retrouver et à sauver ceux qu’ils aiment. Rarement un enfant avait été aussi bien écrit et dirigé au cinéma depuis les deux cinéastes précités. Malgré un tournage difficile s’étant déroulé sur les vrais lieux de l’action, Zeitlin parvient à réaliser un premier film non seulement marquant mais aussi très abouti. Et si l’on pourra regretter de menus défauts (un abus de la caméra à l’épaule au cours d’une poignée de séquences, quelques effets spéciaux hasardeux dus à un budget réduit), Les Bêtes… s’impose immédiatement comme les débuts tonitruants d’un réalisateur dont il est fort probable que le nom va compter dans les années à venir. Un grand prix très mérité qui fut magnifiquement reçu par un public Deauvillais qui donna à Zeitlin une longue et légitime « standing ovation » [12.12.2012]. 7,5/10

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21 août 2012 2 21 /08 /août /2012 18:38

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/35/32/57/18386137.jpg

On a appris hier la mort du réalisateur Tony Scott, qui s’est suicidé en se jetant du pont de Vincent Thomas à Los Angeles. Une triste fin brutale pour un metteur en scène qui n’a jamais connu de son vivant la reconnaissance qu’il méritait. C’est le symbole de toute une époque et de toute une esthétique parfois outrancière qui disparait tragiquement avec lui. Revenons un peu sur son parcours afin de rappeler ce que Tony Scott a apporté au cinéma pendant ces trente années de carrière fructueuse.

Anthony David Scott est né le 21 juillet 1944 au Royaume-Unis. Il est d’abord connu comme étant le frère cadet d’un autre réalisateur anglais très célèbre : Ridley Scott (Alien, Blade Runner, Gladiator). Un personnage qui lui fit d’autant plus d’ombre que les deux frangins ont connu un parcours bien opposé. Là où Ridley Scott démarra sa carrière de façon extrêmement tonitruante, Tony Scott fut régulièrement méprisé par la critique qui ne voyait en lui qu’un « yes-man » vulgaire avant qu’il ne puisse connaitre une légère reconnaissance critique tardive. Il put néanmoins bénéficier d’un fort soutien public assez régulier. Avec le recul, il est pourtant évident que Tony Scott est à proprement parler un « auteur ». Même ses films de commandes ne ressemblent à aucun autre, au point qu’il inventa une esthétique que reprendront un paquet de metteurs en scènes pendant les années 90 et 2000.

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/36/23/02/18956969.jpgAu début de sa carrière, Tony Scott pouvait être perçu comme un Michael Bay avant l’heure tant la presse spécialisée vomissait ses films à gros budgets privilégiant la technologie et la pyrotechnie plutôt que l’humain (ce qui s’est, sur le long terme, révélé assez faux). Tony Scott suivit son frère dans sa passion pour le cinéma en jouant à l’âge de 16 ans dans Boy and Bicycle, court métrage de ce dernier. Tony Scott intégra ensuite la Sunderland Art School, le Royal College of Art de Londres ainsi que le Leeds College of Arts. Ridley et Tony Scott fondèrent ensuite la RSA en 1973, une compagnie publicitaire avec laquelle ils tourneront chacun plusieurs centaines de publicité pendant près d’une décennie.

Ce fut une bonne école pour Tony Scott, bien que cette décennie lui vaudra de ses plus fervents opposants le sobriquet de « clippeur ». Son premier long métrage, il le réalise en 1983. Les Prédateurs (The Hunger) est un film de vampire lesbien dans lequel se faisaient face-à-face Susan Sarandon et Catherine Deneuve, alors aux sommets de leurs beautés (il faut aussi y ajouter David Bowie). Un film dont l’esthétique était fortement marquée par les « eighties » et qui fut par conséquent laminé par la critique internationale tout en ne remportant pas un grand succès public. Néanmoins, cet OFNI qui lui a valu son unique passage à Cannes a une certaine tendance à être revalorisé depuis quelques années.

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/36/26/94/18467245.jpgLa véritable consécration vint avec son second long métrage : le célébrissime Top Gun. Film d’action retraçant le parcours de quelques têtes brulées cherchant à devenir les plus brillants pilotes de l’air de l’armée américaine, le long métrage rencontra un succès international effarant au point d’engendrer une vague de vocations qui entraina une hausse des inscriptions dans les écoles de pilotages. Le film révéla Tom Cruise et le transforma en superstar (Cruise doit à Tony Scott toute sa future carrière). Si on ne peut nier qu’il s’agit d’un film de propagande pour la grandeur de l’armée américaine, soutien de l’US Air Force oblige, Top Gun est aussi un gros morceau d’action devenu culte. Certaines séquences iconiques sont restées gravées dans l’inconscient collectif, la BO est toujours aussi géante (pour peu qu’on soit sensible au disco kitsch) et les scènes de voltige demeurent encore indépassées. Petite touche finale : un excellent casting (Val Kilmer, Tom Skerritt, Michael Ironside, Tim Robbins ou encore Kelly McGillis) enrobe ce blockbuster de haut standing.

Tony Scott enchaina avec Le Flic de Beverly Hills 2 (Beverly Hills Cop II) avec Eddy Murphy, suite du film de Martin Brest avant un troisième épisode mis en scène par John Landis. Nouveau beau succès pour cette comédie policière qui ne reste cependant pas l’œuvre la plus marquante de son metteur en scène. Sorti en 1990, son quatrième long métrage Vengeance (Revenge), avec Kevin Costner dans le rôle-titre, ne remporta pas un succès similaire. Tony Scott avait ainsi pris la tête d’un projet qui avait vu passer des pointures comme Walter Hill, Sydney Pollack, John Huston ou encore Jonathan Demme.

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/66/59/94/18944266.jpgLa même année sortit Jours de Tonnerre (Days of Thunder), simili remake de Top Gun transposé dans le milieu automobile. On retrouve Tom Cruise dans le rôle-titre de ce film à sa gloire qu’il co-écrit avec Robert Towne (scénariste de Bonnie et Clyde). Cruise incarne une nouvelle tête brulée qui va parvenir à remporter le tournoi « Nascar » et à s’imposer comme un conducteur de légende. Le scénario est archi-classique et le film est l’un des moins aimés par les cinéphiles. Il s’agit pourtant d’un film d’action malgré tout très jubilatoire, doté d’une réalisation efficace et d’une bande-son d’Hans Zimmer absolument magistrale. Le film fut à son tour un immense succès populaire. Un de mes petits préférés, personnellement (et oui, j’assume).

Le long métrage suivant est par contre l’un de ses plus appréciés et aboutis. Il s’agit du Dernier Samaritain (The Last Boy-scout) sorti en 1991 et avec Bruce Willis dans le rôle principal. Scénarisé par le très talentueux Shane Black (à qui l’on doit Kiss Kiss Bang Bang et le futur Iron-man 3), le film suit un ancien agent-secret devenu détective privé qui se retrouve chargé de protéger une jeune strip-teaseuse nommée Cory (interprétée par Halle Berry). C’est l’occasion pour Tony Scott de travailler sous la houlette du producteur Joel Silver, alors tout puissant au début des années 90.

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/35/56/54/18407061.jpgLe film d’après ne rencontra pas sur le moment un succès populaire important. Adapté d’un scénario de Quentin Tarantino alors que ce dernier s’attelait à sa première réalisation, Reservoir Dogs, True Romance sortit en salles en 1993. Une relecture moderne de « Bonnie et Clyde », une romance criminelle à petit budget qui, par la qualité de son script et le nom de son réalisateur qui avait eu un vrai coup de foudre pour ce dernier, réunit un casting de premier choix venu parfois pour des rôles très secondaires. On retrouve autour de Christian Slater et de Patricia Arquette quelques pointures comme Gary Oldman, Val Kilmer, Tom Sizemore, Brad Pitt, Samuel L. Jackson ainsi que Dennis Hooper et Christopher Walken pour une séquence considérée comme l’une des meilleures des années 90. Là encore, c’est un combo gagnant entre un scénario aux répliques percutantes, des  interprétations inspirées, une mise en scène impressionnante et une bande son mythique. Petit succès en salle, True Romance est considéré aujourd’hui comme l’une des deux-trois œuvres les plus marquantes et abouties de Tony Scott.

Le réalisateur enchaina ensuite en 1995 avec USS Alabama (Crimson Tide), un film de sous-marin réunissant Denzel Washington et Gene Hackman. C’était un moment où les films de sous-marin étaient très à la mode entre A la poursuite d’Octobre Rouge de John McTiernan ou encore K-19 : Le Piège des Profondeurs de Kathryn Bigelow. Cette fois, c’est un vrai succès public et financier après deux œuvres plus discrètes. L’année d’après il sortit Le Fan (The Fan), opposant Robert de Niro et Wesley Snipes. Le long métrage retrace le rapport de force entre un admirateur obsessionnel et un jeune joueur de football américain. Un ouvrage très mineur, clairement imparfait, qui fit un bide à sa sortie. Clairement l’une des œuvres les plus oubliables de Scott.

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/03/95/59/039559_ph1.jpgIl se rattrapa néanmoins très vite avec un doublé assez percutant de films d’espionnage réalistes. Le premier est Ennemi d’Etat (Enemy of the State) en 1998 qui met en scène Will Smith dans l’un de ses meilleurs rôles. Il y interprète un avocat traqué par le gouvernement après qu’il soit malencontreusement tombé sur la preuve d’un complot visant, sur le long terme, à faire passer de force une très antidémocratique politique de surveillance de la population. Film d’action ultra divertissant et prémonitoire, Ennemi d’Etat est une extension un tantinet bourrine du Conversation Secrète de Francis Ford Coppola (d’une certaine manière, Gene Hackman reprenait le rôle qu’il y tenait). Un film important dans la carrière de Scott puisque c’est à partir de ce moment-là qu’il ne va plus arrêter de triturer l’image, de décortiquer ses limites, de multiplier les points de vue et les effets,… Bref, d’expérimenter son média dans des blockbusters faussement formatés.

Il continua ensuite avec Spy Game mettant en scène Robert Redford et son digne successeur Brad Pitt. Un film d’espionnage réaliste qui n’avait pas rencontré un immense succès à sa sortie en 2001. Il s’agit aussi d’un film d’époque se déroulant dans les années 70 ce qui constitue une exception dans la filmographie du cinéaste. Bien que pas forcément très remarqué ni apprécié à sa sortie, Spy Game a une certaine tendance à être revu à la hausse depuis quelques temps, au point d’en faire dorénavant une œuvre majeure dans le travail de Tony Scott.

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/35/32/57/18386145.jpgOn arrive à la dernière étape de la filmographie de Tony Scott. Celle où il a poussé l’expérimentation visuelle à son plus haut niveau. L’autre point commun de cette partie est Denzel Washington qui tient le rôle-titre de quatre des cinq films restants. Le premier fut Man on Fire en 2004, remake du film éponyme d’Elie Chouraqui sorti en 1987 et déjà adapté d’un roman d’A.J. Quinnell. Formellement très novateur et avec un Washington au sommet de sa forme, le film est scénarisé par Brian Helgeland. Le long métrage raconte la relation qui s’établit entre un garde du corps alcoolique et la petite fille (Dakota Fanning) qu’il est chargé de protéger, avant que celle-ci ne se fasse enlever. De tous ses films, Man on Fire est clairement considéré comme le plus abouti de Tony Scott. Un polar majeur de ces deux dernières décennies. L’aboutissement d’un style, d’une esthétique dans un film d’une grande intensité et d’une profonde humanité.

Tout comme Man on Fire, Domino était un vieux projet de Scott. Ce dernier est un biopic sorti en 2005 sur la chasseuse de prime Domino Harvey, un personnage marginal haut en couleurs incarné par Keira Knightley. Scénarisé par Richard Kelly, le film déçoit et déstabilise. L’expérimentation formelle est portée si loin par Tony Scott que le film parait trop lourd, sur-stylisé, un peu vain et épuisant. Tony Scott retravaille l’année suivant avec Denzel Washington avec un polar futuriste. Cela faisait quelques temps que Scott souhaitait faire un film de S.F. ; Déjà Vu est la concrétisation de ce souhait. Washington y enquête sur un attentat perpétré dans un ferry et essaye de l’empêcher en utilisant un nouveau procédé de voyage dans le temps. Une bonne partie du film se consacre d’abord aux décorticages de l’évènement afin de tout planifier, la machine ne permettant de revivre l’évènement en temps réel qu’une seule fois.

Les deux derniers films de Tony Scott ne sont pas ses plus connus. Le premier pour de bonnes raisons puisqu’il est assez oubliable. Il s’agit de L’Attaque du Métro 123 (The Taking of Pelham 123), remake des Pirates du métro de 1974. Sorti en 2009, le film oppose Denzel Washington et John Travolta dans le rôle d’un terroriste poussé à bout après avoir été ruiné par la crise financière. Sa dernière œuvre est Unstoppable, sorti en 2010. Sur un pitch de série B (un train hors de contrôle contenant une cargaison dangereuse), Scott transforme son film en Duel ferroviaire particulièrement intense. De même, il y analyse les rouages pervers de l’image médiatique omniprésente et poursuit son exploration de ces héros de l’ombre (marginaux, ouvrier,…).

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/00/02/33/30/spy1.jpgAu final, si l’œuvre de Tony Scott n’atteint pas celle d’un Kubrick (qui l’a atteinte de toute façon ?), elle n’en reste pas moins comme une filmographie suffisamment marquante pour avoir influencée près de trois décennies de cinéma américain. Un style qui a été repris voire singé par Paul Greengrass ou Michael Bay. Jamais illisible, son montage était avant tout d’une efficacité et d’une maitrise assez impressionnante. Il a inventé de nombreux effets visuels qui furent par la suite réutilisés par bon nombre de cinéastes de films d’action, d’espionnage ou de thrillers. Une œuvre qu’on a précocement considéré comme sans âme et opportuniste. Au final, il est pourtant absolument évident que Tony Scott est un « auteur » ; un titre qu’on lui refuse depuis toujours pour l’attribuer à son grand frère si brillant (alors que la filmographie de ce dernier ne contient pour le coup quasiment aucun fil rouge, que ce soit esthétique, thématique ou narratif).

Adorateur de têtes brulés et de marginaux (Top Gun, Jours de Tonnerre, True Romance, Domino), préférant s’intéresser aux hommes ordinaires voire aux prolétaires plutôt qu’aux grands héros (Ennemi d’Etat, Man on Fire, L’Attaque du métro 123, Unstoppable). Admirateur des grandes histoires d’amour impossibles (homosexuelle dans Top Gun d’après Tarantino, True Romance, Les Prédateurs). Pertinent analyste des rouages manipulateurs d’un média sur lequel il n’a cessé de travailler et d’expérimenter : l’image vidéo devenue omniprésente dans notre société technologique et paranoïaque (Ennemi d’Etat, Déjà Vu, Unstoppable)… Il a aussi eu une longue carrière de producteur au côté de son frère par le biais de la société Scott Free (on lui doit notamment les récents Le Territoire des Loups ou encore la série « Game of Thrones »). A la fois grand formaliste, entertaineur hors pairs et réalisateur intelligent capable de transcender des scripts médiocres, Tony Scott continue d’être méprisé par une critique, notamment française, qui n’a attendue que quelques heures après son suicide pour recommencer à vomir sur lui dans des nécrologies scandaleusement minables et dénuées d’argumentation (les vautours opportunistes L’Express et Télérama, pour ne pas les citer).

Certes, Tony Scott était moins grande gueule que son frère aîné et n’a pas eu la chance d’avoir un « chef d’œuvre » à son actif (alors que Ridley en compte aux moins deux précoces dans sa filmographie). Mais contrairement à ce que sous-entendait très présomptueusement le papier de Télérama, surestimant largement le pouvoir du critique, Tony Scott n’avait sûrement pas à rougir de sa carrière qui marqua la culture populaire. Personnellement, je n’échangerai pas un seul film de Tony Scott contre les vingt dernières années vides d’intérêt d’un Ridley Scott qu’on a trop souvent surévalué. L’homme au sourire jovial, à la casquette rouge et au cigare aux bords des lèvres manquera indubitablement dans le paysage actuel du cinéma américain, de plus en plus chiche en ambitions formelles et narratives lorsqu’il s’agit de réaliser un film d’action populaire.

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13 juin 2012 3 13 /06 /juin /2012 12:41

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/84/19/54/20092716.jpgIl y a eu une flopée de bandes annonces ces deux dernières semaines, principalement des premiers visuels de longs-métrages pour la plupart très attendus. Commençons d’abord par celle de Jason Bourne : l’héritage. Matt Damon ne rempilant pas dans le rôle de Jason Bourne, on demanda à Tony Gilroy, le scénariste des trois épisodes précédents, d’écrire et de réaliser un quatrième opus qui introduirait un nouvel agent « Trendstone », lié à Jason Bourne mais pas directement. Par une pirouette scénaristique, Gilroy semble avoir réussi à composer une aventure parallèle dans l’univers de Jason Bourne. En espérant que ce soit plus abouti que l’aventure parallèle dans l’univers d’Alien de Ridley Scott avec son inepte Prometheus. Les premières images dévoilent un film d’action sans « shaky cam » ni montage effréné, ce que Gilroy condamnait fermement dans les opus mis en scène par Greengrass. S’il est difficile de s’exciter plus que ça devant ces images qui sentent le réchauffé, on peut se rassurer sur le côté bourrin de la chose et l’interprétation visiblement inspirée d’un Jeremy Renner donnant de sa personne. Toujours dans les premiers aperçus en demi-teinte, il y a bien sûr la version « comédie musicale » des Misérables de Victor Hugo, réalisée par l’oscarisé Tom Hooper à qui l’on devait le sympathique mais peu marquant Le Discours d’un roi. Les premières images dévoilent une fresque d’un apparent classicisme visant les récompenses à gogo. Un film à première vue plutôt sage bien que peut-être relevé par une forte interprétation d’un Hugh Jackman que l’on n’attendait pas forcément là mais que l’on sait bon chanteur et excellent show-man. L’aguiche en elle-même n’est pas excessivement stimulante mais nul doute qu’on retrouvera ce film pendant la course aux oscars.

Un peu plus intéressant maintenant avec le prochain Disney qui sortira à la fin de l’année. Il s’agit des Mondes de Ralph, réalisé par Rich Moore qui travailla dans l’écurie Matt Groening sur les « Simpson » ou « Futurama ». Le concept est assez sympa : un méchant d’une vieille borne vidéoludique fait une dépression à force de devoir être le méchant d’un vieux jeu vidéo et décide soudain de sauter de jeux en jeux pour trouver et accomplir une quête héroïque. L’ensemble a l’air bien drôle, rythmé, assez joli. Alors que la campagne marketing ne laisse rien transparaitre de follement excitant chez le nouveau Pixar, Rebelle, Disney frappe un grand coup efficace pour un long-métrage animé qui pourrait voler une deuxième fois au studio de Lasseter en dix ans le titre de film d’animation américain de l’année. Affaire à suivre donc. Autre premier aperçu sympa avec le prochain film de Robert Zemeckis, Flight. S’il a été contrait d’abandonner ses expérimentations en performance capture pour le plus grand bonheur de cinéphiles rétrogrades, espérons que Zemeckis ne se soit pas lancé à demi-intéressé sur le projet, par simple dépit. Le sujet reste fort, Denzel Washington semble y revenir en grâce (un nouveau retour gagnant quelques mois après ceux de Liam Neeson et de Tom Cruise ?) et la mise en scène plutôt efficace. La bande annonce n’est pas forcément bien montée ni même très percutante mais elle laisse présager un excellent drame humaniste dont Zemeckis a le secret (Forrest Gump, Seul au monde). On tient là un autre possible concurrent aux oscars s’il parvient à être à la hauteur des attentes.

Et on s’attèle enfin aux deux grands morceaux. D’abord un petit mot pour The Dark Knight Rises puisque Nolan a dévoilé au cours de la cérémonie des « MTV movie awards » un quatrième trailer pas avare en nouvelles images. Catwoman (dont le nom ne sera pas prononcé pendant ce film de 2h45) est mise en avant et ces images commencent un peu à rassurer sur le choix du personnage et de son interprète Anne Hathaway (qui sera aussi dans Les Misérables). De même, quelques cours plans laissent présager un Tom Hardy bien habité au regard terrifiant. Ambiance de guerre civile destructrice pour un troisième épisode qui devrait être un peu moins « réaliste » que le précédent opus. Préparons nous à un final assez épique. L’autre gros morceau est Django Unchained de Tarantino qui a dévoilé ses premières images. S’il faut toujours se méfier des BA des films de Tarantino, accentuant toujours le caractère cool et violent du film au détriment de sa véritable ambiance (Inglourious Basterds a été là pour nous le rappeler), ce « southern » s’annonce assez jubilatoire. On est visiblement en terrain connu bien que le scénario de Tarantino devrait réserver son lot de surprises. Les images de Robert Richardson sont assez magnifiques et DiCaprio a l’air de s’en donner à cœur joie dans son premier rôle de « vrai salaud ». Sortie chez nous début janvier et fin décembre aux USA, pile pour les oscars où il devrait être un des très gros compétiteurs vu son lourd sujet (l’esclavage). Il devra d’ailleurs faire face au Lincoln de Spielberg, biopic sur cette grande figure américaine qui a interdit l’esclavage pendant son mandat de président. Son nom est Django ! Ne l’oubliez pas. Mais sachez que « le D est muet »…

 

http://4.bp.blogspot.com/_5mtfk_BzA2c/R-A73el8I2I/AAAAAAAAANs/n3TfXzoWM9U/s1600/Justice-League.jpgAprès le succès colossal d’Avengers produit par Marvel, il n’a pas fallu attendre très longtemps. La société de « comics » rivale DC entend bien réactiver son projet équivalent intitulé La Ligue des Justiciers. Il s’agit d’un pendant des Avengers qui voit la réunion de quelques uns des super-héros les plus iconiques des éditions DC parmi lesquels on compte Batman, Superman, Wonder Woman, le Flash ou encore Green Lantern. Une réunion démesurée de super-héros qui nécessitera un budget bien conséquent et un script en béton. En effet, à l’inverse d’Avengers, tous les supers-héros de la Ligue n’ont pas été introduit dans des longs-métrages précédents. Il n’y a bien que Superman et Batman qui ont eu auparavant les honneurs du grand écran. Cela impliquerait donc de les présenter pour la première fois dans un film de deux heures trente, tout en leur donnant suffisamment d’actions et d’aventures pour que le long-métrage ne paraisse pas comme la laborieuse introduction d’un second épisode. Un projet difficile qui nécessitera un très sérieux et efficace travail d’écriture, d’autant plus qu’une menace à combattre devra elle aussi être introduite et trouver sa place dans ce court délai de temps. L’homme choisi pour cela est le jeune scénariste « hype » du prochain Gangster Squad, Will Beal.

Le projet est donc bien réanimé et on parle de préparer en parallèle des longs-métrages sur Wonder Woman (très longtemps repoussé, Refn s’était dit très intéressé par le projet) et sur Green Lantern dont la première adaptation cinématographique avait particulièrement déçu. George Miller (Mad Max, Happy Feet) n’est visiblement pas impliqué. Il avait été à deux doigt d’en réaliser une adaptation il y a quelques années, dont le script était parait-il excellent, mais le budget avait effrayé les producteurs. Il s’agit alors d’un tout nouveau projet et on ignore qui sera à la barre et s’il adoptera l’atmosphère « réaliste » et « sombre » des Batman de Nolan et du futur Man of Steel de Zack Snyder. A noter que ces derniers, ayant les traits de Christian Bale et d’Henry Cavill, ne rempileront pas et que ce devrait être ainsi de nouveaux Batman et Superman qui apparaitront dans La Ligue des Justiciers. Le film n’est cependant pas prévu avant au moins quatre à cinq ans.

Des nouvelles de Christopher Nolan sont apparues dernièrement puisque son The Dark Knight Rises approche à grands pas et que la question de son futur et de ses projets à venir commencent à se poser vu qu’il a récemment déclaré qu’il ne reviendrait plus sur Batman et l’histoire de Bruce Wayne qu’il n’avait prévu que sous la forme d’une trilogie. What’s next ? D’abord il semblerait de plus en plus intéressé à l’idée de mettre en scène un James Bond et aurait même déjà contacté les détenteurs de la franchise afin de discuter de ses idées. Néanmoins cette réunion ne devra se faire qu’au moment opportun selon Nolan, façon détournée de dire qu’il préfère attendre que Daniel Craig passe la main pour mieux introduire une nouvelle vision du personnage en même temps qu’un nouvel acteur comme il l’avait fait avec Batman. L’affection de Nolan pour l’agent secret 007 est perceptible depuis plusieurs films, son personnage de Bruce Wayne en ayant hérité quelques caractéristiques (Morgan Freeman interprète un sorte de Q dans la trilogie, par exemple), mais aussi et surtout dans Inception où une séquence de ski faisait notamment référence à celle d’Au service secret de sa majesté. Au passage, signalons le fait amusant que DiCaprio, qui jouait le rôle principal d’Inception, était le choix initial de la Warner qui souhaitait qu’il interprète l’Homme Mystère dans le dernier opus de la trilogie. C’est finalement l’immense Tom Hardy qui incarnera le méchant Bane. DiCaprio qui avait aussi interprété Howard Hugues, le producteur mégalo dans Aviator de Martin Scorsese qui s’intéressait plutôt à la première moitié de sa vie. Nolan portait depuis longtemps un biopic sur le personnage en insistant plus sur les névroses qui ont pris son contrôle dans la seconde moitié de sa vie. Le scénario était selon Nolan ce qu’il avait écrit de plus abouti et il avait lancé le projet avec Jim Carrey dans le rôle-titre. Hélas, le film de Scorsese arriva avant et enterra un temps le projet. Après Inception, on avait cru que Nolan réemploierait DiCaprio pour ce projet afin de faire un faux dyptique sur Howard Hugues avec un même acteur l’interprétant avec dix années d’écart. Mais Nolan a récemment avoué qu’il ne croyait plus que le projet puisse être monté et qu’il le remettait dans ses tiroirs pour une durée indéterminée. Jusqu’à quand ?

 

http://images.allocine.fr/r_760_x/medias/nmedia/18/69/69/81/19514273.jpgEmma Watson s’ajoute au casting de Noah, le prochain film de Darren Aronofsky (Requiem of a Dream, Black Swan et qui avait été pendant quelques temps prévu à la place de Nolan pour rebooter la franchise Batman). Le film, comme son titre l’indique, retracera le parcours de Noé pour la création d’une Arche alors que le Déluge s’apprête à s’abattre pour détruire l’humanité. Elle y incarnera Ila dont le fils de Noé, Sem, tomba amoureux. Ce blockbuster apocalyptique à morale « écologique » sortira en mars 2014 aux Etats-Unis avec un tournage débutant cet été. Russell Crowe y incarnera Noé, et devrait être accompagné de Jennifer Connelly, Douglas Booth ainsi que de Logan Lerman (Percy Jackson). Ray Winstone pourrait allonger le casing mais la présence de Saoirse Ronan n’est plus aussi certaine que quelques  semaines auparavant. On ne sait pas si Emma Watson jouera dans Your Voice in My Head, drame sur une  jeune journaliste dépressive et un psychiatre qui devait aussi être mis en scène par David Yates cet été avant que ce dernier ne s’en aille. Elle aura cependant un des rôles principaux, au côté de Logan Lerman justement, dans Perks of Being a Wallflower et aura un petit rôle dans le film The End of the World de et avec Seth Roger (ainsi que Jay Baruchel, James Franco, Jonah Hill, Danny McBride, Jason Segel, Rihanna et Michael Cera) prévu pour 2013. Elle tourne actuellement The Bling Ring de Sofia Coppola.

La science-fiction pessimiste et violente comme on en faisait de temps à autres dans les années 80 revient à la mode. Après les remakes de Dredd et de Total Recall, c’est au tour du mythique Robocop de subir un lifting par quelques producteurs opportunistes et trop frileux pour miser sur autre chose qu’une licence connue. Longtemps attribué à Darren Aronofsky puis refilé à José Padhilla, metteur en scène brésilien des deux intenses et réussis Tropa de Elite, le reboot/remake de Robocop (soyons prudent avec ces termes utilisés par les majors afin d’embrouiller les nombreux réfractaires à leurs projets) essaye de mettre le plus d’atouts dans sa poche. Outre un metteur en scène plutôt talentueux dans l’action, la violence et la dénonciation de la corruption, correspondant plutôt bien au profil, il y a un casting assez séduisant qui est en train de se former. Le jeune acteur peu connu Joel Kinnaman incarnera le flic-robot mais sera surtout accompagné d’Abbie Cornish (Bright Star, Sucker Punch) qui en interprètera la femme, Samuel L. Jackson, Gary Oldman ainsi que Hugh « Dr House » Laurie qui prêtera ces traits au méchant du long-métrage. Reste à espérer que le film se démarquera suffisamment de la version du « Hollandais violent » ; ce dernier peinant d’ailleurs à trouver un nouveau projet cinématographique à monter. Le film ne sortira pas avant au moins l’été prochain.

Toujours au niveau des annonces de casting alléchantes, deux « légendes » de la boxe vont enfin se faire face à face. D’un côté du ring il y aura Robert « Jack LaMotta » de Niro (Raging Bull pour lequel il a été oscarisé) ; de l’autre il y aura Sylvester Stallone (la série Rocky pour laquelle il avait obtenu l’oscar du meilleur scénario). La rencontre se fera à l’occasion de Grudge Match, un long-métrage relatant le dernier combat sur le ring de deux ennemis vieillissants. Le scénario est écrit par Doug Ellin et serait plus orienté du côté de la comédie. Mais il va falloir patienter car l’agenda des deux poids lourds est très rempli. Stallone sera cet été à l’affiche de l’attendu The Expendables 2 et tourne actuellement The Tomb au côté de Schwarzenegger tandis que de Niro sera sur les écrans avec le thriller fantastique Red Lights avec Sigourney Weaver et Cillian Murphy et s’apprête à tourner dans le prochain film de Luc Besson avec Michelle Pfeiffer. Les deux acteurs avaient déjà joué ensemble dans le film de 1997, Copland

 

http://images.allocine.fr/r_760_x/medias/nmedia/18/36/21/61/18868856.jpgTarsem Singh avait impressionné avec ses premières réalisations, dont The Fall, mais ses derniers longs-métrages ont laissé un gout d’inachevé et d’assez anodin (Les Immortels, Blanche Neige). Mais cela fait quelques années qu’il poursuit le projet d’un long-métrage sur Marco Polo, fameux marchand vénitien du XIIIème siècle qui a parcouru toute l’Asie. Quoi de mieux qu’un film sur l’un des plus grands symboles de la relation Occident/Orient pour cette coproduction américano-chinoise ? D’autant plus que Singh est d’origine indienne et laissera sans aucun doute exprimer ses influences orientales. Le projet vient en effet de recevoir un coup de pouce car, si on ne sait pas qui incarnera Marco Polo (aux prémices du projet on parlait de Matt Damon), on sait dorénavant que Gong Li (Miami Vice) sera de la partie. A noter que le phénomène de coproductions cinématographiques entre les USA et la Chine se multiplie, montrant que le marché asiatique est dorénavant bien perçu par les majors comme non négligeable. L’exemple du prochain Iron Man 3 peut ainsi en attester.

Spike Jonze revient à la réalisation après Max et les Maximonstres sorti fin 2009, au moment où une vague bleue extraterrestre déferlait sur les grands écrans au détriment de ce dernier. On ne sait pas encore exactement de quoi il s’agira si ce n’est que ce sera une romance scénarisée par Charlie Kaufman où un homme tombe amoureux d’une voix qui n’est autre que celle de son ordinateur. Il va alors partir à la recherche de la mystérieuse demoiselle qui se cache derrière. Le casting est de toute beauté puisque le personnage principal sera incarné par Joaquin Phoenix, qui fait son grand retour cette année avec The Master de Paul Thomas Anderson et Low Life de James Gray. Il sera très bien accompagné  avec Rooney Mara, Amy Adams, Olivia Wilde et Samantha Morton. Le film ne devrait pas sortir avant fin 2013.

En parlant de retour, touchons un mot sur la sequel longtemps repoussée des Promesses de l’ombre de David Cronenberg. Le film est écrit par le scénariste du premier, Steven Knight, et devrait être enfin réalisé par celui-ci. Viggo Mortensen et Vincent Cassel sont presque confirmés dans leurs rôles respectifs ; la présence de Naomi Watts est possible bien que pas encore certaine. Reste maintenant à savoir s’il y aura une nouvelle séquence dans les bains turcs.

 

http://images.allocine.fr/r_760_x/medias/nmedia/18/74/29/91/19481347.jpgLes réalisateurs de Tempête de boulettes géantes et de 21 Jump Street continuent leur petit bonhomme de chemin. Ils sont maintenant à la tête de l’adaptation de « Carter Beats the Devil » écrit par Glen David Gold en 2001. Depuis près d’une décennie, Hollywood a tenté d’adapter l’ouvrage, notamment Tom Cruise qui souhaitait en interpréter le premier rôle dans un scénario du grand Robert Towne (le script de Bonnie et Clyde). L’adaptation avait même été tentée dans un format de série à la télé, mais sans succès. L’histoire se déroule dans les années 20 et suit Carter, un magicien ayant réellement existé, qui fait un tour de magie impliquant le président de l’époque, Warren G. Harding. Ce dernier est retrouvé mort peu après et tous les soupçons se portent alors sur le magicien. L’histoire fictive est pleine de noms ayant vraiment existés dont Houdini ou encore les Marx Brothers. Un livre complexe à adapter mais cela ne devrait pas être trop difficile pour le duo qui a su tirer de beaux longs-métrages à succès d’un livre décalé pour enfants puis d’une série TV kitsch. En attendant, Miller et Lord s’attaquent à un film d’animation en image de synthèse sur les Lego. Le résultat devrait être inventif et inattendu.

George Clooney poursuit sa carrière de metteur en scène après l’excellent Good Night and Good Luck ou encore l’assez intéressant Les Marches du Pouvoir. Il s’apprête à porter à l’écran l’article du « New Yorker » intitulé « The Yankee Commandante » qui relatait le parcours de l’américain William Alexander Morgan ayant participé au coup d’état cubain en 1952. Il est le seul étranger avec Che Guevara à avoir été « Commandante » de l’armée révolutionnaire. Il fut plus tard emprisonné et condamné à mort car on le soupçonnait de travailler pour la CIA.

Stephen King a toujours la côte. Quelques uns de ses plus fameux ouvrages avaient été réalisés par des metteurs en scène de talent comme Kubrick (Shining), Brian de Palma (Carrie), David Cronenberg (Dead Zone) ou encore John Carpenter (Christine). Dernièrement c’était le très surestimé Ron Howard qui tentait de monter avec Javier Bardem une adaptation  de sa monumentale œuvre intitulée « La Tour Noire » sous forme de trilogie accompagnée d’une série télévisée. Un projet depuis bien repoussé, peut-être même annulé, ce qui avait permis à Bardem de jouer le « bad guy » du prochain James Bond, SkyFall de Sam Mendes. II y avait aussi eu David Yates (les quatre derniers Harry Potter) puis Ben Affleck qui avait tenté d’adapter l’imposant roman « Le Fléau ». Récemment c’est le talentueux jeune réalisateur Cary Fukunaga (Sin Nombre et Jane Eyre, ce dernier n’étant toujours pas encore sorti en France) qui pourrait mettre en scène un dyptique adaptant les trois romans « Ca ». Fukunaga va écrire pour Warner Bros une nouvelle version d’un script élaboré par Dave Kajganich (qui bossait déjà sur l’adaptation du « Fléau » et le remake de Simetierre). Cary Fukunaga sera aidé par Chase Palmer avec qui il avait déjà collaboré sur No Blood, No Guts, No Glory, un film de cambriolage pendant la Guerre de Sécession dont le scénario original était parait-il assez excellent puisqu’il figurait sur la « black list » annuelle des meilleurs scripts sans producteur. Fukunaga doit réaliser ce dernier d’abord et a mis en scène la série HBO « True Detective » avec Matthew McConaughey et Woody Harrelson.

 

L’image de ces deux dernières semaines n’est autre que la première photo officielle du prochain long-métrage de Guillermo Del Toro. Celui-ci revient de loin puisque aucun de ses projets n’a abouti depuis le magnifique Le Labyrinthe de Pan en 2006. Pendant ce laps de temps de six ans, il a tenté de monter l’adaptation de Bilbo le Hobbit produite par Peter Jackson. Sans succès, il finit par céder sa place à Jackson lui-même qui reprit les rênes de son bébé, et parvint enfin à le sauver des limbes du « développement hell » avec une première partie sortant en décembre prochain. Dépité, Del Toro crut voir l’opportunité de relancer son plus cher projet : une adaptation des « Montagnes Hallucinées » de Lovecraft. Produite par James Cameron et avec Tom Cruise dans le rôle principal, ce film de S.F. horrifique et pessimiste à gros budget et en 3D fut à deux doigt d’être lancée quand Universal, inquiète après une longue succession de flops douloureux, fit marche arrière. Del Toro, de nouveau dépité et ayant récemment annoncé être sur le point de renoncer à son projet depuis la sortie du lamentable Prometheus qui repompe un certain nombre d’idées à l’histoire de Lovecraft (on espère qu’il changera d’avis vu la pauvre qualité du film de Scott), se lança alors sur ce Pacific Rim, blockbuster S.F. relatant la lutte de l’humanité contre des monstres géants à l’aide de mécha gigantesque, rendant ainsi hommage à tout un pan de la culture japonaise. Tom Cruise fut un temps prévu pour le film mais ce fut Idris Elba qui prit sa place. Ce dernier revient de loin en ayant enchainé quelques blockbusters hasardeux. Mais on ne peut lui enlever d’arriver à rester étonnamment crédible et charismatique dans les rôles les plus saugrenus (un dieu nordique dans Thor, un prêtre noir français alcoolique et aveugle dans Ghost Rider 2 ou encore un pilote amateur d’accordéon dans Prometheus). L’acteur de « The Wire » se dévoile ici dans son armure de combat. De quoi donner une toute petite idée du caractère « bad-ass » et incroyablement jouissif de ce long-métrage dont le scénario, contrairement à ce que le pitch laisse paraitre, serait loin d’être mauvais. Del Toro retrouvera-t-il la baraka auprès des producteurs avec un gros succès au box office ? Pourra-t-il relancer Les Montagnes Hallucinées ? Réponse l’été prochain :

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28 mai 2012 1 28 /05 /mai /2012 20:57

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/90/20/58/20085723.jpgUn court compte-rendu de Cannes pour commencer. A partir des nombreux rapports des journalistes présents sur place, on peut déjà dire que la compétition a plutôt déçu et qu’hormis deux ou trois longs-métrages (le Haneke, le Léos Carax ou encore le Audiard) aucun film n’a vraiment fait l’effet d’une bombe cinématographique. Dimanche dernier, le jury présidé par Nanni Moretti a tranché. Le moins que l’on puisse dire c’est que les récompenses sont à la hauteur de la compétition : très décevantes, parfois incompréhensibles. La Palme revient ainsi à Amour de Michael Haneke (trois ans après Le Ruban Blanc) pour un film sur la vieillesse qui devrait donner un coup de boost à la vente de Prozac.  Le grand Prix revient à l’inégal (parait-il) Reality de Matteo Garrone tandis que le Prix du Jury revient à un long-métrage (parait-il) assez mineur de Ken Loach, La Part des Anges. Le prix d’interprétation masculine revient à Mads Mikkelsen pour le film descendu en flammes La Chasse de Thomas Vinterberg tandis que le prix d’interprétation féminine revient à égalité à Cosmina Stratan et Cristina Flutur, deux actrices d’Au-delà des collines de Cristian Mungiu (qui a aussi reçu le prix du scénario). Enfin, le film du mexicain Carlos Reygadas, le (de nouveau parait-il) peu convaincant Post Tenebras Lux, succède à Drive pour le prix de la mise en scène (ce qui, au vu du teaser, semble assez regrettable puisque le film parait filmé à travers le cul d’une bouteille). En l’état donc, pas de promotion d’un nouvel auteur puisque trois anciens palmés ont été récompensé et un ancien Grand Prix a eu de nouveau un Grand Prix. D’autant plus que des soupçons de copinage apparaissent déjà, quatre des films récompensés étant produits ou distribués par la société « Le Pacte »,… la société qui a produit la plupart des longs-métrages de Nanni Moretti.

Ces deux dernières semaines a vu le dévoilement de trois bandes annonces des long-métrages les plus attendus de l’année. Des bandes annonces d’autant plus importantes qu’elles sont toutes les trois les premiers aperçus de ces projets. Il y a d’abord un surprenant teaser du The Master de Paul Thomas Anderson qui ne dévoile pas grand-chose du sujet du film (qui serait bien en fait la création de la scientologie) mais qui révèle une photographie surprenante mais surtout un Joachim Phoenix enfin de retour et apparemment très habité. Grosse performance en prévision. Autre premier aperçu avec la nouvelle adaptation de « Gatsby le Magnifique », célébrissime roman de F. Scott Fitzgerald, par Baz Luhrmann. Les détracteurs de ce dernier ne devraient pas apprécier puisqu’il renoue avec son esthétique toc et outrancière de Romeo + Juliette et Moulin Rouge. Pas sûr que cela corresponde au roman mais le film en 3D risque d’être visuellement assez impressionnant, d’autant plus que la nouvelle réunion Luhrmann et DiCaprio est forcément attendue. The Master et The Great Gatsby sortiront en fin d’année.

Il y a enfin surtout eu le premier court teaser du prochain James Bond SkyFall de l’oscarisé Sam Mendes (American Beauty, Les Sentiers de la Perdition). Près de quatre ans après le décevant Quantum of Solace, Bond est de retour pour un cinquantième anniversaire que l’on espère d’anthologie. Encore une fois, conformément à la discrétion du tournage désormais achevé qui s’est en grande partie déroulée derrière les murs protégés des studios Pinewood, peu de choses ont filtré au sujet de l’intrigue. Le méchant principal incarné par Javier Bardem n’est pas encore montré et n’apparait qu’en tant que simple silhouette menaçante sur fond de flammes infernales. L’ambiance qui s’en dégage est à la fois sombre et mélancolique et la magnifique photographie de Roger Deakins transparait déjà de ce teaser dont quelques uns des plans constituent rien de moins que quelques unes des images les plus belles et iconiques de toute cette série de vingt-trois épisodes. Le 26 octobre prochain, le ciel tombera sur la tête d’un James Bond mis à l’épreuve et plus torturé que jamais.

 

http://images.allocine.fr/r_760_x/medias/nmedia/18/76/96/37/19517889.jpgIsabelle Huppert continue d’étoffer sa filmographie déjà incroyablement riche en y ajoutant deux nouveaux projets. Le premier est le prochain film de Marco Bellochio (Vincere) intitulé La Bella Addomentata. Inspiré de l’histoire vraie d’Eluana Englaro qui fit polémique, le film aura pour sujet central la question de l’euthanasie. En effet, Eluana avait été victime en 1992 d’un accident de voiture qui l’avait laissé dans un état végétatif irréversible et son père, certain du choix qu’elle aurait fait, lutta pour lui accorder le droit de mourir. Huppert devrait aussi participer au remake du Suspiria de Dario Argento que le réalisateur David Gordon Green porte depuis de nombreuses années. Elle sera entourée d’Isabelle Fuhrman (Esther), qui remplace Natalie Portman qui avait pendant longtemps conservé le rôle principal, Michael Nyqvist (Millenium, Mission Impossible 4), Janet McTeer et Antje Traue. Le tournage de ce remake polémique commencera en septembre prochain. Huppert sera enfin sur les écrans notamment dans le prochain film d’Hong Sang-soo présenté à Cannes, In Another Country, et le nouveau thriller de Niels Arden Oplev (trilogie suédoise de Millenium), Dead Man Down, avec Noomi Rapace et Colin Farrell. 

Le casting du prochain long-métrage de Jean-Pierre Jeunet commence à prendre forme. Adapté du roman « L’Extravagant Voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet » de Reif Larsen, ce film en langue anglaise et en 3D intitulé The Young and Prodigious Spivet verra les actrices Helena Bonham Carter et Kathy Bates tourner devant la caméra du réalisateur français le plus courtisé par les Anglo-américains (il avait été approché pour Harry Potter et l’Ordre du Phoenix, Life of Pi ou encore Blanche Neige). Le tournage de ce film relatant le voyage d’un jeune cartographe de 12 ans à travers les Etats-Unis pour recevoir le prix Baird au musée Smithsonian à Washington aura lieu à partir de cet été pour une sortie prévue vers octobre 2013.

Le réalisateur Lee Daniels (Precious et le peu apprécié à Cannes The Paperboy) va bientôt collaborer à nouveau avec Matthew McConaughey pour The Butler. Adapté d’un article du Washington Post, le film retracera le parcours du majordome noir à la Maison Blanche, Eugene Allen, qui a été au service de pas moins de huit présidents. Forest Whitaker incarnera le rôle principal tout en étant entouré d’une flopée d’acteurs reconnus : Oprah Winfrey incarnera la femme d’Allen, Alan Rickman jouera Ronald Reagan, Jane Fonda sera la femme de Reagan, John Cusak pretera ses traits à Richard Nixon, Matthew McConaughey interprètera John F. Kennedy, tandis que Minka Kelly a été choisie en tant que Jacqueline Kennedy. Le casting se complètera avec Cuba Gooding Jr, Terrence Howard, Lenny Kravitz et peut-être même Nicole Kidman. Attention donc au rouleau compresseur avec ce film au sujet grave (la lutte des Droits Civiques) réalisé par le maître de la subtilité Lee Daniels qui ne peut s’empêcher d’en rajouter une certaine couche dans le putassier. Après avoir signé le film misérabiliste ultime, il s’apprête ainsi à mettre en scène le film à oscars suprême (non pas un, ni deux mais au moins cinq rôles biographiques à oscars avec des tonnes de maquillage en prime). Le tournage de ce film scénarisé par Daniels devrait débuter à partir de fin juin.

 

http://images.allocine.fr/r_760_x/medias/nmedia/18/78/11/45/20075766.jpgJohn Hillcoat, qui était à Cannes pour Des hommes sans loi (autrefois connu sous le titre Lawless), devrait ensuite réaliser un de ses vieux projets, Triple Nine. Il s’agit d’un film policier qui mettra en scène un groupe de flics corrompus qui se retrouvent piégés dans un engrenage infernal après avoir fait un énorme casse. L’unique façon de s’en sortir : tuer l’un des leurs. La cible alors désignée est un jeune officier qui devrait être incarné par Shia LaBeouf. Le film est produit par la jeune productrice héritière Megan Ellison qui avait déjà sauvée à temps Lawless et qui peut déjà se vanter de soutenir (voire de sauver) financièrement quelques films d’auteurs « peu connus » tels True Grit des frères Coen, The Master de Paul Thomas Anderson, Zero Dark Thirty de Kathryn Bigelow ou encore Cogan – la mort en douce de Dominik. L’artiste Nick Cage, qui a travaillé sur la plupart des longs-métrages de Hillcoat, devrait revenir pour composer la musique.

Le prochain film de David Cronenberg (autre concurrent à Cannes) après Cosmopolis devrait être Map to the Stars, un thriller assez sombre sur l’univers d’Hollywood écrit par Bruce Wagner. Il s’agira du premier film de Cronenberg tourné aux Etats-Unis, à Los Angeles pour être plus exact, et pour l’occasion il retrouvera Robert Pattinson ce qui promet ainsi une belle mise en abime de la « star system ». Pattinson qualifie aussi le film d’« étrange » et précise néanmoins qu’il ignore encore quand le tournage débutera. Ce dernier tournera aussi dans le prochain film du français Jean-Stéphane Sauvaire intitulé Mission : Black List au sujet de la traque de Saddam Hussein notamment par le militaire Eric Maddox.

Cela fait plus d’une décennie que Peter Bogdanovich (La Dernière Séance) n’a pas tourné un film. Il s’apprête cependant à réaliser Squirrel to The Nuts avec Owen Wilson, Olivia Wilde et Brie Larson. Ce long-métrage  produit par Wes Anderson et Noah Baumbach (Greenberg) suivra un metteur en scène de Broadway qui découvre une jeune actrice ayant un passé de prostituée. Le film n’a pas encore de financement et cherche par conséquent encore une date de début de tournage.

 

http://images.allocine.fr/r_760_x/medias/nmedia/18/83/04/76/19821586.jpgD’autres réalisateurs reconnus viennent de dévoiler quelques uns de leurs nouveaux projets. Il y a d’abord Luc Besson (Nikita, Léon, Le Cinquième Elément) qui semble avoir abandonné l’idée de la retraite ainsi que son mystérieux film de S.F. à gros budget. Après Michelle Yeoh dans The Lady, Besson va faire tourner Robert de Niro dans Malavita. Cette adaptation du roman éponyme de Tonino Benacquista suivra un vieux gangster qui bénéficie d’un programme de protection des témoins et qui se retrouve caché en Normandie. Mais tout ne va évidemment pas aussi bien se passer que prévu.

Il y a aussi l’australien Peter Weir (Truman Show, Master & Commander) qui avait mis près de dix ans à réaliser un nouveau film avec l’excellent Les Chemins de la liberté. L’écart avec son prochain long-métrage devrait être moins grand puisqu’il mettra en scène le thriller gothique The Keep, que l’on peut traduire par le « donjon », et qui sera ainsi adapté du roman du même titre de Jennifer Egan. Le scénario écrit par Weir suivra deux cousins américains qui se retrouvent pour réparer un château médiéval assez mystérieux et angoissant. Le tournage de cette production à 30 millions d’euros débutera en Europe au printemps 2013.

Le metteur en scène Werner Herzog (Aguirre – la colère de Dieu, Fitzcarraldo) pourrait bien damer le pion à Ridley Scott puisqu’il devrait réaliser avant lui un biopic sur la fameuse exploratrice anglaise Gertrude Bell. Queen of the Desert devrait être une épopée avec quelques accents du fameux Lawrence d’Arabie. Naomi Watts incarnera le rôle de cette exploratrice, écrivaine, archéologue et cartographe du début du XXème siècle. Cette dernière joua un rôle important dans la fondation d’Etats comme l’Iran ou la Jordanie, et elle eut une certaine influence politique au Moyen Orient. Le tournage pourrait débuter en automne prochain, compromettant ainsi le projet de Scott, avec Angelina Jolie dans le rôle principal, qu’il entendait mettre en scène après The Counselor et avant la sequel de Blade Runner.

 

http://www.gizmodo.fr/wp-content/uploads/2011/03/bladerunner_f.jpgRidley Scott se réattelle aux univers qu’il a popularisé au début de sa carrière. Après avoir fait sa « prequel qui n’en serait pas une » d’Alien avec Prometheus, et après avoir mis en scène le script de Cormac McCarthy The Counselor avec Michael Fassbender, Javier Bardem et Brad Pitt, Scott s’attèlera à une « sequel qui n’en serait pas une » de son immense chef d’œuvre Blade Runner. Hampton Fincher, le scénariste de ce dernier, est actuellement en train de travailler avec Scott sur la future histoire qui mettra cette fois en scène un premier rôle féminin, ce qui ne devrait pas permettre un retour d’Harrison Ford (ce qui n’est pas plus mal car cela évitera de répondre à la fameuse question de la « nature » de Deckard). Néanmoins, Scott a dévoilé son désir d’inclure le personnage de Deckard et donc d’une certaine manière Ford dans l’histoire, mais il n’en serait pas le nœud principal.

Au sein de cette jeune génération de cinéastes récemment découverts, le fils de David Bowie, Duncan Jones, est l’un des plus prometteurs. Il avait été révélé par le brillant film de S.F. Moon, qui n’avait pas eu le droit à une distribution dans les salles françaises, puis avait confirmé l’essai avec le film concept un peu moins abouti mais malgré tout assez jubilatoire, Source Code. On peut aussi noter sa côte de popularité par le fait que Duncan Jones apparaisse assez régulièrement sur les listes des studios pour de gros blockbusters comme Man of Steel, The Wolverine ou encore récemment la suite de Hunger Games. Bien qu’il essaye de monter son projet de S.F. en hommage à Blade Runner, intitulé Mute (le personnage principal étant muet, ce qui n’aide pas au financement de ce film), il semblerait que celui-ci mette son développement en « stand-by » pour privilégier un autre projet qui l’obligera à changer de registre. Il ne s’agit en effet pas d’un long-métrage futuriste mais plus d’un thriller historique. Celui-ci sera basé sur la biographie écrite par Andrew Lycett « Ian Fleming : The Man Behind James Bond ». Le film se concentrera ainsi sur le fameux écrivain qui créa 007 à partir de 1953 et son premier roman « Casino Royale ». Il fut un espion pendant la Seconde Guerre mondiale et il s’inspira de son expérience pour créer l’univers du plus célèbre des agents secrets. Le long-métrage s’intéressera sur l’interconnexion entre les deux hommes et dévoilera que les aventures de Flemming n’étaient pas si éloignées de celles de Bond. Le casting est en cours afin que le tournage débute avant la fin de l’année. Il faut noter qu’un autre biopic sur Fleming avait essayé d’être mis sur les rails avec Leonardo DiCaprio à la production et dans le rôle titre.

Quatre années après l’épopée historique et guerrière Les Trois Royaumes, film mutilé au montage à sa sortie dans les salles françaises, John Woo semble avoir enfin trouvé son prochain projet. Il s’agirait d’un remake en langue anglaise du film La Jeunesse de la bête de Seijun Suzuki sorti en 1963. Woo coproduira ce film au côté du studio Nikkatsu Corporation, le plus vieux studio japonais qui fête actuellement son centenaire. Le long-métrage de Suzuki suivait un yakuza que deux clans ennemis souhaitent recruter. Woo revient ainsi au film d’action qui l’a fait connaitre et retourne au cinéma anglophone qui ne lui avait pas été très favorable après son décevant Paycheck en 2003. Il ne reste qu’à espérer que ses Trois Royaumes lui aient redonné la baraka.

 

http://images.allocine.fr/r_760_x/medias/nmedia/18/83/30/69/19682209.jpgLes studios américains n’ont pas l’intention de réitérer le Noël catastrophique de l’année précédente où les blockbusters Millenium, Cheval de Guerre, Tintin ou encore Nouveau Départ s’étaient battus pour grappiller les morceaux du box office ; lutte où aucun film était ressorti indemne financièrement. Petit problème : la période entre le 19 et le 25 décembre devrait pourtant être encore pire puisqu’il réunira Zero Dark Thirty de Kathryn Bigelow (le film sur la traque d’Oussama Ben Laden), This is Forty de Judd Apatow (long-métrage mettant en scène des personnages secondaires d’En Cloque – mode d’emploi), l’adaptation d’une nouvelle de « Jack Reacher » par McQuarrie et avec Tom Cruise dans le rôle titre, le prochain Tarantino Django Unchained et The Great Gatsby de Baz Luhrmann avec pour les deux DiCaprio, ainsi que Life of Pi d’Ang Lee. Ce dernier fait ainsi un mouvement plus astucieux en avançant sa sortie d’un mois, le 21 novembre, une place plus libre depuis les reports de 47 Ronin et surtout, de façon fort regrettable, de Gravity d’Alfonso Cuaron (tout deux ne sont pas prévus avant 2013). Un changement de date qui ne devrait en rien enlever le statut de compétiteur à oscar au film de Lee qui a sérieusement impressionné il y a quelques semaines en dévoilant ses premières images à une petite portion du public.

James Franco sait bien s’entourer. Il a dans sa besace deux anthologies prévues sur deux grandes figures de la poésie : C.K. Williams dans Tar et Stephen Dobyns dans Black Dog, Red Dog. Il s’agit d’un projet pour des étudiants de cinéma dont quelques uns, ayant réussi un concours, pourront réaliser un court-métrage sur l’un des poèmes de ces deux auteurs (réunis ensuite dans l’une des deux anthologies). La plupart d’entre eux sont déjà tournés et réunissent notamment Jessica Chastain, Mila Kunis (toutes deux dans Tar), Olivia Wilde, Chloe Sevigny et Whoopi Goldberg. Du beau monde pour cette initiative dont les bénéfices serviront à la création et production d’autres projets du genre.

James Franco a d’ailleurs un lien avec la photo de la semaine, même si on ne le voit pas. Il s’agit du nouveau film d’Harmony Korine (Julien Donkey-Boy, Mister Lonely et scénariste de Ken Park) intitulé Spring Breakers. Le concept est des plus alléchants (surtout pour le public masculin) : quatre jeunes filles tentent de faire un braquage pour financer leur « spring break » (fête traditionnelle américaine où l’alcool et le sexe sont omniprésents) mais elles se font prendre et sont envoyées en prison. Là, elles rencontrent un dealer de drogue (Franco) qui les aide à sortir en l’échange de quelques services. Le spring break étant ce qu’il est, et les photos du projet n’ayant pas démenti l’idée suivante, les quatre jeunes actrices (Vanessa Hudgens, Selena Gomez, Rachel Korine et Ashley Benson) semblent être en bikini pendant toute la durée du film. Ambiance sulfureuse et polémique pour ce film dont les premières images ont plutôt impressionné les chanceux qui ont pu y jeter un coup d’œil lors du Festival de Cannes. Qui a dit que James Franco était un homme très chanceux ?

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