Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
12 mars 2010 5 12 /03 /mars /2010 22:19

                                                        SND

 - Film américain sorti le 23 septembre 2009 (ressortie le 10 mars 2010)

 - Réalisé par Kathryn Bigelow

 - Avec Jeremy Renner, Anthony Mackie, Brian Geraghty,…

 - Guerre, Drame, Action

          Bagdad. Le lieutenant James est à la tête de la meilleure unité de déminage de l'US Army. Leur mission : désamorcer des bombes dans des quartiers civils ou des théâtres de guerre, au péril de leur vie, alors que la situation locale est encore explosive...

  

Jeremy Renner. SNDSND

          Profitant de la re-sortie de Démineurs qui a suivi son sacrement aux oscars, je brise un court moment ma chronologie pour faire la critique de ce film sorti bien trop discrètement en septembre dernier.

          Le long-métrage de Bigelow est plutôt un film convaincant sur la guerre en Irak même s'il n'aborde pas frontalement le conflit. Mais il arrive pleinement à en restituer une atmosphère de chaos et d'incertitudes, nous amenant, tout comme les soldats du film, à rester constamment sur nos gardes, le danger pouvant venir de n'importe où. C'est là où la réalisation « caméra à l'épaule » de Bigelow réussit à prendre tout son sens puisqu'elle permet une installation des décors dans chaque séquence rendant ainsi le déroulement de l'action beaucoup plus clair, surtout lorsqu'elle est montrée avec de constants changements de points de vue. Le désavantage est que cette réalisation finit par prendre un coté quelque peu classique et impersonnel puisqu'il reprend, encore une fois, le parti de montrer la guerre (surtout celle en Irak) par le biais du « faux-documentaire pris sur le vif ». Mais la mise en scène est très maîtrisée, et c'est toujours très satisfaisant de voir une femme autant à l'aise dans un genre habituellement si masculin et qui est même supérieure à bien de ses confrères. La représentation du mode de vie de ces soldats en Irak est réaliste, précise et accentue particulièrement le côté viril, intense de cette vie (beuveries, concours de coups de poing, montée forte d'adrénaline sur le terrain et lors des déminages,...) tout en soulignant paradoxalement l'aspect aussi très répétitif de ce métier (longue attente, mission, longue attente, de nouveau en mission,...).

          Cependant le principal défaut, plutôt de taille, pour Démineurs est son scénario. Certes sur un pitch simple on peut faire de très bons films en se démarquant par une réalisation, un traitement surprenant. Hors là, l'écriture des personnages est plutôt bien faîte mais passe par presque tous les poncifs du genre : le soldat traumatisé par la mort d'un de ses collègues ; la rivalité entre deux têtes brulées ; l'addiction à la guerre et l'impossibilité de vivre en dehors de celle-ci, avec la scène archi-revue du combattant qui revient au pays et qui se perd dans un supermarché alors qu'il savait se mouvoir parfaitement dans le chaos irakien... Le second défaut de l'histoire est qu'elle est excessivement répétitive. Comme dit précédemment, sa structure se compose d'une séquence intense, un « shoot d'adrénaline », suivi d'une pause d'une dizaine de minutes où l'intrigue ne progresse pas un instant et où l'on observe les soldats passer le temps comme ils peuvent. En somme, le film se contente d'aligner les scènes de déminage en oubliant un vrai fil narratif qui accrocherait le spectateur. Alors oui, on ressent leur frustration et leur envie paradoxale de retourner sur le terrain où ils risquent leur vie mais le problème vient aussi d'un manque de suspense pour un film qui se targue d'être surprenant, intense, stressant... Comment s'inquiéter, ressentir ce fameux « shoot » lorsque l'on sait à l'avance l'issue de la scène de suspense ? Les dénouements des situations étant d'une prévisibilité incroyable, on n'arrive pas souvent à s'inquiéter pour le sort des soldats puisqu'il est à chaque fois évident : que ce soit pour le démineur de la séquence d'introduction (certes efficace puisqu'elle présente bien le milieu dans lequel se déroule le film) ; le médecin qui n'est jamais allé sur le terrain et qui se décide à sortir, après sa discussion avec son patient traumatisé, pour finir par se faire liquider « par surprise » ; le soldat traumatisé lui-même ; et le héros connaitra un sort qu'on a déjà vu un trop grand nombre de fois pour arriver à prendre le spectateur par surprise.

          De même Démineurs se révèle assez limité dans son analyse de l'impact de la guerre sur l'homme. Deux heures de long-métrage pour aboutir au constat suivant : la guerre est une drogue. Ce message est souligné dès les premières secondes avec la citation de Chris Hedges et sera répété une bonne dizaine de fois lors des éternelles disputes entre les sergents William James et J.T. Sanborn. Rappelons qu'un film comme Apocalypse Now n'avait eu besoin que d'une petite dizaine de minutes d'introduction pour illustrer puissamment cette idée. Et si le niveau d'interprétation est honorable, aucun acteur ne bénéficie d'un personnage un tant soit peu fouillé, jouant, voire surjouant, les scènes déjà vue dans d'autres films de guerre, dont les éternels « pétages de plomb » lors des séquences d'action, les traumatismes « profondément » enfouis dans chacun de ces hommes,... A la fin, impossible de s'attacher à un personnage, américain ou irakien d'ailleurs, puisqu'ils ne semblent avoir aucune motivation pour leurs actions. Ils finissent par devenir des stéréotypes (le casse-cou suicidaire ; le lieutenant sévère mais en fait sympa et sensible, le jeune traumatisé par la mort d'un ami dont il est « responsable », la gentille femme du héros qui attend sagement à la maison,...). Alors évidemment le long métrage de Bigelow finit par être sans surprise, un réel comble pour un film sur le déminage. La relation entre le héros et un jeune garçon irakien nommé Beckham aurait pu se révéler attachante, notamment lorsque William James se rend illégalement dans la maison de ce dernier, mais on s'aperçoit, dans un rebondissement hollywoodien assez déplorable (que l'on ne révèlera pas mais qui se fait sentir à des kilomètres), que cette relation amicale n'aboutira à rien. Enième frustration. Alors que nous reste-t-il pour nous réveiller de notre torpeur ? Une figuration sympathique de Guy Pearce dans une introduction bien réalisée (même si, encore une fois, très prévisible) et surtout une apparition très jouissive de Ralph Fiennes dans la meilleure séquence du film : un duel entre snipers véritablement tendu et épuisant. A noter enfin une séquence de déminage assez divertissante dans une voiture et qui parvient parfois à devenir angoissante par la multiplicité des menaces autour du trio de soldats.

          Démineurs n'est pas un mauvais film en soit et Bigelow est une grande réalisatrice. Cependant son dernier long-métrage est un peu trop répétitif et déjà vu pour s'avérer surprenant. Et si l'on arrive à sursauter face à la force des explosions, on passe surtout son temps à regarder d'un oeil parfois ennuyé les aventures pas si trépidantes de cette unité de déminage.

* * * * * 

SNDSND

Partager cet article
Repost0
12 janvier 2010 2 12 /01 /janvier /2010 21:18

                                                    Wild Bunch Distribution

 - Film français sorti le 30 décembre 2009

 - Réalisé par Jan Kounen

 - Avec Anna Mouglalis, Mads Mikkelsen, Elena Morozova,…

 - Drame, Romance, Biopic

          A Paris en 1913, Coco Chanel est toute dévouée à son travail et vit une grande histoire d'amour avec le fortuné Boy Capel. Au Théâtre des Champs-Elysées, Igor Stravinsky présente le Sacre du Printemps. Coco est subjuguée. Mais l'oeuvre, jugée anticonformiste, est conspuée par une salle au bord de l'émeute. Sept ans plus tard, Coco, couronnée de succès, est dévastée par la mort de Boy. Igor, réfugié à Paris suite à la révolution russe, fait alors sa connaissance. La rencontre est électrique. Coco lui propose de l'héberger dans sa villa à Garches, pour qu'il puisse travailler. Igor s'y installe, avec ses enfants et sa femme. Commence alors une liaison passionnée entre les deux créateurs...

 

Anna Mouglalis et Mads Mikkelsen. Jan KounenAnna Mouglalis et Mads Mikkelsen. Jan Kounen

          Dès le départ, Coco Chanel & Igor Stravinsky n'avait pas grand-chose pour se faire aimer : deuxième adaptation dans l'année d'un épisode de la vie de Chanel et énième biopic, genre essentiellement américain à l'origine, mais depuis très (trop) en vogue en France avec le succès international de La Môme (et le biopic sur Gainsbourg arrive aussi à très grands pas). Le biopic typique, dont le Coco avant Chanel d'Anne Fontaine suivait scrupuleusement les règles et c'est ce qui le rendait quelconque, se caractérise par une reconstitution minutieuse de l'époque, une linéarité dans le récit, une interprétation « bouleversante » de l'acteur ou actrice principal à grand renforts de trucages artificiels afin d'obtenir de nombreuses récompenses, et une quasi-adoration du réalisateur pour la célébrité qu'il filme. Bien évidemment, et heureusement, il existe des exceptions, et le film de Kounen fait parti de ceux-là.

           Certes son film n'est pas parfait, mais il est largement supérieur à celui d'Anne Fontaine qui l'avait précédé et qui avait reçu un accueil un poil plus favorable. Notons aussi le magnifique retournement de veste de la critique « spécialisée » qui est déçu du « classicisme » de la réalisation de Kounen qui en aurait perdu sa folie et sa subversion, alors que la mise en scène barrée et décalée de 99 Francs avait très largement été méprisée. Pendant que la mise en scène pathétique de Fontaine se contentait de poser sa caméra en filmant Audrey Tautou dans toute sa splendeur, celle de Kounen est dynamique, ponctué de plans séquence ou de mouvements de caméra comme pour symboliser le génie créatif et les tourments de ces deux artistes controversés. A cela, il suffit d'observer les vingt premières minutes de Coco Chanel &... qui montre la représentation très houleuse du « Sacre du printemps ». Avec un montage très efficace, Kounen alterne les plans de scène où se trouvent les danseurs et les plans de la foule hystérique, aveuglée majoritairement par Tchaïkovski. Il est aussi évident que, si Kounen ne considère pas Stravinsky comme son égal, le compositeur est un reflet du réalisateur méprisé par une certaine inteligencia. Kounen, dans cette longue et brillante scène d'introduction, se venge d'une certaine manière de toutes les critiques qu'il a reçu.

           Si le film n'arrivera jamais à retrouver la force de ses vingt première minutes, il n'en reste pas moins passionnant. Car ce qui intéresse principalement Kounen c'est la confrontation, et pas tant la passion, entre deux génies qui va leur permettre de retrouver l'inspiration, dont le fameux Chanel n°5 pour la créatrice de mode. Tout le long du film, Chanel et Stravinsky vont être attiré l'un à l'autre, une attirance pulsionnelle qui donnera lieu à de nombreuses scènes de sexe fortes, bestiales, réalistes mais tout en restant esthétique (qui ne sont pas sans rappeler celles des films de Jean-Jacques Annaud), mais ce n'est pas tant une passion romanesque qui les lie. Kounen montre plutôt un rapport de force entre une femme froide et indépendante mais qui reçoit maintenant un certain succès et un homme audacieux, visionnaire mais encore mal-aimé. Mais ce rapport de force leur sera bénéfique à tout les deux mais avec un certain prix : la solitude. Et la dernière scène le montre parfaitement en mettant en parallèle un Stravinsky vieillissant seul dans un appartement new-yorkais sombre et une Chanel affaiblie qui reste allongée sur son lit en observant sa chambre blanchâtre (une scène qui peut rappeler celle de 2001 : l'odyssée de l'espace où le vieil astronaute David Bowman est allongé dans une chambre avec en son centre le fameux monolithe). La principale victime de cette relation sera la femme chétive de Stravinsky, très bien interprétée par Elena Morozova, qui tentera de garder jusqu'au dernier moment son mari et qui luttera avec l'univers en noir et blanc de Chanel en y apportant des touches de couleurs (De son coté, Coco Chanel tentera de l'habiller à sa manière, de la faire vivre dans sa chambre favorite et de lui offrir son parfum afin qu'elle soit sous son emprise).

           Avec un couple d'acteur efficace, Anna Mouglalis en femme mystérieuse et autoritaire avec sa voix grave et un Mads Mikkelsen très charismatique (même si l'on ne comprend pas toujours ce qu'il dit, mais il a du apprendre des textes français et russe, deux langues qu'il ne parlait pas), Coco Chanel &... est un film qui refuse de ressembler à la réalité afin de se détacher de la vérité historique (comme la non-ressemblance physique notamment de Mouglalis avec Chanel) toujours contraignante. Et c'est ce qui le démarquera des autres « biopics » plus classique, celui de Fontaine en tête, et ce du début, avec le générique psychédélique, à la fin, avec la scène à la toute fin du générique final qui fait écho au dernier plan du Shining de Kubrick obligeant une nouvelle interprétation du métrage.

* * * *                                                                                   

 Anna Mouglalis et Mads Mikkelsen. Jan Kounen

Partager cet article
Repost0
3 janvier 2010 7 03 /01 /janvier /2010 23:35

                                                  Memento Films Distribution

 - Film américano-argentin sorti le 23 décembre 2009

 - Réalisé par Francis Ford Coppola

 - Avec Vincent Gallo, Alden Ehrenreich, Maribel Verdu,…

 - Drame

          Tetro est un homme sans passé. Il y a dix ans, il a rompu tout lien avec sa famille pour s'exiler en Argentine. A l'aube de ses dix-huit ans, Bennie, son frère cadet, part le retrouver à Buenos Aires. Entre les deux frères, l'ombre d'un père despotique, illustre chef d'orchestre, continue de planer et de les opposer. Mais Bennie veut comprendre. A tout prix. Quitte à rouvrir certaines blessures et à faire remonter à la surface des secrets de famille jusqu'ici enfouis...

 

Vincent Gallo. Memento Films DistributionVincent Gallo et Alden Ehrenreich. Memento Films Distribution

          Avec L'Homme sans âge, Coppola était revenu après dix ans d'absence avec la ferme intention de « renaître ». Après une série de films de commande, il avait décidé à 68 ans de donner un nouveau départ à sa carrière, de la reprendre en main comme s'il avait une vingtaine d'années. L'intention était attendrissante et ramenait sur le devant de la scène l'un des plus grands réalisateurs américains de tous les temps. Pas dénué de défauts, L'Homme sans âge était une oeuvre touchante qui marquait clairement un tournant dans la filmographie de Coppola, renforcé par l'abandon de son projet, Mégalopolis, qui devait marquer le cinéma au même titre que Mozart pour la musique ou Picasso pour la peinture. Il revient donc en cette fin d'année avec Tetro qui aborde l'un de ses thèmes fétiches : la famille.

          Autant le dire tout de suite, Tetro, au regard de sa filmographie qu'il semble vouloir renier, n'est pas un bon Coppola. Mais tout comme Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal qui n'est pas un bon film de Spielberg, cela ne l'empêche pas d'avoir des qualités évidentes et d'être un film facilement regardable. Son point le plus fort est bien évidemment, comme tous les films de Coppola, sa photographie et sa mise en scène. Elle est grandiloquente, impressionnante, d'une beauté envoutante, à une exception près puisque les courtes séquences en couleurs souffrent franchement de la comparaison avec celles, très expressionnistes et surréalistes, en noir et blanc. Les deux heures de Tetro s'admirent avant tout, l'influence de la photographie étant importante comme dans Le Ruban Blanc de Haneke. La différence avec ce dernier étant sa mise en scène plus mobile et mégalomane. Mais là où le bat blesse c'est que cette réalisation ambitieuse, audacieuse, presque prétentieuse dessert cette histoire sans grand enjeu. Là où Coppola utilisait une mise en scène démente, grandiose pour représenter l'impact de la guerre du Vietnam et sa folie sur un groupe de soldat ou encore pour réaliser une tragédie de près de neuf heures sur une grande famille de mafieux, ici c'est pour soutenir l'histoire d'une famille d'artistes meurtrie difficilement crédible.

          Dans sa volonté de réaliser une sorte de tragédie moderne, Coppola semble presque oublier de représenter cette famille d'une manière réaliste. C'est surtout le cas du père, joué ou plutôt surjoué par Klaus Maria Brandauer, figure imposante et dictatrice de cette famille qui, par sa célébrité, détruira la vie de son fils, lui volera tout et ne lui laissera jamais de place. Ce personnage central dans le long métrage n'est pas écrit avec une très grande subtilité et sert avant tout à représenter le Talent et la Gloire corruptrice, tout comme le personnage mystérieux d'Alone sert avant tout à personnifier la Critique. Que Coppola veuille présenter des personnages comme des archétypes, des Figures, soit, mais ces derniers ne peuvent être crédible face au trio principal du film qui est caractérisé d'une manière beaucoup plus subtile. Il faut dire que les trois acteurs, le ténébreux et violent Vincent Gallo, le nouveau et touchant Alden Ehrenreich et l'envoutante Maribel Verdu, sont excellents et font beaucoup d'ombres aux autres acteurs ce qui, lorsque l'on regarde certains seconds rôles, n'est parfois pas très difficile. Lorsque le film se concentre sur la relation entre l'artiste maudit Tetro et son jeune frère, Bennie, en quête d'une figure fraternelle qu'il n'a jamais eu l'occasion d'avoir, il réussit à être touchant et juste. La relation qu'ils entretiennent avec Miranda est elle aussi intéressante. Mais au bout d'une heure, le film s'égare et fait évoluer les personnages de façon trop rapide, surtout Bennie qui en devient méconnaissable. S'intéressant à la fin beaucoup plus à l'idée de reconnaissance, de création, Tetro se détourne de son sujet initial qui était les relations dans une famille d'artistes et l'impossibilité de ces derniers à cohabiter. S'ajoute à cela un twist final inutile qui décrédibilise même les rapports entre les personnages lors de la première heure du film.

          A la fin on ne sait pas trop où Coppola a voulu nous emmener en changeant de trajectoire en court de route. Si le film est plutôt beau visuellement, il peine à émouvoir et on a du mal à se sentir impliqué dans cette histoire sans vrai enjeux. Si c'est cette voie que Coppola veut suivre, alors tous les adorateurs du Parrain, de Conversation Secrète ou d'Apocalypse Now ne peuvent que se résigner. Il peut maintenant faire les projets qu'il souhaite sans se soucier du système hollywoodien et des projets « commerciaux » qu'on lui proposait et qui ont souvent fait sa gloire. Au vue du résultat de Tetro, on peut pour une fois se demander si c'est vraiment une bonne nouvelle.

* * * *   

Alden Ehrenreich. Memento Films Distribution

Partager cet article
Repost0
13 décembre 2009 7 13 /12 /décembre /2009 00:10

                                                     Twentieth Century Fox France

 

 - Film américain sorti le 16 décembre 2009

 - Réalisé par James Cameron

 - Avec Sam Worthington, Zoe Saldana, Sigourney Weaver,…

 - Science-fiction, Aventure

          Malgré sa paralysie, Jake Sully, un ancien marine immobilisé dans un fauteuil roulant, est resté un combattant au plus profond de son être. Il est recruté pour se rendre à des années-lumière de la Terre, sur Pandora, où de puissants groupes industriels exploitent un minerai rarissime destiné à résoudre la crise énergétique sur Terre. Parce que l'atmosphère de Pandora est toxique pour les humains, ceux-ci ont crée le Programme Avatar, qui permet à des « pilotes » humains de lier leur esprit à un avatar, un corps biologique commandé à distance, capable de survivre dans cette atmosphère létale. Ces avatars sont des hybrides crées génétiquement en croisant l'ADN humain avec celui des Na'vi, les autochtones de Pandora. Sous sa forme d'avatar, Jake peut de nouveau marcher. On lui confie une mission d'infiltration auprès des Na'vi, devenus un obstacle trop conséquent à l'exploitation du précieux minerai. Mais tout va changer lorsque Neytiri, une très belle Na'vi, sauve la vie de Jake...

 

Sam Worthington. Twentieth Century Fox FranceTwentieth Century Fox France

          Succès public presque certains et conséquents et rejet constant de la presse jusque très récemment, avant qu'elle ne se mette à reconsidérer son oeuvre et à se mettre (enfin) à les analyser. Au même titre qu'un Spielberg, James Cameron a trop longtemps été considéré comme un (très) bon faiseur de films commerciaux. Pourtant le bonhomme a un CV en béton, hormis une participation plus qu'houleuse au navet horrifique Piranha 2 : Les Tueurs volants. C'est lors de la postproduction mouvementée de ce dernier qu'il aurait fait un rêve : un robot sortant d'un brasier de flammes. Inspiré, il réalisera donc Terminator en 1984, chef d'oeuvre de la science fiction où un robot est envoyé dans le passé pour tuer la future mère du futur chef de la résistance humaine, John Connor, lors de la guerre qui opposera les humains aux machines. Deux ans après, il a l'audace de réaliser la suite d'un autre chef d'oeuvre de la SF, l'Alien de Ridley Scott. Aliens le retour est une suite qui se veut plus proche du film de guerre et qui, en plus d'une mise en scène virtuose, bénéficie d'une bonne écriture du personnage de Ripley grâce à sa relation avec une jeune rescapée qui deviendra sa « fille adoptive ». En 1989, Cameron sort son projet le plus personnel et son plus abouti, Abyss. Le film, qui mélange le drame, le thriller claustrophobe et la science fiction, se déroule presque entièrement sous l'eau et demande un budget important. Le tournage sera connu comme l'un des pires de l'histoire du cinéma et l'accueil critique et public sera mitigé, mais le film est un vrai chef d'oeuvre et est heureusement reconnu comme tel aujourd'hui. Il renoue avec le public en réalisant une suite, Terminator 2 : Le Jugement dernier, qui surpasse en de très nombreux points le premier épisode notamment dans la mise en scène de scènes d'action devenu mythiques. Il réalise trois ans après un film plus léger mais toujours efficace en termes d'action, True Lies, qui est un remake de La Totale de Claude Zidi. Enfin en 1997, il sort le film de tous les records, Titanic, qui, contrairement à ce que tout le monde présageait, fera le plus grand carton de tous les temps et qui remportera onze oscars. Quelques années auparavant il pensait déjà à son Avatar, connu à l'époque sous le nom de Project 880, mais à dû attendre que la technologie soit suffisante à sa vision. Grâce à des films de Peter Jackson, comme la trilogie du Seigneur des Anneaux et le remake de King-Kong, ou des films de Zemeckis tels que La Légende de Beowulf ou Le Drôle de Noël de Scrooge, Cameron a enfin pu concrétiser son rêve d'adolescent et nous livre cet Avatar que l'on peut considérer comme le plus beau cadeau de Noël pour un cinéphile. Le nouveau logo de la Twenty Century Fox apparait, puis écran noir où s'élève une musique tribale suivi d’un plan aérien sur une jungle tout en s'approchant de plus en plus des arbres alors que les percussions s'intensifient, écran noir soudain... Le voyage peut commencer.

          On aura beaucoup entendu parler d'Avatar ces dernières années et le cinéma tremblait rien qu'à l'idée de ce que Cameron allait nous sortir : selon ses dires, rien de moins qu'une révolution visuelle. Après un buzz savamment orchestré auprès des "geeks" et une campagne marketing à la ramasse jusqu'au deux semaines précédant la sortie dudit évènement, que peut-on dire d'Avatar ? D'abord que, malgré le fait que la barre était placée très haut, l'exploit est largement remporté et dépasse même nos espérances. Certes Avatar n'est pas tant une révolution qu'une forte évolution technique et visuelle vu qu'il n'a fait « que » réutiliser des techniques déjà utilisées, comme la fameuse « performance capture », et les pousser à leur maximum (mais de très, très loin par rapport aux autres productions). James Cameron utilise aussi une nouvelle caméra pour la 3D qui possède le même fonctionnement que l'oeil humain. Ceci a comme magnifique conséquence de vous permettre de regarder le film de près de trois heures en trois dimension sans éprouver de mal de crâne. Mais cette 3D a surtout pour but de vous immerger totalement dans l'univers de Pandora. L'effet en est hallucinant puisque les insectes et les méduses lumineuses viennent voler à côté de vous pendant que la végétation luxuriante vous environne complètement. Par cette 3D vous ne voyez pas Pandora, vous êtes sur Pandora. Les séquences dans la jungle de jour étant déjà d'une beauté à couper le souffle, celles de nuit explosent littéralement tout ce qui a pu être vu ces dernières années. Le paysage s'illumine par des plantes et des animaux phosphorescents, ce qui n'est pas sans rappeler les fonds marins, la grande passion de Cameron, et les dernières séquences au fond du gouffre dans Abyss.

          Mais la beauté et la pureté de Pandora cache aussi une certaine sauvagerie notamment grâce à un bestiaire terrifiant comptant entre autre des Banshees, « Ikran » en langage na'vi, des sortes de dragons-ptérodactyle ou encore des Thanators, des fauves sombres et gigantesques aux dents très acérées. Le monde de Pandora est pensé de manière scientifique du point de vue de l'évolution, les animaux ayant des points communs comme leur nombre de pattes, mais aussi au niveau de la création de la culture des Na'vis, avec une langue véritablement imaginée pour les besoin du film par des linguistes. A l'instar de Peter Jackson qui avait crée de manière cohérente « Skull Island » dans son King-Kong, Cameron veut impérativement rendre crédible le monde de Pandora. C'est surement la grande force du film : créer un monde nouveau mais logique d'une beauté époustouflante tout en recelant de nombreux dangers. Avant la sortie même d'Avatar, de nombreuses personnes considéraient les images disponibles, souvent sur le net et de mauvaise qualité, comme celles d'un (vieux) jeu vidéo ou d'un dessin animé. L'incompréhension pour cet avis ne peut être qu'immense à la fin du visionnage de ce film (en 3D mais aussi en 2D) puisque JAMAIS les effets numériques n'ont atteint un tel niveau de réalisme, et nul doute qu'Avatar deviendra au même titre que Star Wars, Jurassik Park ou Terminator 2, un mètre étalon dans le domaine des effets spéciaux. Les paysages sont juste sublimes, la lumière et les ombres sont quasi parfaites (il faudra de nombreuses années avant d'en déceler les défauts, s'il y en a), les animaux sont impressionants, et particulièrement les Banshees, mais surtout, et le film aura l'oscar des meilleurs effets spéciaux rien que pour ça, les Na'vis sont d'un réalisme troublant. S'il est vrai que les « figurants » sont un peu moins « crédibles » c'est uniquement à cause de la comparaison avec les personnages de Jake (en avatar) et surtout de Neytiri. Cette dernière est clairement la créature en « performance capture » la plus crédible jusqu'à maintenant, à un tel point que Gollum en prend un sérieux coup de vieux (même s'il reste et restera toujours réussi). Physiquement on croirait tout simplement qu'elle existe, le maquillage et les prothèses n'auraient pas pu donner un meilleur rendu. En terme de jeu la barre est remise très haut, le procédé de « performance capture » ayant été amélioré notamment par une caméra qui filmait tous les traits du visage. Le jeu des acteurs est donc rendu parfaitement et il est très facile de reconnaitre les traits de Zoé Saldana mais aussi de Sam Worthington ou de Sigourney Weaver. Nul doute que cette technique donne une liberté totale et permet la réalisation de scènes qui auraient été impossibles il y a quelques années. Ce procédé atteint un niveau d'émotion incroyable lors de deux scènes : la première étant la scène d'amour où les deux créatures « numériques » (on en vient même à en douter), Jake et Neytiri, s'embrassent et livrent ainsi le plus beau baiser de l'année ; la seconde scène se situe à la fin du long-métrage où, dans une étreinte, le numérique et la réalité deviennent indissociables.

          Avatar est donc clairement une énorme réussite visuelle et technique. Mais le film tient-il au niveau du scénario, ses quelques détracteurs (peu nombreux pour l'instant, mais ça ne saurait tarder) le comparant à un Danse avec les Loups chez les Schtroumpfs, souvent avant même de l'avoir vu ? Outre le fait qu'Avatar n'a aucun rapport avec la bande dessinée de Peyo (enfin si, Schtroumpfs = bleu = Na’vis = humour pas drôle et absence totale d'argument...), il est vrai que le film de Cameron possède quelques similitudes avec le film de Kevin Costner, et avec le mythe de Pocahontas si on veut faire plus général ; mythe qui, il semble nécessaire de le rappeler, est un des mythes fondateurs de toute la culture américaine. Certes Avatar ne révolutionnera pas l'écriture du scénario, mais cela n'a jamais été son objectif. Si on la résume à son maximum, l'histoire d’Avatar est celle d'un homme qui va découvrir un camp « adverse » et dont il va finir par s'attacher. Trame scénaristique, il faut aussi le rappeler, qui soutenait des films « simplistes » comme Danse avec les Loups, mais aussi Le Nouveau Monde de Terence Malick, Le Dernier Samouraï d'Edward Zwick, Mission de Roland Joffé, Lawrence d'Arabie de David Lean, le très récent District 9 de Neil Blomkamp ou carrément Les Aventures de Rabbi Jacob de Gérard Oury ou de Bienvenue chez les Ch'tis de Dany Boon (cette même trame étant souvent utilisé dans le genre de la comédie). On le voit bien, cette histoire de la découverte de l'« Autre » a été utilisée de nombreuses fois, et pas seulement dans Danse avec les Loups, mais a surtout donné lieu à des films diamétralement opposés.

          Histoire d'en rajouter une couche, on peut citer un grand nombre de films au scénario parfois très hollywoodien et simple mais jamais « simpliste » : la majorité de la filmographie de Clint Eastwood (en tant que réalisateur) avec son excellent Gran Torino en tête, la quasi-totalité des films de Walt Disney, de Pixar, Star Wars (puisque dans le scénario d'Avatar on ne tient jamais compte bizarrement de la création de Pandora, alors si on enlève la création de l'univers de la saga de Lucas le scénario se révèle bien classique et emprunt de mythologie), de nombreux films de Spielberg (Duel, Les Dents de la Mer, E.T., les quatre Indiana Jones, les deux Jurassik Park et pourquoi pas La Guerre des Mondes),...  On peut reconnaitre que certains retournements de situation soient faciles, comme le changement de monture de Jake ou l'arrivée salvatrice des animaux de Pandora lors de la bataille finale, une scène que n'aurait d'ailleurs sûrement pas renié Miyazaki. La véritable faiblesse du scénario se fait plutôt sur l'écriture des seconds rôles, surtout de Norm Spellman qui ne devient jaloux de son ami Jake que trop peu de temps ou celui de Trudy, la pilote interprétée par Michelle Rodriguez qui n'est pas sans rappelé Vasquez dans Aliens le retour, dont le changement de camp est un peu rapide. Mais ces rares faiblesses s'expliquent par la demi-heure manquante (certaines rumeurs vont jusqu'à une heure de plus), dont une introduction sur une Terre dévastée qui permettait de mieux instaurer les enjeux sur ce métal miracle tant convoité par les humains. La raison de cette version courte est purement technique : en effet, le film était avant tout prévu pour une projection Imax qui ne peut pas, pour le moment, excéder les deux heures cinquante. Au lieu de sortir deux versions différentes, il a donc été décidé de ne sortir que la version courte pour que tout le monde découvre le même film.

          Ce que l'on peut en tout cas dire c'est que cette version « courte » demeure d'une grande richesse si on se donne un peu la peine de bien regarder les scènes, qui sont bien loin d'être « neuneu » et clichés. Avatar ne se limite pas déjà au genre de la science fiction, même s'il est avant tout un film de SF. Mais Cameron a aussi puisé dans la « science fantasy », le western (le parallèle avec la colonisation américaine et l'extermination des Indiens est plus que flagrant notamment par la proximité des Na'vis avec ces derniers), le film d'aventure, le drame avec la love story entre Jake et Neytiri, le film de guerre avec certaines séquences d'attaques qui font écho aux combats lors de la guerre du Vietnam (Quaritch buvant sa tasse de café rappelle forcement le colonel Kilgore d'Apocalypse Now qui faisait la même chose avant la fameuse bataille des Walkyries), mais aussi l'animation, notamment japonaise avec Miyazaki et son Princesse Mononoke avec lequel Avatar a de nombreuses similitudes (presque plus que Danse avec les Loups) comme cette Eywa, une entité naturelle et mystique reliant toutes les formes de vie de Pandora. L'inspiration n'est pas que cinématographique puisque l'influence du manga et du jeu vidéo est non négligeable. Les inspirations sont donc multiples, et ne se limite pas à un ou deux classiques du cinéma, mais il est évident que la simplicité apparente du film de Cameron rend avant tout hommage aux films de l'âge d'or d'Hollywood. Ce paradoxe, entre l'« âge » de ces thèmes abordés par le cinéma depuis ses débuts et l'extrême modernité des techniques utilisées, permet d'installer plus facilement ce nouveau type de film : Cameron amène un grand changement dans le septième art tout en n'oubliant pas les fondamentaux, ces mythes vieux comme le monde. C'est pour cette raison qu'Avatar nous touche et qu'il semble bouleverser les spectateurs du monde entier, comme tous les films de Cameron et Titanic en tête : cette capacité de raconter une histoire universelle qui nous bouleverse parce qu'elle trouve une résonance au fond de nous-mêmes.

          Enfin, comme tout grand film, ou histoire, de science fiction qui se respecte c'est avant tout de notre monde dont parle Avatar. Il y a d'abord un message écologique qui ne surfe pas sur la « vague écolo » l'histoire ayant, il faut encore le rappeler, été conçu il y a plus de quinze ans. Et à la différence de tous les récents documentaires sur le réchauffement climatique qui se contente d'exposer platement des faits tout en étant sponsorisé par les grands groupes pollueurs, Avatar, par l'utilisation entre autre de la 3D, nous immerge dans cette nature, nous y attache, nous en émerveille et nous amène ainsi à être d'autant plus choqué par la destruction inconsciente de celle-ci et du mépris des hommes (par leur réaction hilare face au concept d'Eywa, une des grandes originalités du film). L'autre grand thème d'Avatar est bien entendu celui de l'identité, et de ce point de vue le personnage de Jake Sully est particulièrement bien écrit. L'introduction somptueuse qui met en parallèle son réveil dans le vaisseau qui l'amène sur Pandora et les flash-back qui expliquent les raisons de sa venue ne fait qu'accentuer le déracinement de cet homme. Le monde qu'il quitte ne lui fait pas envie, il n'en est rattaché en aucune façon, et il n'arrive pas à estimer sa « race » (pas de famille à part un frère jumeau assassiné, peu d'amis, une relation houleuse avec la biologiste Grace Augustine qu'il finira malgré tout par considérer comme une figure maternelle,...). Ce n'est plus qu'un guerrier à l'abandon qui va « renaître » par la mort de son frère et qui va prendre sa place, dont la pension est insuffisante pour pouvoir soigner sa paralysie et qui cherche encore une raison louable à se battre. Mais au fond de lui-même, à son arrivée sur Pandora, c'est avant tout un enfant (Neytiri le compare à un bébé lors de leur première rencontre) dont la coupe est vide. Le film est donc celui d'une initiation, d'un apprentissage au bout duquel Jake aura pris ses responsabilité, sera à la tête de toute une « nation » afin de se battre pour une cause juste et sera devenu un homme accompli. Le personnage de Jake est aussi l'écho du spectateur qui découvre, émerveillé, le monde de Pandora avant de prendre la mesure des conséquences désastreuses dues à l'incompréhension et l'arrogance de l'espèce humaine. Cette dernière a causé sa propre perte sur Terre en « tuant » cette « Mère-Nature » par mépris de cette dernière et par volonté du gain, avant d'aller sur une autre planète pour la piller, sans réfléchir à leur propre attitude et en faisant passer leur espèce avant les autres, considérées comme primitives et dangereuses (car rien de tel qu'un discours sécuritaire pour motiver des troupes à commettre des actes irréfléchis et irréparables).

          C'est le dernier grand message d’Avatar qui se fait l'écho de toutes les colonisations de l'Histoire et « interventions nécessaires », celle en Irak pour ne citer que la dernière en date. Avatar pose la question suivante : jusqu'où a-t-on le droit d'aller pour une cause qui peut être considérée comme juste (ici, la survie de l'humanité et de la Terre) ? Peut-on tout se permettre puisque nous sommes humains ? La réponse est bien évidemment « non », mais le constat de Cameron est bien plus pessimiste que cela car il nous montre que nous ne serions pas capables de nous arrêter à temps. Avatar regorge de scènes fortes montrant les humains comme irrespectueux, inconscients voir carrément cruels. Les personnages de Quaritch, un formidable Stephen Lang bien plus subtil qu'il n'y parait, et de Selfridge, très bon Giovanni Ribisi également, sont les plus éloquents. Le premier n'est qu'un pion au service d'une compagnie qui se fera trahir par l'un des rares marines qu'il estimait vraiment, puisqu'ils ont de nombreuses caractéristiques communes comme un corps mutilé et la  participation aux même conflits (il faut aussi voir sa tête lors du refus de Jake de se faire soigner, alors qu'il avait apparemment tout fait pour tenir sa promesse), et ce dernier éprouve une rancoeur tenace pour Pandora car il s'est fait blesser dès le premier jour sur cette planète, après avoir passé des années intact lors de différents conflits sur Terre. Le second personnage est chargé de représenter la compagnie et de veiller à ce que ses intérêts soient satisfaits, même s'il tachera jusqu'au dernier moment à faire prévaloir la diplomatie ; on peut d'ailleurs rapprocher ce personnage à celui de Burke dans Aliens le retour. Ces deux personnages ne sont pas foncièrement mauvais mais se doivent d'obéir à des ordres supérieurs sans avoir l'audace de les refuser. Quaritch s'emportera même dans son rôle sur la fin, notamment lors de son duel dans son mécha avec Jake, qui fait écho au combat final d'Aliens le retour, vu qu'il est particulièrement affecté par la trahison de Jake et par son ultime échec sur cette planète qu'il déteste (il y voit avant tout le danger plutôt que la beauté et la fragilité ; Selfridge y verra par contre un bon profit économique).

          Cette déferlante de mépris, de peur et de violence trouve son paroxysme dans deux scènes, les plus fortes d'Avatar. La première est la destruction de l'Arbre-Maison, un arbre géant haut de plusieurs kilomètres qui abrite toute la tribu. Cet arbre est le symbole même de leur proximité et de leur amour avec la nature mais est aussi la concrétisation de ce lien des Na'vis avec Eywa, il symbolise tout ce dont ils croient mais est aussi leur abri qui renferme tout leur héritage (leur montures y vivent, le tronc est aménagé comme un village et on y trouve des reliques comme le squelette d'un « Toruk », le plus grand prédateur aérien de Pandora,...). La destruction de ce symbole peut évidemment faire écho à la destruction d'un autre symbole, celle du World Trade Center (bien que le scénario ait été écrit avant cet évènement). Filmé au ralenti, avec une musique magnifique en plus de la 3D, la chute de l'arbre dans un fracas étourdissant est LA séquence d'Avatar qui atteint un niveau émotionnel bouleversant, suivi d'un exode désespéré dans un paysage embrassé qui rappelle de mauvais épisodes de notre Histoire. La seconde séquence est bien entendu la bataille finale d'une vingtaine de minutes qui balayent toutes les vaines tentatives de Michael Bay, Emmerich et compagnie. D'une virtuosité dingue en termes de mise en scène, d'une inventivité et d'une intensité rare et franchement dévastateur au niveau pyrotechnique mais aussi poétique et émotionnel, ce qui démarque Cameron de nombreux faiseurs, elle nous montre un combat hautement symbolique : l'homme et la technologie contre la nature, ce qui rappelle encore une fois Princesse Mononoke, et dont l'issue est la survie et la libération de tout un peuple. L'unique combat qui mérite donc d'être mené.

          Il y aurait encore tant de chose à dire (comme la thématique de l'abandon dans le rêve) sur Avatar, ce nouveau chef d'oeuvre, n'ayons pas peur de ce mot car ce film en est bien un, vu sa réussite totale au niveau technique, visuel, scénaristique, musical, du jeu des acteurs,... Le résultat est à ce point exceptionnel et jouissif que l'on finit par se demander comment on a pu parfois douter du projet de Cameron. Il est aussi excessivement rare qu'un film qui génère autant d'impatiences et de fantasmes ait réussi à surprendre et à satisfaire la plupart des attentes. C'est donc bien une preuve de la grande qualité de cette épopée futuriste qui aura mis plus de quinze ans à se faire. Monsieur Cameron, vous démontrez définitivement votre génie de metteur en scène et merci beaucoup de ne pas nous avoir fait attendre autant de temps pour rien : Avatar est bien l'un des plus grands films de ces dernières années.   

* * * *   

Twentieth Century Fox France

Partager cet article
Repost0
30 novembre 2009 1 30 /11 /novembre /2009 23:07

                                                       Metropolitan FilmExport

 - Film américain sorti le 02 décembre 2009

 - Réalisé par John Hillcoat

 - Avec Viggo Mortensen, Kodi Smit-McPhee, Guy Pearce,…

 - Science fiction, Drame

          Il y a maintenant plus de dix ans que le monde a explosé. Personne ne sait ce qui s'est passé. Ceux qui ont survécu se souviennent d'un gigantesque éclair aveuglant, et puis plus rien. Plus d'énergie, plus de végétation, plus de nourriture... Les derniers survivants rôdent dans un monde dévasté et couvert de cendre qui n'est plus que l'ombre de ce qu'il fut. C'est dans ce décor d'apocalypse qu'un père et son fils errent en poussant devant eux un caddie rempli d'objets hétéroclites - le peu qu'ils ont pu sauver et qu'ils doivent protéger. Ils sont sur leurs gardes, le danger guette. L'humanité est retournée à la barbarie. Alors qu'ils suivent une ancienne autoroute menant vers l'océan, le père se souvient de sa femme et le jeune garçon découvre les restes de ce qui fut la civilisation. Durant leur périple, ils vont faire des rencontres dangereuses et fascinantes. Même si le père n'a ni but ni espoir, il s'efforce de rester debout pour celui qui est désormais son seul univers...

 

Metropolitan FilmExportViggo Mortensen et Kodi Smit-McPhee. Metropolitan FilmExport

          Le film apocalyptique est plus présent que jamais ces dernières années, depuis Le Jour d'après de Roland Emmerich en 2004, La Guerre des Mondes de Steven Spielberg en 2005, Je suis une légende de Francis Lawrence en 2007, jusqu'à cette année 2009 qui compte rien de moins que quatre films catastrophe avec Prédictions d'Alex Proyas, Les Derniers jours du monde des frères Larrieu, 2012 (encore) d'Emmerich et enfin La Route de John Hillcoat. Ce dernier, à l'instar du film des Larrieu mais qui tient surtout pour ces derniers des « faibles » financements dans le cinéma français, a la particularité d'être un film indépendant. Le budget ne permettant pas de fantaisies excessives comme c'était le cas pour 2012, John Hillcoat adopte donc une réalisation minimaliste, presque épurée. Et ça tombe bien car le roman, mais aussi son adaptation, ne se prêtaient pas à un excès d'effets pyrotechniques.

          Ce serait même plutôt une force pour La Route, de se démarquer ainsi des superproductions hollywoodiennes pour se focaliser essentiellement sur la relation entre un père et son fils, témoins impuissants de la chute de l'humanité vers ses plus bas instincts. Il n'y aura d'ailleurs que très peu d'action dans ce film, surtout lors de la seconde heure, et même très peu de personnages secondaires. L'impression de solitude est donc clairement renforcée et le sentiment de paranoïa, de panique s'intensifiera à chaque fois qu'une silhouette fera son apparition au loin. En effet, La Route fait plutôt partie de ces films catastrophes qui considèrent que, lors d'une catastrophe, les hommes auraient plutôt tendance à se diviser et à se déshumaniser, ce qui rendait La Guerre des Mondes de Spielberg bien supérieure à la plupart des films apocalyptique hollywoodien dont le meilleur étendard est Emmerich. Face à un climat sombre, où le soleil n'arrive plus à percer à cause d'un épais et constant nuage de cendre, des décors de villes vides et sales, des forêts grises sans animaux ni même une touche de vert, le père et son fils doivent faire face à des hommes qui, pour survivre, sont tombé dans la monstruosité et le cannibalisme. C'est de là que viendra les principales scènes de tension, franchement intenses, du film comme celle de la maison des cannibales où les deux héros se retrouvent coincé ou encore ce face à face au début du long métrage entre un cannibale et le père qui le tient en joue. A ces scènes de suspense s'ajoutent des séquences glauques et dérangeantes comme celle où le père apprend à son fils à se suicider ou encore celle où il lui tire dessus en voulant le sauver. Des scènes inhabituelles et choquantes qui ne font que renforcer cette atmosphère terrifiante et oppressante.

          Mais le film se distingue surtout par la relation entre le père et son fils, noeud même de toute l'intrigue. Le film s'intéresse d'abord à ce que le père serait prêt à faire afin de sauver son fils, n'hésitant pas à tuer, et montrant ainsi la perte de l'innocence de ce même enfant qui voit alors ces notions de bien et de mal se mélanger. Tuer pour sauver quelqu'un, est-ce finalement plus humain que tuer pour se sauver soi-même. L'autre question que pose le film est « que faut-il sauver ? » voire même « y a-t-il encore quelque chose à sauver ? ». C'est ce que montre cette idée de « feu » en soi, qui caractériserait les gentils selon le père, c'est-à-dire l'espoir, la dernière parcelle d'humanité qui mérite d'être défendue et transmise. Il y a aussi, face à cette très forte complicité entre Viggo Mortensen et Kodi Smit-McPhee qui soutient presque tout le film, des seconds rôles intéressants joués par des acteurs qui n'ont plus besoin de faire leur preuves : Charlize Theron, Robert Duvall et Guy Pearce n'ayant pas besoin de plus de dix minutes pour être marquants et émouvants. Néanmoins La Route n'est bien évidemment pas excepté de défaut, et le plus important restera sa réalisation très académique comme si Hillcoat était terrifié à l'idée de prendre un risque. C'est justement dommage car c'est surement pour cette raison que certains décrocheront lors de quelques moments, notamment dans la dernière demi-heure. La fin est, elle aussi, un peu facile bien qu'il serait difficile de dire qu'il s'agit pleinement d'un happy end.

          La Route est donc un film réussi qui se base sur de solides interprétations, notamment du duo principal, d'une belle photographie grisâtre avec de rares touches de couleurs (pour les flashbacks et une scène où l'enfant aperçoit un arc-en-ciel), d'une histoire touchante qui allie moments de tension et d'autres, plus calmes, sur le quotidien difficile des deux personnages. Cependant il y a aussi quelques longueurs dans la seconde moitié du film et un manque d'audace décevant dans la mise en scène, ce qui n'était pas le cas avec une autre adaptation par les frères Coen d'un roman de McCarthy.       

* * * *   

 Viggo Mortensen. Metropolitan FilmExport 

Partager cet article
Repost0
18 novembre 2009 3 18 /11 /novembre /2009 14:47

                                                    Metropolitan FilmExport

 - Film franco-canadien sorti le 11 novembre 2009

 - Réalisé par Terry Gilliam

 - Avec Heath Ledger, Johnny Depp, Jude Law,…

 - Fantastique, Aventure

          Avec sa troupe de théâtre ambulant, « l'Imaginarium », le Docteur Parnassus offre au public l'opportunité unique d'entrer dans leur univers d'imaginations et de merveilles en passant à travers un miroir magique. Mais le Dr Parnassus cache un terrible secret. Mille ans plus tôt, ne résistant pas à son penchant pour le jeu, il parie avec le diable, Mr Nick, et gagne l'immortalité. Plus tard, rencontrant enfin l'amour, le Dr Parnassus traite à nouveau avec le diable et échange son immortalité contre la jeunesse. A une condition : le jour où sa fille aura seize ans, elle deviendra la propriété de Mr Nick. Maintenant, il est l'heure de payer le prix. Pour sauver sa fille, il se lance dans une course contre le temps, entrainant avec lui une ribambelle de personnages extraordinaires, avec la ferme intention de réparer ses erreurs du passé une bonne fois pour toutes... 

 

Christopher Plummer. Metropolitan FilmExportHeath Ledger. Metropolitan FilmExport

          Terry Gilliam semble maudit. Presque tous les tournages qu'il a entreprit ont eu leur lot de catastrophes, de rebondissements et de mésententes avec les producteurs. L'Imaginarium du Docteur Parnassus n'échappe pas à cette règle avec la mort de l'acteur principal, Heath Ledger, qui n'avait pas eu l'occasion de tourner les scènes à l'intérieur du fameux « Imaginarium ». Il aurait été injuste de ne pas être témoin du dernier rôle de cet acteur fascinant et pour cela Gilliam a trouvé une astuce afin de garder une certaine cohérence : Tony, le rôle interprété par Ledger, change de visage, ceux de Johnny Depp, de Jude Law et de Colin Farrell, lors de ces différents voyages dans l'imaginaire des gens.

          C'est donc grâce à cette idée originale que L'Imaginarium... a pu arriver sur nos écrans après un petit détour à Cannes. Le résultat est déroutant, confus et décevant. La raison principale est que Gilliam a la fâcheuse habitude, à l'instar de Jeunet et de Burton, de refaire le même film, mais à chaque fois un peu moins bien, en réutilisant leur éternel thème de l'imagination qui prend le pas sur la réalité. Le contenu n'est donc pas surprenant puisqu'il ne fait que redire ce qu'il avait déjà dit dans Brazil ou Les Frères Grimm. Mais c'est surtout visuellement que le bât blesse. Alors que les effets spéciaux rendaient agréable les vingt dernières minutes de Brazil, ceux de L'Imaginarium..., complètement numériques, desservent le long métrage. Parce que, comme Tim Burton, Gilliam s'est lancé à corps perdu dans l'image de synthèse et que le résultat est rarement satisfaisant. Pourquoi ? Parce que, paradoxalement, les défenseurs de l'imaginaire ne peuvent s'empêcher de le représenter comme quelque chose d'artificiel et parfois à la limite de la laideur. Alors cette représentation de l'imagination peut passer assez bien avec des maquettes ou l'animation en stop-motion, donnant ainsi un coté artisanal sympathique (c'est le cas entre autres des premiers Burton avec Beetlejuice et Edward aux mains d'argent), mais ne peut que difficilement passer avec des images de synthèses, qui supporte difficilement un aspect kitsch et factice, et pour cela on peut citer Sweeney Todd, Les Frères Grimm et très probablement le prochain Burton, Alice au pays des merveilles, dont les premières images laissent dubitatif. Cette laideur esthétique est portée à son paroxysme avec les séquences à la limite de la catastrophe où Tony prend les traits de Depp et de Jude Law.

          Du coté de l'histoire il n'y a pas grand-chose à tirer puisque L'Imaginarium... une nouvelle illustration de la confrontation du rêve et de la réalité qui se finit par une sorte de trip incompréhensible d'une vingtaine de minute, mais qui reste les meilleurs du film par la découverte de la véritable nature de Tony, un escroc au passé lourd dont les changements de visage accentuent son coté menteur et manipulateur. Au niveau de l'interprétation c'est aussi assez inégal. Si Christopher Plummer est plutôt convaincant en conteur immortel (image de Gilliam qu'il reprend dans presque tous ses films) il faudra attendre néanmoins la séquence finale pour que son personnage puisse devenir vraiment pathétique, tragique et donc bouleversant. Quant à Lily Cole, qui joue la fille du vieux docteur Parnassus, et à Verne Troyer, le nain Percy, ils sont assez crédibles mais leurs rôles sont très vite répétitifs. Il vaut mieux passer sur Andrew Garfield, qui joue d'une manière insipide un Anton très rapidement fatigant et antipathique. Pour ce qui est des différents visages de Tony, seul Farrell s'en tire honorablement bénéficiant de la scène révélatrice pour son personnage, Jude Law étant assez transparent et Johnny Depp se croyant chez Tim Burton ou dans Pirates des Caraïbes, réussissant ainsi à être agaçant en seulement cinq minutes. Mais la star du film c'est bien entendu Heath Ledger, séduisant, ambigu, donc parfait dans ce rôle, et est surement l'intérêt principal de ce long métrage.

         L'Imaginarium du Docteur Parnassus est donc un film plutôt raté, qui ne vaut que pour l'ultime présence d'Heath Ledger, les quelques apparitions de l'irrésistible Tom Waits et les vingt dernières minutes cumulant une séquence de fragmentation d'un bâtiment, celle d'une danse endiablée entre M. Nick et la fille de Parnassus, Valentina, au milieu de débris de verre et une séquence poignante où le docteur Parnassus se retrouve loin de sa fille et du monde réel, retournant ainsi dans ce qu'il sait faire de mieux : raconter des histoires. L'unique problème c'est qu'il faut endurer 1h40 complètement plate et hideuse pour voir ces dernières images.

* * * *   

Johnny Depp. Metropolitan FilmExport 

Partager cet article
Repost0
7 novembre 2009 6 07 /11 /novembre /2009 15:05

                                                   Sony Pictures Releasing France

 - Film américain sorti le 11 novembre 2009

 - Réalisé par Roland Emmerich

 - Avec John Cusack, Chiwetel Ejiofor, Amanda Peet,…

 - Science fiction, Catastrophe

          Les Mayas nous ont transmis une prophétie : leur calendrier prend fin en 2012, et notre monde aussi. Depuis, les astrologues l'ont confirmé, les numérologues l'ont prédit, les géophysiciens trouvent cela dangereusement plausible, et même les experts scientifiques gouvernementaux finissent par arriver à cette terrifiante conclusion. Lorsque les plaques tectoniques se mettent à glisser, provoquant de multiples séismes et détruisant Los Angeles au passage, Jackson Curtis, romancier, et sa famille se jettent à corps perdu, comme des millions d'individus, dans un voyage désespéré. Tous ne pourront pas être sauvés...

 

John Cusack. Sony Pictures Releasing FranceJohn Cusack. Sony Pictures Releasing France

          La fin du monde est proche... encore une fois. Roland Emmerich revient avec ce qu'il sait faire de mieux : tout faire péter avec une rare subtilité. Il avait détruit le monde (enfin les Etats-Unis, mais c'est la même chose) dans le très patriotique Independance Day. Il s'était ensuite amuser à casser les buildings de New York avec Godzilla. Enfin il avait de nouveau détruit le monde (enfin les Etats-Unis, à part une courte scène au Japon) avec une catastrophe écologique de grande ampleur dans Le Jour d'après. Avec 2012, il bénéficie d'un budget colossal lui permettant ainsi d'assouvir définitivement son fantasme de gosse : détruire le monde d'une manière ultime (enfin surtout l'Amérique, avec quelques rares escapades dans le reste du globe).

          Quant on connait un tant soit peu la filmographie d'Emmerich et qu'on va voir 2012, c'est qu'on renonce, d'une certaine façon, à s'offusquer encore une fois cet américanisme primaire présent dans la grande majorité de ses films. Avec Le Jour d'après, Emmerich semblait cependant amorcer un tournant plus critique envers la « plus grande nation du monde », dénonçant la désinvolture de nombreux politiciens face aux problèmes écologiques (avant de bousiller son film en le terminant sur le discours moralisateur d'un des principaux politiciens qui avait refusé de s'occuper des tracas de Mère Nature). Dans 2012, Emmerich arrive quand même à placer les questions problématiques inhérentes à son sujet, sans pour autant les analyser pleinement : Que feraient les gouvernements vis-à-vis de la population s'ils apprenaient la fin imminente du monde ? Qui et qu'est-ce qui mérite d'être sauvé ? Comment réagirait l'Humanité face à L'Apocalypse ? Sauf que n'est pas Spielberg qui veut, et pourtant Emmerich aimerait bien l'être en reprenant comme modèle les rapports des personnages principaux de La Guerre des Mondes ; le remaniement de la phrase culte des Dents de la Mer, « Il nous faudrait un plus gros bateau », devenant ici « Il nous faudrait un plus gros avion » ; le coup du « on aurait pu en sauver plus » tout droit tiré de La Liste de Schindler…

          En fait les deux premiers tiers du film restent corrects, un peu trop de sentimentalisme certes, mais les personnages sont plutôt bien posés. Mais déjà Emmerich se laisse aller à du symbolisme lourdingue lorsque le directeur du Louvre, qui va révéler ce que le gouvernement veut à tout prix cacher, se fait assassiner dans le même tunnel que Diana auparavant. Et voila comment on bousille une idée intéressante (les sombres manigances des gouvernements pour cacher certaines choses aux populations) par une allusion ridicule. Un peu plus tard c'est le porte avion « J.F. Kennedy » qui vient détruire la Maison Blanche, emporté par un tsunami. Comment traiter sérieusement ces questions quand on a un tel niveau d'infantilité, surtout si l'on regarde la réplique finale du film où la petite fille annonce toute fière à son père qu'elle a arrêté les couches pour la nuit ? Ou encore lorsqu'on amène le président noir des Etats-Unis (accordons à Emmerich le fait que le tournage a eu lieu avant l'élection d'Obama) à chercher parmi les victimes et sous une pluie de cendres le père d'une petite fille ? On n'est quand même pas loin du président américain, dans un avion de chasse, qui dérouille de la soucoupe volante dans Indépendance Day. Alors oui, il montre l'apparition du fanatisme religieux face aux catastrophes mais ne s'en sert que pour montrer une courte destruction du Vatican. Oui, il montre que ceux qui serait sauvé en priorité seront les riches, et il critique ce fait jusqu'à ce qu'il accorde plus d'importance au sauvetage d'un chihuahua hideux qu'à la mort de dizaine de personnes. Enfin, et c'est le pire, 2012 est l'apologie bien pensante et religieuse de la famille. Elle est donc le seul moyen de survie et tous les autres sont condamnés (le nouveau mari est éliminé afin que l'ex puisse reprendre sa place, les pères indignes meurent, la femme nymphomane sera tuée alors qu'elle se trouve dans une pièce après celle des héros qui ont largement de quoi respirer,...). Tout cela se termine sur une morale judéo-chrétienne gonflante où le reste de l'humanité va vivre en Afrique (tiens donc !).

          Et pourtant 2012 reste bien supérieur à un navet comme Transformers 2. Pourquoi ? D'abord parce qu'Emmerich s'améliore lentement malgré tout puisque ses films commencent à  poser des questions pertinentes, même si son projet d'adaptation du monument de la science-fiction qu'est la « Fondation » d'Asimov est toujours voué à l'échec vu son incompatibilité totale avec le sujet (d'ailleurs Emmerich semble encore incapable de faire autre chose correctement qu'un film catastrophe). Une scène anodine n'aurait sûrement pas été présente dans un film d'Emmerich dix ans plus tôt : le jeune Adrian déclare à la fille du président que ce qui fait vivre, voire survivre, la culture ou une oeuvre, ce n"est pas d"être choisi, considéré par un groupe de personne, une élite, comme un chef-d"oeuvre mais d'être lu ou vu par quelqu'un. Oui c'est bien dans un film de Roland Emmerich. La seconde raison est que les scènes d'actions et les effets spéciaux de ce film sont les plus impressionnants de l'année, en tout cas jusqu'à la claque très probable de l'Avatar de Cameron à la mi-décembre. Là où Michael Bay échoue perpétuellement, Emmerich livre des scènes de destructions complètement démentielles et d'une grande beauté plastique : celle de Los Angeles lors d'un tremblement de terre est scotchante tellement elle est extrême (une pluie de voitures, de trains, de buildings et de donut géant) ; celle de l'éruption du super-volcan de Yellowstone est absolument magnifique (imaginez une explosion de dix bombes atomiques suivi d'un « tsunami » de cendres, d'une chute de « météorites » et d'un autre séisme ; celles où l’on voit Las Vegas et Hawaï ravagés... Il en devient même difficile de les décrire puisqu'elles atteignent un niveau de démence effarant : un bateau gigantesque et quasi-indestructible, que l'on nomme l'Arche (allez savoir pourquoi), qui fait du « Space Mountain » entre les sommets de l'Himalaya, emporté par un tsunami d'un kilomètre et demi de haut…

          2012 est un film trop long d'au moins une demi-heure, presque tout le temps niais (les vingt dernières minutes sont étourdissantes de conneries bien pensantes), avec une morale douteuse, un peu trop patriotique, mais qui offre cinquante minutes de destructions éblouissantes de sauvagerie, de violence et de beauté. Ce qui n'est donc pas si mal et lui assure ainsi le statut de blockbuster de l'année, enfin jusqu'à l'arrivée d'Avatar…...

* * * *  
Sony Pictures Releasing France

Partager cet article
Repost0
26 octobre 2009 1 26 /10 /octobre /2009 17:53

                                                    Warner Bros. France

 - Film français sorti le 28 octobre 2009

 - Réalisé par Jean-Pierre Jeunet

 - Avec Dany Boon, André Dussollier, Nicolas Marié,…

 - Comédie

          Une mine qui explose au coeur du désert marocain et, des années plus tard, une balle perdue qui vient se loger dans son cerveau... Bazil n'a pas beaucoup de chance avec les armes. La première l'a rendu orphelin, la deuxième peut le faire mourir subitement à tout instant. A sa sortie de l'hôpital, Bazil se retrouve à la rue. Par chance, ce doux rêveur, à l'inspiration débordante, est recueilli par une bande de truculents chiffonniers aux aspirations et aux talents aussi divers qu'inattendus, vivant dans une véritable caverne d'Ali-Baba : Remington, Calculette, Fracasse, Placard, la Môme Caoutchouc, Petit Pierre et Tambouille. Un jour, en passant devant deux bâtiments imposants, Bazil reconnaît le sigle des deux fabricants d'armes qui ont causé ses malheurs. Aidés par sa bande d'hurluberlus, il décide de se venger. Seuls contre tous, petits malins contre grands industriels cyniques, nos chiffonniers rejouent, avec une imagination et une fantaisie dignes de Bibi Fricotin et de Buster Keaton, le combat de David et Goliath... 

 

Dany Boon. Warner Bros France - Bruno CalvoMichel Crémadès, Dany Boon et Julie Ferrier. Warner Bros France - Bruno Calvo

          Après cinq ans d'absence avec Un long dimanche de fiançailles et de nombreux projet avorté comme l'adaptation de l'« Histoire de Pi », Jean-Pierre Jeunet revient avec Micmacs à tire-larigot. Retour très attendu puisque Jeunet est objectivement l'un des réalisateurs français les plus ambitieux, en termes d'histoires, de style et de budgets. C'est pour cette raison que ce nouveau film est une semi-déception.  

          En effet on y retrouve la patte de Jeunet avec ce mélange d'imaginaire, de France idéalisée et d'idées farfelues. Ce nouveau film est bien une bonne bouffée d'air frais avec cette « naïveté » et cet optimisme. L'humour y fait aussi souvent mouche, les dialogues étant quand même plutôt bien écrit. Mais la sauce ne prend plus. Pourquoi ? Parce que ce que Jeunet considère comme un « style » peut surtout se voir comme une énième répétition du même sujet. La structure narrative (le synopsis mais aussi les dialogues, la mise en scène) est beaucoup trop semblable à un certain Amélie Poulain. Jeunet est absolument incapable d'adapter sa mise en scène à un genre, Alien, la résurrection étant objectivement le véritable assassin du mythe « Alien » (sûrement l'un des pires films à gros budget jamais réalisé) bien avant les innommables Alien vs Predator. Comme il ne peut s'habituer à différents sujets il reste donc cantonné à ce qu'il sait faire de mieux : la fable, le conte. Cependant cette technique ne marche qu'un temps et il suffit pour cela d'observer le cas de Terry Gilliam et surtout de Tim Burton. Ce dernier fut dans les années 90 un génie précoce du cinéma, enchainant carrément les chefs-d'oeuvre avec Edward aux mains d’argent, Batman : Le défi, Ed Wood et Mars Attacks !. Le problème est qu'au bout d'un moment Tim Burton a fini par se répéter mais en moins bien avec Big Fish, le moyen Charlie et la chocolaterie, le très pâle Les Noces Funèbres et Sweeney Todd où il rate sa tentative de faire une bonne comédie musicale (et ne parlons pas du remake de La Planète des Singes qui marque la « mort » symbolique de ce réalisateur). Jean-Pierre Jeunet semble, au même titre que Burton, condamner à se répéter : faire et refaire des fables de plus en plus niaises, reprendre éternellement les mêmes acteurs (Dominique Pinon, André Dussollier pour le premier ; Johnny Depp et Helena Bonham Carter pour le second), impuissance face à un autre type de film (la science fiction avec Alien 4 et La Planète des Singes ; le film de guerre et le drame avec Un long dimanche de fiançailles ; la comédie musicale pour Sweeney Todd),... Avec Micmacs à tire-larigot, Jeunet a atteint un point dangereux où son cinéma ne fonctionne plus avec autant d'effets et de surprise qu'avec Amélie Poulain ou La Cité des Enfants Perdus, ce qui ne laisse pas vraiment présager un avenir optimiste à sa future carrière.

          Cependant Jeunet n'est pas encore arrivé au point où il faille tout jeter de ses films. Micmacs à tire-larigot possède une certaine beauté visuelle, si l'on n'est pas allergique au filtre jaune, et qui n'étouffe pas les émotions des personnages sous un tas écoeurant d'effets de style plus ou moins de bons goût comme dans son précédent film (ce détail étant probablement dû à l'absence de Bruno Delbonnel qui est allé faire mumuse avec sa caméra et ses filtres de toutes les couleurs dans Harry Potter et le Prince de Sang-mêlé). Si la plupart des acteurs sont plutôt dans un surjeu ahurissant, qui ne bénéficiera qu'à un André Dussollier délectable en méchant vendeur d'armes qui collectionne des parties humaines de célébrités comme les ongles de Churchill, on peut néanmoins être surpris par l'interprétation tout en finesse de Dany Boon, assez proche du cinéma muet, et qui délaisse pour le coup les gags (très) poussifs du difficilement supportable Bienvenue chez les Ch'tis. L'une des premières séquences, celle où le héros Bazil reçoit une balle dans la tête, est aussi la plus réussie par son montage et ses choix de cadrages.

          Et là il faut bien revenir aux défauts, assez nombreux, de Micmacs à tire-larigot. Le plus gênant est très clairement son scénario qui, sous prétexte que le film soit une fable, se permet des raccourcis trop faciles qui annule tout suspense quant à son dénouement. La majorité des personnages sont caricaturaux, se limitant à chaque fois à une seule particularité qu'ils exploitent pendant tout le long métrage (mais Jeunet ressortira l'excuse de la fable pour justifier ses personnages). Le dénouement final ne surprend pas tant il a été revu (on se croirait presque dans une version « cheap » de la série « Mission Impossible ») et l'argument d'une pseudo dénonciation du trafic d'armes finit par franchement mettre mal à l'aise (surtout avec les photos d'orphelins ou de blessés). Reste un film qui se regarde sans problème mais qui ne résisterai pas à un second visionnage. En fait il ne résiste pas cinq minutes après la sortie en salle.

* * * *

André Dussollier. Warner Bros France - Bruno Calvo

Partager cet article
Repost0
25 octobre 2009 7 25 /10 /octobre /2009 18:57

                                                   Les Films du Paradoxe

 - Film allemand et autrichien sorti le 21 octobre 2009

 - Réalisé par Michael Haneke

 - Avec Christian Friedel, Ernst Jacobi, Leonie Benesch,…

 - Drame

          C'est l'histoire d'enfants et d'adolescents d'une chorale dirigée par l'instituteur d'un village protestant de l'Allemagne du Nord, à la veille de la Première Guerre mondiale, et celle de leurs familles : le baron, le régisseur du domaine, le pasteur, le médecin, la sage-femme, les paysans,... D'étranges accidents surviennent et prennent peu à peu le caractère d'un rituel punitif. Qui se cache derrière tout cela ?...

 

Ulrich Tukur. Les Films du ParadoxeLes Films du Paradoxe

          L'image d'Isabelle Huppert qui remet presqu'en larmes la Palme d'Or à son ami Michael Haneke, qui lui avait permis de remporter autrefois un second Prix d'Interprétation, laissait planer un soupçon de favoritisme. Après visionnage du film on peut dire que, même s'il n'est pas le meilleur de la compétition, Le Ruban Blanc n'est pas indigne à recevoir une telle récompense.

          Le principe même du film, qui est d'ailleurs révélé dès les premières phrases de la voix off, est de montrer ce qui a poussé une génération à sombrer dans le nazisme. Projet ambitieux donc mais qui va constituer la faiblesse majeure du film d'Haneke. En effet, l'idée de réduire cette démonstration à un simple village perdu dans la campagne est quelques peu contestable, d'ailleurs Haneke ne préviendra le spectateur de son objectif de départ qu'une seule fois, tout de suite après le générique de début complètement silencieux. L'autre paradoxe du Ruban Blanc est sa critique de la morale et de la rigueur excessive, qu'il semble considérer comme les origines de cette future violence, alors qu'il en emprunt sa réalisation. De plus, Haneke semble avoir le gout de la violence, toujours hors-champ certes mais c'est ce qui la rend d'autant plus forte, alors que son propos est souvent de dénoncer son usage excessif comme dans son fameux Funny Games.

          Néanmoins si on passe sur ces quelques défauts, Le Ruban Blanc demeure un magnifique film qui prend le risque de dérouter, voire de perdre, son public avec l'utilisation du noir et blanc, d'un rythme particulièrement lent et d'une absence presque totale de suspense et de musique à l'exception des rares choeurs de la chorale. Les acteurs, presque tous inconnus, sont tout simplement brillants, notamment les enfants et Burghart Klaussner qui joue avec une très grande subtilité. S'il vaut mieux, en découvrant Le Ruban Blanc, faire abstraction de cette recherche de l'origine du nazisme, il n'en demeure pas moins que le dernier film d'Haneke montre, d'une manière poignante et efficace, l'apparition de la « violence ordinaire ». Certaines scènes sont éprouvantes, comme la lente correction de deux enfants par leur père pasteur, mais elles sont toujours filmées en hors-champs et sans coupure pour accentuer leur aspect réaliste et insupportable.

          Ponctué de séquences fortes (la découverte de la mort par un petit garçon, le docteur qui avoue à sa maitresse la haine qu'il lui porte, la séparation entre le baron et sa femme, la révélation des doutes du professeur sur l'identité des responsables au pasteur,...), Le Ruban Blanc captive avant tout le spectateur par sa très grande beauté plastique. On peut d'ailleurs dire que le film d'Haneke est à la photographie ce que Barry Lyndon de Kubrick est à la peinture. Tout en plan séquence, avec de lent travellings et d'un noir et blanc sublime (Le Ruban Blanc aurait surement été moins intéressant s'il avait été filmé en couleurs), le film propose une galerie de portrait (des personnages mais aussi dans le sens photographique du terme) d'une austérité effarante qui accentue encore plus ce cadre insupportable et étouffant du protestantisme.  

          Si le dénouement semble un peu expédié, réduisant à néant cette étude de « l'origine du nazisme » puisqu'elle n'aboutit sur une aucune conclusion, il permet néanmoins de laisser le spectateur interpréter ce qu'il a vu sans abattre à coup de marteau sa moralité finale. Les méchants ne sont donc pas si noirs et les gentils pas si blancs que cela, il sera d'ailleurs paradoxal d'observer que celui qui prêche la pureté du fameux ruban est, au départ tout du moins, l'un des personnages les plus inquiétants du village. Enfin on partira avec un doute désagréable sur l'innocence, justement, et la « pureté », que la morale s'efforce à leur inculquer, de ces jeunes anges blonds qui, s'ils ne deviennent pas barbares dans les décennies qui vont suivre, le sont déjà...

* * * * 

Les Films du Paradoxe

Partager cet article
Repost0
25 octobre 2009 7 25 /10 /octobre /2009 10:43

                                                        UGC Distribution

 - Film français sorti le 21 octobre 2009

 - Réalisé par James Huth

 - Avec Jean Dujardin, Michael Youn, Alexandra Lamy,…

 - Comédie, Western

          Au cours de sa mission à Daisy Town, la ville qui l'a vu grandir, Lucky Luke, « l'homme qui tire plus vite que son ombre », va croiser Billy The Kid, Calamity Jane, Pat Poker, Jesse James et Belle...

 

Jean Dujardin. Christine TamaletJean Dujardin. Christine Tamalet

          L'adaptation au cinéma de bandes dessinées est un exercice excessivement « casse-gueule » et hormis les rares films de super-héros réussis (Batman : Le Défi, The Dark Knight, Superman et la trilogie Spider-man pour ne citer que les meilleurs) ce procédé accouche bien trop souvent de films moyens (X-men, Astérix Mission Cléopâtre, Watchmen) voire plutôt médiocres (Astérix contre César et Aux Jeux Olympiques, Iznogoud). Lucky Luke a déjà plusieurs fois souffert avec d'abord le film assez fade de Terence Hill, puis sur le terrible navet Les Dalton. Autant dire qu'une bonne adaptation de Lucky Luke restait à faire. Ce n'est pas encore pour cette fois.

          Partant du principe que la franchise avait besoin d'être « reboosté » alors qu'elle n'avait encore jamais eu l'occasion d'être décemment lancé, les scénaristes ont jugé intelligent de montrer un pseudo traumatisme qui expliquerait l'ambiguïté de Lucky Luke et son besoin de solitude. Ceci est donc déjà un aveu d'échec. En effet, la mode est au « reboot », c'est-à-dire refaire une ancienne franchise en y injectant une certaine modernité. Si le résultat est souvent décevant, il y a déjà eu quelques perles cinématographiques avec ce procédé. Prenons les deux fers de lance qui ont lancé cette mode et qui constituent les plus grandes réussites de cette refonte : Batman Begins de Christopher Nolan et Casino Royale de Martin Campbell. Cela peut sembler étrange mais Lucky Luke a de nombreux points communs avec ces deux films qu’il leur a de toute évidence volé ni vu, ni connu. En effet, comme Batman, Lucky Luke a été victime d'un traumatisme particulièrement violent : il a assisté à l'assassinat de ses parents (le tout filmé avec un abominable filtre rouge). Comme James Bond, Lucky Luke se sentira blessé par la trahison de la femme qu'il aime, le confortant ainsi à rester seul. Et enfin, comme Batman et James Bond, ses traumatisme questionneront son statut de héros et son recours à la violence (Doit-il tuer ? Céder à la vengeance ?). Hormis le fait que cette « psychologie du personnage » soit pompée à droite et à gauche et qu'elle soit totalement absente des bande dessinée, il faut aussi, et surtout, préciser qu'elle n'a pas lieu d'être dans ce film. Doit-on rappeler que ces deux fameuses « modernisations de mythe » selon la presse est avant tout un retour au source qu'une exploitation excessive avait effacé : Batman étant devenu une icône gay et fluo, il fallait bien rappeler que c'est un psychopathe traumatisé et vengeur et James Bond n'était pas non plus à l'origine cette figure grotesquement kitsch et détaché de tout sentiment dont les aventures était devenu plus immondes les unes que les autres (il est encore difficile de se remettre de Meurs un autre jour qui n'aura eu comme seul avantage le fait qu'étant allé trop loin il a permis indirectement la réalisation de l'un des meilleurs épisodes de la série). Cette psychologie à l'origine absente du personnage de Lucky Luke n'avait donc rien à faire là.

          Cependant, l'équipe du film et quelques irréductibles rétorqueront qu'il faut savoir se détacher de l'oeuvre qu'on adapte. Certes, mais faut-il pour autant la massacrer par de la noirceur inutile et peu crédible ? Parce que très clairement Huth ne sait pas quoi choisir entre la noirceur, la complexité et l'humour, le détachement. Ainsi le sacrifice de Belle sera ridiculisé par les répliques « drôles » de l'assassin. Huth s'essaye à la noirceur mais a tellement peur de perdre son public, majoritairement des jeune ou des fans de la bande dessinée, qu'il l'alterne très maladroitement avec des scènes comiques. C'est donc une tentative ratée, mais le problème vient aussi du fait que l'humour avec lequel Huth contrebalance ses scènes « sombres » est à l'opposé de celui de la BD (mais à la limite l'humour Canal+ fonctionnait plutôt bien avec le second épisode d'Astérix) et surtout n'arrive même pas à faire sourire. Les blagues tombent presque toutes à plat, les gags visuels peinent franchement à faire rire quand ils n'agacent pas. C'est donc un ratage sur tout les tableaux et ce n'est surement pas le scénario vide qui y changera quelque chose tant il y a de clichés (c'est à croire que les scénaristes voulaient se foutre de nous : contrairement à ce qu'on aurait pu croire le grand méchant n'est pas mort au milieu du film, la femme qu'aime Lucky Luke le trahira mais elle pensait que c'était pour son bien parce qu'elle aime depuis qu'ils se sont connus étant enfants, le vieil oncle tout gentil est en fait l'organisateur du complot,...).

          Si l'humour, déjà pas terrible à l'écrit, n'arrive pas à décoincer les zygomatiques c'est surtout par le jeu catastrophique des acteurs. Jean Dujardin se croit dans OSS 117 (aucune, mais vraiment aucune variation de jeu si ce n'est qu'elle est moins drôle) et essaye vainement d'imiter Bruce Wayne ; Daniel Prévost ne fait aucun effort pour faire oublier qu'il est Daniel Prévost ; Michaël Youn étant à l'origine un véritable poison pour le cinéma et la comédie est en roue libre dans son interprétation d'un attardé mental qui se prend pour un gosse (Billy the Kid) ; Sylvie Testud se plante lamentablement dans son rôle de Calamity Jane, femme très masculine qui a en fait un coeur d'artichaut puisqu'elle est amoureuse de Lucky Luke qui devra choisir entre elle et Alexandra Lamy (bonjour le choix), cette dernière ne rendant pas son personnage charismatique une seule microseconde ; et enfin le meilleur de tous, Melvin Poupaud, qui se contentera de réciter des extraits de Shakespeare, pour symboliser sa grosse tête, avec un ton tellement peu convaincant qu'il en est sérieusement pathétique. Aucune séquence ne rachète l'autre, et surtout pas la plus consternante où Youn et Poupaud, en mode cabotinage extrême, fume le brin d'herbe de Lucky Luke. Le tout se terminera avec un final ridicule et fatigant où se mêlent très mal la lutte intérieure de Lucky Luke et l'humour des combats.

          Et pourtant il y a les moyens financiers pour faire un bon western français. Les décors, très sous exploités, sont vraiment crédibles et la photographie se permet même parfois d'être audacieuse, quitte à tomber dans l'effet de style inutile. Une scène arrive malgré tout à émerger du lot : celle où Luke braque Pat Poker, tout les deux entouré de noir pour symboliser la vengeance qui s'empare de lui et qui disparait un seul instant en faisant réapparaitre le décor qui s'effacera de nouveau. C'est clair par contre qu'on n'aura pas de western français novateur et réussi si on se contente de copier pâlement le style de Sergio Leone et que l'on préfère s'appuyer sur un nom qui garanti le succès commercial mais pas forcément le succès artistique (comme c'est aussi le cas du récent Petit Nicolas). Que Huth veuille faire un western travaillé sur le fond et la forme c'est tout à son honneur, qu'il se contente pour cela de reprendre une BD comique et adulée pour la démolir et rater son projet initial est avant tout une preuve de manque d'audace et de talent.

* * * *  

Melvil Poupaud, Jean Dujardin, Sylvie Testud et Michaël Youn. Christine Tamalet

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : L'Ecran Masqué
  • : Un blog regroupant les critiques et les articles de deux frères, cinéphiles amateurs mais érudits (un peu, en tout cas)
  • Contact

Compteur de visites

Archives