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29 décembre 2010 3 29 /12 /décembre /2010 23:13

                                                 

 - Film américain sorti le 29 décembre 2010

 - Réalisé par Edward Zwick

 - Avec Jake Gyllenhaal, Anne Hathaway, Oliver Platt,…

 - Romance, Comédie

            A New-York, durant les années 90, Jamie est un jeune commercial redoutable dont l'assurance - et le physique avantageux - sévissent aussi bien auprès des femmes que dans l'univers implacable de l'industrie pharmaceutique où, entre antidépresseur et dopants sexuels, il parvient finalement à tout vendre. Mais il y a une personne qui semble insensible aux charmes de Jamie : Maggie. Une jeune femme très séduisante et furieusement indépendante qui, comme Jamie, fuit l'engagement émotionnel, mais pour des raisons très différentes. Elle est atteinte d'une maladie chronique et a décidé de vivre uniquement au jour le jour. Malgré eux, ce qui devait être une histoire sans lendemain va alors s'intensifier. Tous deux vont bientôt voir leurs principes respectifs malmenés et devenir accros à la plus puissante des drogues qui soit : l'amour...

Anne Hathaway. Twentieth Century Fox FranceAnne Hathaway et Jake Gyllenhaal. Twentieth Century Fox FranceJake Gyllenhaal. Twentieth Century Fox France

            C'est la période des fêtes et quoi de mieux pour finir l'année que d'aller voir une comédie romantique pour se détendre avant une rentrée chargée ? Love, et autre drogues (drôle de titre mi-anglais et mi-français qui, espérons-le, ne lancera pas une nouvelle mode chez nos amis les distributeurs) semble un choix tout indiqué puisque la bande annonce laissait penser à une histoire assez classique avec en vedette deux jeunes acteurs doués. Mais si le film suit un schéma assez éculé, de nombreux rebondissements étant connus d'avance puisqu'étant récurrents dans bon nombre de film de ce type, il réserve néanmoins quelques surprises que ne laissaient pas présager la bande annonce, le titre peu engageant et l'affiche ignoble. 

            Edward Zwick n'est pas vraiment ce qu'on peut appeler un auteur, dans le sens où ses films n'ont quasiment jamais rien en commun que ce soit par leur sujet ou la façon dont ils sont mis en scène. Mais on peut plutôt le considérer au même titre que Ridley Scott, à un degré moindre puisque Zwick n'a jamais fait et ne fera probablement jamais de films atteignant le niveau d'un Alien ou d'un Blade Runner, comme un faiseur particulièrement doué. Il a donc une certaine aptitude, louable, à savoir bien illustrer et rendre justice aux scripts qu'il accepte de réaliser. Bien évidemment, rien ne rapproche son Love, et autres drogues aux autres de ses quelques grands faits d'armes que son Le Dernier Samouraï et Blood Diamond. Le film n'entrera clairement pas dans les mémoires puisqu'il ne révolutionne pas le genre et réutilise un certain nombre d'éléments déjà très employés dans d'autres films aux sujets similaires. Mais on peut au moins constater le grand effort d'écriture qui a été fait. Les personnages principaux sont bien caractérisés et ne cèdent à aucun instant à la caricature. La première qualité de Love, et autres drogues est que l'on croit au couple principal et à la crédibilité de leur relation, et qu'à aucun moment on éprouve l'envie d'étrangler les deux personnages principaux comme dans des long-métrages du type Valentine's Day

            La première démarcation du film de Zwick vis-à-vis des productions de ce genre est sa volonté de parler de la sexualité sans tabou. A l'inverse des nombreux long-métrages très prudes sur le sujet (car enquillant les stars et étant produit par les grands studios pour une distribution de masse), Love, et autres drogues parle de sexe sans langue de bois et n'hésite pas à montrer des corps (bien) dénudés. Rien d'obscène, mais juste des scènes de sexe crédibles et passionnées. Et pour le coup, le film de Zwick prend un grand contre-pied par rapport au reste des comédies romantiques grand public, surtout quand on remarque que celui-ci est quand même produit par la 20th Century Fox, réputé pour être un des studios les plus restrictifs en terme de libertés pour le metteur en scène (en plus d'avoir produit un paquet de films consensuels voire franchement ratés ces derniers temps). Preuve s'il en est que Love, et autres drogues est un film plus audacieux qu'il n'y parait. 

            L'autre point fort du long-métrage d'Edward Zwick est son aptitude à jongler savamment entre comédie vraiment drôle et drame très prenant et émouvant. Le premier aspect est en grande partie assuré par Jamie, savoureusement interprété par Jake Gyllenhaal qui se fait ici pardonner de s'être compromis cette année dans la production de Bruckheimer Prince of Persia. Ambitieux, séducteur insensible, beau, il représente à merveille le play-boy fade qui va enfin rencontrer le grand amour qui le changera à jamais. Cependant, Gyllenhaal ne le rend jamais détestable, bien au contraire même puisqu'il en fait un adolescent attachant dans le corps d'un adulte qui se montre pas si expérimenté sur les femmes qu'il en avait l'air de prime abord (excellente scène où, après avoir dit « Je t'aime » pour la première fois, il est pris d'une crise de panique). Il est accompagné de Josh Randall, son frère « geek » très collant qui vient de se faire larguer et qui est joué par Josh Gad (dont le rôle est marrant mais parfois un poil agaçant), et de Bruce Winston, son mentor dans la vente pharmaceutique bien plus complexe qu'il n'y parait et qui est incarné par Olivier Platt. 

            Mais la partie la plus réussie de Love, et autres drogues est lorsque le film lorgne davantage vers le drame. Ce que ne dit pas la campagne marketing, probablement pour ne pas effrayer les potentiels spectateurs qui trouveraient le sujet trop glauque, c'est que le personnage de Maggie, joué par une Anne Hathaway au sommet de sa forme, est atteint de la maladie de Parkinson. On craint un moment une seconde partie et une fin plus à l'eau de rose et tragique, un peu à la Love Story, mais le film de Zwick se montre assez intelligent en se focalisant plutôt sur le questionnement intérieur de Jamie : supportera-t-il la maladie de sa compagne toute sa vie alors qu'il peut être libre et vivre une vie « normale » avec une autre ? Ne passera-t-il pas alors à côtés de ses rêves pour rester « coincer » auprès d'elle car ne pouvant décemment l'abandonner ? De même, Maggie souffre de ce handicap puisqu'elle refuse de pourrir la vie de celui dont elle finit par tomber amoureux. Love, et autres drogues se montre donc bien mieux construit que beaucoup d'autres comédies romantiques opportunistes  se contentant du couple phare dont ils disposent. 

            Love, et autres drogues clôture ainsi cette année sur une note assez décente. Car si le film possède pas mal de défauts, dont beaucoup sont inhérents au genre même de la comédie romantique, et qu'il n'est vraiment pas un « film de mise en scène », il est suffisamment bien écrit et courageux pour mériter le détour. Et puis si vous voulez voir deux jeunes acteurs en pleine possession de leurs moyens et qui ont une vraie complicité bénéfique au long-métrage, au lieu de voir The Tourist, ruez vous vers le film de Zwick. 

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Anne Hathaway et Jake Gyllenhaal. Twentieth Century Fox FranceAnne Hathaway et Jake Gyllenhaal. Twentieth Century Fox France

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28 décembre 2010 2 28 /12 /décembre /2010 20:33

                                              

 - Film espagnol sorti le 22 décembre 2010

 - Réalisé par Guillem Morales

 - Avec Belén Rueda, Lluis Homar, Julia Gutiérrez Caba,…

 - Epouvante - horreur, Thriller

            Quand Julia apprend la mort soudaine de sa soeur Sara, tout semble clairement indiquer qu'elle s'est suicidée. Mais Julia n'arrive pas à accepter cette version des faits et commence à passer au crible les évènements qui ont eu lieu les derniers mois avant le drame. La découverte d'éléments déconcertants, en désaccord avec la personnalité de Sara, et sa rupture de contacts avec son entourage, ne font que nourrir les soupçons de Julia quant aux circonstances réelles du décès. Décidée à résoudre l'énigme de cette ultime période, Julia devient l'objet d'une singulière menace qu'aucune autre personne autour d'elle, y compris son mari Isaac, ne semble percevoir, alors même que la maladie dégénérescente dont elle souffre prend le dessus, la plongeant petit à petit dans l'obscurité. La compréhension et l'amour d'Isaac avaient jusqu'alors eu raison des attaques de cécité de Julia, mais une série d'incidents inquiétants, et toujours plus violents, menacent son équilibre, l'enfermant inexorablement dans le monde des ténèbres, à la merci de la présence terrifiante qui s'y terre...

Belén Rueda et Lluis Homar. Universal Pictures International FranceBelén Rueda. Universal Pictures International France

            On le sait depuis quelques années, le cinéma hispanique fantastique est entré dans une belle période, notamment depuis [Rec] de Paco Plaza. L'une des grandes références dans ce domaine a été L'Orphelinat réalisée par Juan Antonio Bayona et produite par Guillermo Del Toro. Excellent film ayant reçu un joli accueil public et critique et qui était d'une réelle efficacité en plus d'être très émouvant. A l'exception du réalisateur, remplacé par Guillem Morales, un novice ayant mis en scène un premier film intitulé El Habitante Incierto, l'équipe de L'Orphelinat se reforme trois ans après avec Les Yeux de Julia

            On ne change donc pas une équipe qui gagne et le résultat est, sans vraie surprise, une belle réussite. Les Yeux de Julia fait d'abord la part belle à l'actrice principale, Belén Rueda, déjà héroïne de L'Orphelinat. Elle est de presque chaque plan et l'histoire est vue à travers « ses yeux », ce qui amène donc son interprétation à être une des clés du succès de ce long-métrage. Là encore pas vraiment de surprise pour tous ceux qui ont vu sa prestation dans L'Orphelinat, elle se montre toujours bouleversante tout en ayant l'intelligence de ne pas tomber dans le pathos ou les excès. Elle bénéficie aussi d'une écriture particulièrement soignée de son personnage qui, au fil du long-métrage, se révèle complexe et mouvant, dans le sens où son personnage n'est jamais passif. Au contraire, tout comme dans le film de Bayona, Les Yeux de Julia montre l'évolution d'une femme obligée de faire face à de nombreuses et éprouvantes épreuves afin de se préparer à son inévitable cécité. Comment aborder le monde quand on ne le voit plus ? C'est à ce problème de taille que Julia est confrontée. Elle est d'abord anxieuse par l'inéluctabilité de cet évènement (la difficulté de ne plus voir ceux que l'on aime et la crainte que ceux-ci s'en aille, ne supportant pas le poids de ce handicap), puis doit se résoudre à l'affronter dans la seconde partie du film où, après une opération, elle doit rester quinze jours avec un bandeau sur les yeux.  

            Les Yeux de Julia, tout comme L'Orphelinat, est, derrière son air de thriller horrifique et fantastique efficace, avant tout un drame sur un couple qui subit soudainement un douloureux évènement (la disparition de leur enfant dans le film d'Antonio, la mort de la soeur et la perte de la vision dans celui de Morales) ainsi que sur la façon dont il essaye de s'en sortir. Guillem Morales n'en oublie cependant pas le côté thriller angoissant de l'histoire, bien au contraire même puisque son film est plus terrifiant que celui d'Antonio. La scène d'introduction est d'ailleurs très réussie puisqu'elle arrive à instaurer un climat mystérieux et inquiétant avec cette femme aveugle qui semble parler toute seule avec, comme fond sonore, la chanson « The Look of Love », choix absolument pas innocent au vu du sujet du film. Le film débute d'abord comme une enquête policière classique, l'héroïne refusant de croire à un suicide de sa soeur et trouvant sa mort suspecte.  

            Mais Les Yeux de Julia bascule rapidement dans le domaine de l'horreur et du fantastique après quelques scènes aux effets particulièrement efficaces, notamment celle du cimetière et celle dans un vestiaire de femmes aveugles ainsi que la poursuite qui s'en suit. Car en effet, très vite l'héroïne et le spectateur réalisent qu'ils ne sont pas seuls. Un homme les suit. Mais celui-ci a une particularité plutôt embêtante : personne ne le voit. Pas même l'héroïne ou le spectateur qui ne devine sa présence que par des silhouettes furtives sans visage. Le film se rapproche un temps au Hollow Man, l'homme sans ombre de Paul Verhoeven qui était une variante morbide et perverse de « L'Homme Invisible » de Wells (que ferait-on si on pouvait être invisible ?). Ici, Julia se trouve menacé par un « homme-fantôme » aux intentions peu louables qu'elle soupçonne d'être en grande partie responsable de la mort de sa soeur. Invention de l'esprit troublée de Julia par les récents traumatismes qu'elle a subi (et qu'elle s'apprête à vivre) ou menace bien réelle perceptible uniquement par ceux qui perdent la vision ? 

            C'est au bout d'une heure que le film prend un virage complet. D'abord par la disparition d'un des personnages secondaires importants et par le fait que l'héroïne, après une crise de cécité particulièrement grave, se fasse opérer, l'obligeant ainsi à porter un bandeau pendant deux semaines pour ne pas abimer ses nouveaux yeux. Livrée à elle-même et dans le noir, elle est désormais seule. Enfin pas exactement. En plus de prendre un tour plus réaliste et avec l'arrivée d'un nouveau personnage dont on ne voit jamais le visage (puisque l'héroïne ne le voit alors pas), cette seconde heure se révèle être la plus éprouvante. C'est à ce moment là qu'a évidemment lieu le « face-à-face » entre l'héroïne et cette « ombre au regard chargé de haine ». La bonne idée de Morales est alors d'utiliser les éléments fantastiques de son récit comme des métaphores littérales de la réalité. Comme si Julia, pendant qu'elle sombrait dans la cécité, commençait à percevoir le monde, les choses et les personnes d'une autre manière.  

            La dernière demi-heure est tout simplement terrifiante au fur et à mesure que Julia se retrouve sous l'emprise menaçante de cette ombre. Les Yeux de Julia flirte en fin de compte assez régulièrement avec le « giallo » auquel il redonne ses lettres de noblesse après la mort artistique de son porte étendard Dario Argento. Le film de Morales compte donc quelques courts plans gores assez marquants dont on retiendra particulièrement cette image d'une aiguille s'enfonçant dans un oeil (rappelant l'oeil tranché dans Le Chien Andalou) et qui constitue sans aucun doute, avec celui du labourage de gencive avec la fraise d'un dentiste dans Outrages de Kitano, l'une des plus ignobles de l'année. Guillem Morales se révèle comme un metteur en scène doué et inspiré, insufflant un fort dynamisme à son histoire et expérimentant de nombreux effets afin de faire vivre l'histoire de la façon la plus proche de celle de l'héroïne (personnages dont les visages ne sont pas cadrés, des effets de flou, jeux de lumière avec des silhouettes...). Les séquences finales sont brillantes de maîtrise et d'audace dont une séquence de poursuite dans le noir où la seule lumière sont les flashs d'un appareil photo et ce que l'on aperçoit sont donc des images subliminals apparaissant soudainement du néant alors que l'on entend que des bruits et que l'on ne peut qu'imaginer ce qui se passe ; Morales exploite d'ailleurs beaucoup et à bon escient cette maxime : « pour faire peur, mieux vaut en montrer le moins possible ». 

            Les Yeux de Julia est donc une nouvelle réussite pour le cinéma fantastique espagnol, mêlant drame intimiste, histoire d'amour, enquête policière mystérieuse et « slasher » horrifique, et qui ridiculise nos vaines tentatives hexagonales dans ce domaine. En plus de confirmer la bonne santé du milieu cinématographique ibérique, ce film affirme la naissance d'un metteur en scène au potentiel prometteur ainsi que le talent de Belén Rueda, une actrice charismatique. 

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Belén Rueda. Universal Pictures International FranceBelén Rueda. Universal Pictures International France

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27 décembre 2010 1 27 /12 /décembre /2010 12:53

                                                    

 - Film américain sorti le 15 décembre 2010

 - Réalisé par Florian Henckel von Donnersmarck

 - Avec Angelina Jolie, Johnny Depp, Timothy Dalton,…

  - Thriller, Drame

            Pour se remettre d'une rupture amoureuse, Frank, simple professeur de mathématiques, décide de faire un peu de tourisme en Europe. Dans le train qui l'emmène de Paris à Venise, une superbe femme, Elise, l'aborde et le séduit. Ce qui commence comme un coup de foudre dans une ville de rêve va vite se transformer en course-poursuite aussi énigmatique que dangereuse…

Angelina Jolie et Johnny Depp. StudioCanalAngelina Jolie & Johnny Depp. StudioCanal

            Il était une fois l'histoire d'un réalisateur allemand nommé Florian Henckel von Donnersmarck. Quelques années auparavant il avait réalisé un sublime film, La Vie des Autres, suivant Wiesler, un agent secret chargé d'espionner un couple d'artistes vivant à Berlin-Est durant la Guerre Froide. Le film eu un accueil critique / public impressionnant et justifié et a reçu à plusieurs reprises les plus hautes récompenses dans le milieu cinématographique. Comme beaucoup des talents naissants, il se laissa séduire par les sirènes d'Hollywood (les belles actrices, les paillettes, la thune à foison,...). Pourquoi ne pas tenter l'expérience après tout ? Et quoi de mieux pour se faire la main qu'un blockbuster reprenant le mélange bien connu et initié par Hitchcock de la comédie romantique et de l'espionnage glamour avec, en têtes d'affiche, les deux plus grandes stars du moment (comprenez qui rapporte le plus) pour la première fois ensemble ? 

            Le remake américain du film français Anthony Zimmer était cependant passé dans de nombreuses mains. Et quand on sait que le duo principal devait à l'origine être interprété par Charlize Theron et Tom Cruise, puis Sam Worthington après l'abandon de ce dernier avant de lui-même jeter l'éponge pour « différend artistique », et avec un moment derrière la caméra rien de moins qu'Alfonso Cuaron, on se dit que l'on a déjà pas mal perdu au change. Mais à première vue pourquoi pas, après tout le choix d'Angelina Jolie en héroïne de film d'espionnage semble tout indiqué et la présence de Depp dans ce type de projet ne pouvait l'amener qu'à changer de registre, ce qui était plutôt de bonne augure au vue de ses dernières prestations. Sauf que non en fait. Jamais le couple ne fonctionne et aucune alchimie n'est perceptible à l'écran, ce qui est bien embarrassant pour ce genre de film qui se vend entre autres pour son couple de stars. D'un côté Angelina Jolie livre le minimum syndical dans son rôle de « femme fatale à la Hitchcock », mais pour quiconque n'est pas sensible à son charme le résultat paraitra plutôt ridicule. Mais au moins elle semble avoir ses marques vu son habitude des productions de ce type. 

            La vraie erreur de casting, et par extension l'un des plus gros défauts de The Tourist, est la présence de Johnny Depp. Qui a bien pu penser un seul instant qu'il serait crédible dans un thriller d'espionnage ? Sûrement pas lui tant il semble perdu et inconsistant. C'est terrible à dire mais Depp vient de faire l'une des pires prestations de sa carrière, plus innommable encore que celle du Chapelier Fou dans Alice au pays des merveilles, c'est dire le niveau. N'y croyant à aucun moment, Depp ne dépasse pas les deux expressions de tout le film. Il ne parait jamais troublé, inquiet, heureux ou amoureux, il est tout simplement monolithique. Et pourtant habitué aux scènes d'actions avec les Pirates des Caraïbes, certes pas du même genre que dans The Tourist, Depp n'est jamais crédible dans les très rares moments de bravoure qui émaillent le film. Ne semblant pouvoir se départir de ses petites mimiques agaçantes dont il abreuve la quadrilogie produite par Disney, il rend les poursuites encore plus ridicules quelles ne le sont déjà. 

            Et là on en vient à un des autres très grands problèmes de The Tourist : son incapacité à être efficace dans un seul des genres qu'il tente maladroitement d'aborder. Dans un thriller d'espionnage, on attend forcément quelques séquences d'action prenantes et impressionnantes. De ce côté-là on est loin d'être déçu, elles sont au nombre de… deux. Et celles-ci sont de loin les plus mal foutues depuis l'ignoble Da Vinci Code, autre blockbuster boursouflé et pété de thunes qui se contentait d'un casting cinq étoiles en roue libre et d'une direction artistique que n'aurait pas renié une agence de voyage. Pour être simple, la première nous montre Johnny Depp « courant » et gesticulant « à la Jack Sparrow » pendant cinq minutes sur le même et interminable toit, poursuivi par deux sbires pas plus doués. La seconde est la poursuite en bateau la plus lente du monde puisqu'elle va à 10 km/h (véridique !). On la regarde avec un air soit consterné, soit amusé ; car si on la replaçait telle quelle dans un film avec Ben Stiller, Jim Carrey ou Steve Carell on la prendrait pour une hilarante parodie. Pour petit rappel, avec un budget au moins dix fois moindre, le film français A Bout Portant arrivait à faire des scènes d'action qui valaient chacune plus que tout le film de von Donnersmarck. 

            Mais peut-être que le but de The Tourist n'était pas d'être un film d'action. Mais dans ce cas on a légitimement le droit de se demander quel genre ce remake a eu l'intention d'aborder. Le côté romantique est désamorcé par l'absence d'alchimie entre les deux acteurs principaux ainsi que par le côté « glamour toc » qui essaye de refaire très sérieusement ce qu'Hitchcock faisait il y a plus d'un demi-siècle (ce qui donne un résultat assez ridicule et « bling-bling » dans ce que ce terme a de plus agaçant et révulsant). Les dix premières minutes décrédibilisent à elles-seules le film : serveur de bar parisien en smoking, policiers en filature d'une stupidité sans nom (leur camionnette roule sur un kilomètre à quelques mètres d'une Angelina Jolie à pied sans jamais la doubler), Jolie dehors avec une robe qu'on croirait tiré de la garde robe de Lisa Fremont dans Fenêtre sur Cour,... La liste est très longue et ne s'arrange pas quand les héros arrivent à Venise. Evidemment le reste de l'histoire se déroule dans des hôtels extrêmement luxueux, chaque apparition d'Angelina Jolie ressemble à un défilé de haute couture, l'une des séquences finales se déroule lors d'un bal tout droit sorti de La Main au collet (le même type de bal que parodiait le premier OSS 117 de Michel Hazanavicius)...  

            Mis à part un pompage quasi intégral des oeuvres d'Hitchcock sorties dans les années 50, The Tourist est aussi dépourvu de tout humour ; absence donc d'un des autres ingrédients essentiels de cette formule maintes fois copiées depuis La Mort aux Trousses. Mais cette fois-ci absence totale, la seule répartie faisant sourire étant la réplique finale de Timothy Dalton qui semble faire une analogie avec le personnage de 007 qu'il avait interprété à la fin des années 80. La présence de ce dernier étant en fin de compte le seul réconfort que l'on peut trouver au visionnage du film de von Donnersmarck puisqu'il a été bien peu exploité depuis la remise de son permis de tuer. D'ailleurs là encore pas de surprise, Dalton ne bénéficie que de deux séquences, donc cinq minutes sur un long-métrage de près de deux heures. Et enfin, The Tourist ne possède aucun suspense. Il est déjà difficile de s'intéresser à cette trame impersonnelle et mal interprétée, mais c'est encore plus difficile d'apprécier un long-métrage dont on devine le twist final facile à peine dix minutes après le début du film. Et l'absence d'enjeu, d'intensité dans les scènes d'action et la présence d'un méchant russe caricatural comme ce n'est pas permis, anéanti tout espoir d'emporter le spectateur. 

            Sur un même sujet, Brian de Palma s'était amusé dans son Mission : Impossible, certes commercial mais au moins bien mis en scène avec des séquences époustouflantes, à brouiller les frontières entre le vrai et le faux en multipliant les apparences trompeuses (ce qui était totalement cohérent par rapport à la récurrence du motif du « double », du « body double », dans sa filmographie). Dans The Tourist, F.H. von Donnersmarck se contente de l'exploiter uniquement lors d'une courte scénette se déroulant dans un train et montrant la rencontre entre les protagonistes principaux. Ces deux derniers alors discutent et extrapolent sur le passé de l'autre et le personnage interprété par Angelina Jolie rétorquera à son partenaire que le nom qu'il porte ne lui convient pas. Enfin The Tourist ne tient pas non plus un seul instant la comparaison face à l'autre film d'espionnage « comico-romantique » faisant la part belle à un couple de stars sorti cette année : Night and Day avec Tom Cruise et Cameron Diaz. Outre le fait que ce dernier possédait des défauts et n'allait pas au bout de son idée, le film de Mangold montrait un Tom Cruise toujours aussi crédible dans les scènes d'action (à la différence de Depp qui n'en dispose que peu d'expérience) et possédant un vrai talent pour la comédie. Il y avait surtout une vraie alchimie entre les deux partenaires qui prenaient un plaisir visible à jouer ensemble et était aussi bien mis en scène avec des séquences d'action inventives et prenantes accompagnées de dialogues vraiment savoureux. Un vrai divertissement sans prise de tête mais pas opportuniste ni paresseux. Tout l'inverse donc de ce The Tourist.

            Le second film de F.H. von Donnersmarck est donc un ratage intégral, où rien ne peut être sauvé pour tenter de trouver ne serait-ce qu'une once d'intérêt à le visionner. L'interprétation est lamentable (et pourtant le budget pharamineux de 100 millions de dollars est sûrement allé en bonne partie dans les poches de Depp et de Jolies quand on regarde le résultat final et l'indigence de ce que l'on peut voir à l'écran), la mise en scène est plate et sans inspiration, les dialogues sont mous, le compositeur James Newton Howard est en mode « automatique » et livre une bande originale complètement impersonnelle... Jamais le long-métrage ne décolle ou ne montre qu'un soupçon d'énergie. Et même s'il ne fait aucun doute qu'avec des talents tels que Charlize Theron, Tom Cruise ou Alfonso Cuaron, le résultat final aurait eu une toute autre allure, ce n'est finalement pas si mal qu'ils n'y aient pas trop perdu de temps. 

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Angelina Jolie & Johnny Depp. StudioCanalPaul Bettany et Johnny Depp. StudioCanal

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23 décembre 2010 4 23 /12 /décembre /2010 14:06

                                                 

 - Film américain sorti le 01 décembre 2010

 - Réalisé par Edgar Wright

  - Avec Michael Cera, Mary Elizabeth Winstead, Jason Schwartzman,…

 - Aventure, Comédie, Fantastique

            Scott Pilgrim n'a jamais eu de problème à trouver une petite amie, mais s'en débarrasser s'avère plus compliqué. Entre celle qui lui a brisé le coeur - et qui est de retour en ville - et l'adolescente qui lui sert de distraction au moment où Ramona entre dans sa vie - en rollers - l'amour n'a jamais été chose facile. Il va cependant vite réaliser que le nouvel objet de son affection traîne les plus singulières casseroles jamais rencontrées : une infâme ligue d'ex qui contrôlent sa vie amoureuse et sont prêts à tout pour éliminer son nouveau prétendant. A mesure que Scott se rapproche de Ramona, il est confronté à une palette grandissante d'individus patibulaires qui peuplent le passé de sa dulcinée : du mesquin skateur à la rock star végétarienne en passant par une affreuse paire de jumeaux. Et s'il espère séduire l'amour de sa vie, il doit triompher de chacun d'eux avant que la partie soit bel et bien « over »...

Michael Cera, Mary Elizabeth Winstead, Johnny Simmons et Ellen Wong. Universal Pictures International FranceMichael Cera. Universal Pictures International France

            Le dernier film d'Edgar Wright a été l'une des grandes victimes dans le domaine du cinéma cette année. Le film avait pourtant de nombreux atouts dans sa manche : le talent de Wright, un casting des plus intéressants avec l'excellent Michael Cera en premier rôle, une mise en scène dynamique qui mélange les codes de la BD et du cinéma tout en livrant une comédie romantique teinté de kung-fu et de duel « vidéoludique ». Toute une génération de spectateurs était presque prédestinée à être touché, ému par l'histoire et ses nombreuses références. Qu'est-ce qui s'est donc passé ? Un marketing chancelant qui ne sait pas comment vendre le produit, un K.O. au box office américain face aux papys bourrins d'Expendables, un studio qui, désespéré du flop sur le territoire, s'est contrefiché de la distribution du film à l'étranger, ne le faisant sortir en France que six mois plus tard (déjà bien téléchargé et aidé par la vente du DVD déjà en rayon aux USA) dans une soixantaine de salles sur tous l'hexagone, dont une dizaine en VO, avant d'en perdre les trois quarts la semaine suivante. 

            Avec une telle succession de malchances, Scott Pilgrim peut donc être considéré comme l'un des plus gros et dommageables échecs de 2010. Car nul doute que ce film deviendra culte et sera très nettement reconsidéré dans les années à venir. Pour plusieurs raisons. D'abord parce que, sous ses airs d'exercices de style parodiques un peu vains, les trois films d'Edgar Wright forme déjà une oeuvre cohérente de la part d'un des cinéastes les plus prometteurs et doués. Dans Shaun of the Dead, ledit Shaun, par l'affrontement d'une invasion soudaine de zombies voraces tout droit sorti d'un Romero des années 70, devait s'affirmer et prendre ses responsabilités d'adulte s'il voulait reconquérir l'amour de sa vie. Dans Hot Fuzz, le policier Nicholas Angel apprenait par son enquête très mouvementée et délirante à ne pas être si obsédé par son travail et ainsi établir des relations plus harmonieuses avec ses partenaires. Scott Pilgrim ne départit pas à la règle : le héros éponyme, par l'affrontement dans le premier sens du terme du passé de celle qu'il aime et indirectement du sien, doit lui aussi prendre ses responsabilités et devenir un adulte (au lieu de fricoter avec de jeunes lycéennes dans l'espoir un peu vain et illusoire de demeurer encore adolescent malgré son âge). Les films d'Edgar Wright, plus que des parodies ou des hommages, sont avant tout des récits d'apprentissages. 

            C'est peut-être là la différence entre Edgar Wright et les Rodriguez-Snyder : ne pas se limiter au côté « fun » d'un pitch et de faire un film soi-disant « cool ». Wright, contrairement aux deux précédents, a aussi un talent d'écriture qui amène ses personnages à ne pas être de simples fonctions et à évoluer de façon cohérente durant l'intrigue. Ceci dit, Edgar Wright réalise avec Scott Pilgrim son film le plus abouti, le plus audacieux, le plus maitrisé et construit. C'était pourtant pas gagné avec ce parti-pris très risqué qu'était l'hybridation des codes de plusieurs médias (films, BD, manga, jeux vidéo) qui, s'il n'avait pas été aussi bien dosé, aurait facilement rendu le film boursoufflé et surchargé. Hors ici, tous les effets de style arrivent avec une réelle simplicité, comme une évidence. Si ces effets s'inscrivent aussi parfaitement dans le film c'est qu'ils font parti intégrante du monde que Scott Pilgrim met en scène. Et là on est obligé de rapprocher Scott Pilgrim à un autre cas très similaire sorti il y a un peu plus de deux ans : le monument expérimental et jusqu'au-boutiste Speed Racer d'Andy et Lana (alors Larry) Wachowski. Même incapacité à vendre le film, ainsi qu'un budget démesuré, suivi d'un flop catastrophique par la combinaison mortelle mauvaise distribution / critiques assassines de la presse complètement dépassée par l'ampleur et l'importance du long-métrage. 

            S'il faut bien préciser que Scott Pilgrim va nettement moins loin que son prédécesseur, leurs démarches sont toutefois identiques. D'abord une même volonté de détruire la frontière des genres et des médias et donc une impossibilité de catégoriser l'oeuvre finale dans une case précise (d'où peut-être leur accueil critique pas vraiment dithyrambique, surtout dans le cas de Speed Racer). Ensuite, derrière tous leurs effets faussement gratuits, se cache une volonté de mettre en image une idée, un concept afin de faire avancer l'intrigue ou les personnages, en plus d'avoir une fonction comique assez efficace. On peut évidemment pinailler sur le fait que les scénarios de ces deux films ne soient évidemment pas leur point fort, car souffrant parfois de quelques raccourcis, de quelques longueurs ou à l'inverse, dans le cas de Scott Pilgrim, d'un trop plein d'action dans un laps de temps assez réduit. Mais ces deux films sont avant tout des films de mise en scène, qui se préoccupe plus du visuel que de l'histoire à raconter. Cette dernière n'est cependant pas laissée pour compte car, même si elle suit une structure assez classique, elle relate le parcours initiatique d'un jeune homme qui doit devenir adulte ; l'un en remportant plusieurs courses pour devenir le meilleur pilote et ainsi accomplir son rêve d'enfant, l'autre en combattant les exs de la fille qu'il aime pour pouvoir vivre avec elle et quitter le monde de l'adolescence. 

            Scott Pilgrim est aussi doté d'un casting des plus réussi. On y retrouve notamment en second rôle Chris Evans, l'ancienne « Torche » des Quatre Fantastiques et le futur Captain America de Joe Johnson ; Brandon Routh, le Superman de la version réalisée en 2006 par Bryan Singer ; ou encore Anna Kendrick, révélée dans Twilight et In the Air, dans le rôle de la soeur commère de Scott. Toujours parmi les seconds rôles, deux d'entre eux sont particulièrement marquants. La première est l'interprète de Ramona, Mary Elizabeth Winstead, déjà vu dans le volet Grindhouse de Tarantino intitulé Le Boulevard de la Mort, qui se révèle fascinante en femme mystérieuse excentrique et lunatique un brin surréaliste (elle utilise des chemins plus rapides pour livrer ses colis en traversant l'esprit des gens l'amenant donc à apparaitre dans leurs rêves). L'autre est Jason Schwartzman, qui avait entre autres joué dans A bord du Darjeeling Limited de Wes Anderson ou dans le biopic de Sofia Coppola sur Marie-Antoinette. Dans Scott Pilgrim il livre une prestation tout simplement jouissive en « boss » ultime exécrable de vanité et d'affabilité.   

            Mais le troisième film d'Edgar Wright est aussi un écrin à la gloire de Michael Cera, révélé par la géniale comédie Superbad de Greg Mottola (le titre français n'est juste pas possible) où il interprétait un jeune adolescent naïf et réservé. Après Be Bad ! sorti cette année, Michael Cera continue de nuancer cette image qui le poursuit. Dans Scott Pilgrim il est toujours aussi attachant, charmant mais on retrouve dans son personnage un peu de fourberie et de lâcheté ; comme son rapport avec Knives, son ex lycéenne et chinoise souffrant de l'inconstance de Scott qui l'abandonne dès qu'il rencontre Ramona. Scott n'est pas un mauvais garçon mais il fait souffrir les autres sans s'en rendre compte. Dans son parcours, Scott doit donc apprendre l'amour des autres et par ce biais l'amour de lui-même pour qu'aucun ne souffre de ces actes. Car si Scott doit affronter les sept exs maléfiques de Ramona pour avoir une relation avec elle, comme s'ils étaient une anomalie, il doit aussi faire face à ses propres démons. Il y a au premier plan Knives qui cherche à le récupérer à tout prix ; mais il y a aussi Envy Adams, la fille sublime qui l'a largué et qui réussit mieux que lui, auquel il se retrouve confronté dans une très belle scène de concert. 

            Scott Pilgrim étant une succession d'affrontements destinés à faire avancer les personnages, et surtout le héros, comme s'ils progressaient au niveau supérieur après chaque victoire, l'affiliation du long-métrage avec le jeu vidéo est loin d'être saugrenu. Dans l'hallucinante scène d'introduction, Speed Racer se servait de la « ghost car », utilisée dans les jeux de voiture pour faire la course contre son propre record enregistré, dans un but purement narratif, amenant Speed à courser la voiture de son frère défunt. Edgar Wright réemploie aussi différents codes vidéoludiques pour les transformer en idée de mise en scène. Parmi eux on peut citer la « vie » qui apparait après la fin de l'un des duels et qui symbolisera plus tard sa « deuxième chance » ; l'arrivée d'un double maléfique, « Néga-Scott », calqué sur le « Néga-Ninja » qu'il affrontait avec Knives dans un jeu d'arcades et contre lequel il échouait lamentablement ; l'apparition d'un score censé augmenter l'expérience de Scott après chaque combat et qui fonctionne comme un décompte avant la lutte finale ; ou encore la présence d'une micro-puce dans la nuque de Ramona pour symboliser son addiction, sa dépendance envers le grand producteur de disque Gideon Graves. De même, Scott Pilgrim étant à l'origine une BD, Wright mêle dans son long métrage des règles typiques de ce média comme de nombreuses onomatopées ou le format mouvant des plans (comme si c'étaient des cases de bande dessinées) afin de resserrer subitement l'attention du spectateur sur un personnage ou une action. Edgar Wright se montre plus subtil et évite judicieusement la mode actuelle du décalquage des dessins comme si les cases formaient un « story-board », employée par Snyder ou Rodriguez. 

            Scott Pilgrim est donc un film expérimental qui s'inscrit parfaitement dans la démarche qu'abordait Wright depuis ses deux premiers long-métrages : réutiliser les codes d'un genre pour les dépasser et les employer au service de la narration. Là encore le résultat, mélangeant pourtant différents genres pas toujours directement relié au 7ème art, est d'une fluidité, d'une lisibilité bluffante. Les frontières sont constamment brouillées, le temps et l'espace n'existent plus vraiment, ce que montrait déjà Speed Racer, avec l'utilisation remarquable d'ellipses (transitions brillantes entre les flashbacks ou les rêves) ou en accentuant les perspectives afin d'intensifier un rythme ou un mouvement. Plus abordable que le maître-étalon des Wachowski, doté d'un humour dévastateur, le colocataire gay Wallace y étant pour beaucoup, et possédant une nouvelle idée  toutes les secondes, Scott Pilgrim sera sans aucun doute réévalué d'ici peu de temps. Son échec en salles n'est heureusement que parti remise. Il n'y a surtout qu'à espérer que celui-ci ne pose pas de bâton dans les roues pour les développements des prochains projets de Wright : une adaptation à l'écran du super-héros Ant-Man et la fin de son triptyque parodique avec le duo Simon Pegg / Nick Frost intitulé World's End et qui rendra hommage aux films catastrophes de l'ère Bay et Emmerich.

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Michael Cera, Alison Pill & Johnny Simmons. Universal Pictures International FranceMichael Cera. Universal Pictures International France

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19 décembre 2010 7 19 /12 /décembre /2010 19:10

                                                  

 - Film français sorti le 01 décembre 2010

 - Réalisé par Fred Cavayé

 - Avec Gilles Lellouche, Roschdy Zem, Gérard Lanvin,…

 - Policier, Action

            Tout va pour le mieux pour Samuel et Nadia : lui est bientôt infirmier et elle, attend son premier enfant. Mais tout bascule lorsque Nadia se fait kidnapper sous l'oeil impuissant de Samuel. A son réveil, son portable retentit : il a trois heures pour sortir de l'hôpital dans lequel il travaille un homme sous surveillance policière. Le destin de Samuel est désormais lié à celui de Sartet, une figure du banditisme activement recherchée par tous les services de police. S'il veut revoir sa femme vivante, Samuel doit faire vite…

Gilles Lellouche. Gaumont DistributionRoschdy Zem. Gaumont Distribution

            En décembre 2008, Fred Cavayé nous avait fait un belle surprise avec son Pour Elle, thriller très maîtrisé sans autre ambition que celle, très louable, de ne pas se moquer des spectateurs et de lui faire passer un bon moment. Sans le vouloir, Cavayé est un peu devenu l'espoir d'une possible résurrection du film de genre français tel qu'on en trouvait encore jusqu'à la fin des années 70. Deux ans pile après ce coup d'éclat, Cavayé transforme l'essai avec A Bout Portant, film d'action cherchant à reproduire la dernière demi-heure trépidante de Pour Elle sur une durée d'une heure et demie.  

            Contrairement à la grande majorité des fragiles tentatives de productions françaises dans ce genre que l'on pense à tort typiquement américain, ce second film de Cavayé se révèle être absolument jouissif. A l'inverse de la plupart des scénaristes français, qui sont très souvent aussi leur propre réalisateur, Cavayé fait confiance à son histoire et à sa mise en scène. En résulte ce que l'on pourrait considérer comme une hérésie dans le milieu cinématographique français : Cavayé ose retirer du dialogue de son propre script. Alors que les productions françaises, à grande ou petite échelle, ont pour la plupart du temps la mauvaise habitude de surligner l'action avec trop de dialogues, comme si c'était le scénario qui garantissait la réussite d'un film, Cavayé se sert de ces restrictions pour libérer sa mise en scène et faire dire par l'image ce qui aurait été lourdement appuyé par des répliques superflues. Judicieux choix puisque de cette manière le rythme d'A Bout Portant ne faiblit jamais. 

            Cavayé arrive en trois courtes scènes à instaurer une relation forte entre le personnage de Samuel, incarné par Gilles Lellouche, et de Nadia, jouée par Elena Anaya, et celles-ci suffisent à justifier tous les actes et le parcours du héros qui vont suivre. On appelle ça de l'efficacité. Un fois cette situation posée, le film peut réellement débuter. Le principe d'A Bout Portant est simple et a déjà été fait à de nombreuses reprises dans le cinéma américain : Cavayé prend un individu comme les autres et le plonge dans une situation exceptionnelle et dangereuse où celui-ci va devoir se dépasser s'il veut s'en sortir. Cela a déjà été expérimenté par Hitchcock notamment avec un de ses chefs-d'oeuvre, La Mort aux trousses, puis par une importante série d'ersatz dont quelques uns des plus grands titres sont Marathon Man de John Schlesinger, Le Fugitif d'Andrew Davis ou encore le très récent Unstoppable de Tony Scott. Dans la peau de cet homme ordinaire on trouve l'acteur Gilles Lellouche, acteur qui n'avait pourtant pas toujours été très convaincant dans ses rôles mais qui se révèle ici comme une évidence. 

            Cette capacité à tirer le meilleur d'un acteur pourtant pas forcément expérimenté dans un genre particulier est l'un des nombreux talents de Cavayé. Qui aurait pensé que Vincent Lindon était le choix parfait pour un thriller romantique (livrant en plus par cette occasion l'une de ses meilleures compositions) ?  De même, qui aurait cru que Gilles Lellouche aurait été un choix judicieux pour un film d'action ? Et pourtant encore une fois, Cavayé a eu raison puisque Lellouche n'a jamais paru aussi bon que dans A Bout Portant, et le fait qu'il ait accompli la plupart de ses cascades ne rend sa prestation que plus impressionnante. A la fois incarnation parfaite de l'individu lambda, ce qui le rend immédiatement plus attachant et qui facilite l'identification du spectateur, tout en révélant de vraies capacités physiques rendant crédible les très nombreuses scènes de poursuites, Gilles Lellouche livre une prestation totale à la fois physique, psychologique et émotionnelle. A ses côtés, il y a Roschdy Zem qui interprète brillamment un gangster peu bavard et violent faisant écho à quelques personnages « melvillien » incarnés par Alain Delon. Et en « bad guy » ripoux on retrouve un Gérard Lanvin, véritable gueule du cinéma français, au sommet de sa forme et plus charismatique que jamais.

            Face à une trame qui se veut exclusivement masculine, Cavayé n'oublie pas d'instaurer une touche de féminité salvatrice à son film. Dans Pour Elle, c'était Diane Kruger qui incarnait ce rayon de soleil, pour A Bout Portant il s'agit de la sublime Elena Anaya qui interprète la femme enceinte de Samuel. D'ailleurs la scène finale où elle lutte pour sauver sa vie et celle de son bébé est probablement la plus bouleversante de tout le film. Et on en vient à la plus grande qualité du film, et qui était à la fois le défi et le parti pris que Cavayé avait entrepris d'accomplir avec ce second long-métrage : réaliser un bon film d'action français comme on n'en fait presque plus depuis la fin des années 70 et donc de l'ère des Belmondo et des Delon. Et si on retrouve donc une efficacité à l'américaine, A Bout Portant ne délaisse pas moins son côté très français et notamment par son utilisation de lieux parisiens. La meilleure séquence à ce titre est la formidable course-poursuite dans le métro au milieu du film. Modèle de découpage, de mise en scène, d'inventivité et surtout d'intensité, elle utilise merveilleusement bien le paysage sous-terrain de la capitale. Et même si la topographie des lieux n'est pas respectée, ce qui fera sourire quelques secondes les usagers de ces lignes sans pour autant les empêcher d'être pris par cette poursuite puisque ce respect des lieux n'est pas plus présent dans les productions hollywoodiennes (attendez, le cinéma serait-il un art de la manipulation ? Ouah la découverte !), Cavayé réussit à employer ces lieux connus de beaucoup de monde et à en faire de vrais décors crédibles pour les scènes d'actions (notamment la gare St Lazare).

            Heureusement ce coup d'éclat ne se limite pas à une scène. Car si le pari d'A Bout Portant est largement remporté c'est que cette intensité se retrouve non pas sur une seule séquence isolée, à l'inverse du Ne le dis à personne et de sa brillante séquence de traversée du périphérique parisien noyée dans un flot de scènes de dialogue parfois interminables, mais elle dure plus d'une heure sans faiblir un instant. Le film de Cavayé reprend aussi un parti pris instauré par la saga des Jason Bourne, c'est-à-dire de faire de l'action réaliste et violente mais, et cette fois à l'inverse des Bourne et compagnie, sans enchainer trop de cascades qui décrédibiliseraient les séquences car au-dessus des capacités physiques des protagonistes. Et cela ne diminue en rien l'efficacité incroyable du film. On regrettera cependant la musique de Klaus Badelt qui pompe lamentablement les morceaux des bandes originales de la saga Jason Bourne. De même, on notera qu'il y a un peu moins d'émotions dans ce second film que dans Pour Elle, mais cela afin de favoriser davantage l'efficacité, ainsi que la présence de quelques facilités scénaristiques (comme le personnage de Roschdy Zem qui récupère très vite de son accident) mais qui sont nécessaires au déroulement du récit. Mais ces faiblesses sont vite pardonnées lorsqu'on assiste à la séquence finale « apocalyptique » dans un gigantesque commissariat en ébullition. Séquence d'une lisibilité impressionnante alors que s'y résolvent plusieurs enjeux en même temps et dans différents lieux. Probablement la séquence la plus haletante du cinéma français cette année.  

            Film d'action français passionnant et terriblement prenant, A Bout Portant vient juste de ressusciter le film d'action français populaire. On l'aura attendu longtemps mais il est enfin arrivé. Un film qui ne se prend pas pour un chef d'oeuvre mais qui veut juste être un exercice de style extrêmement divertissant et bien fait. Cette modestie est probablement l'un des garants du succès de cette entreprise. Avec ce deuxième long-métrage, Fred Cavayé continue son chemin tout en confirmant et rehaussant son talent. Il prépare actuellement son troisième projet, un film fantastique « shyamalesque » avec des bucherons dans la forêt canadienne. Inutile de dire que l'on attend avec la bave aux lèvres ce qui pourrait bien être la renaissance  d'un autre genre disparu de nos contrées et qui est pourtant très français.

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Elena Anaya et Gilles Lellouche. Gaumont DistributionGilles Lellouche. Gaumont DistributionGaumont Distribution

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5 décembre 2010 7 05 /12 /décembre /2010 00:54

                                                   Warner Bros. France

 - Film britannique sorti le 24 novembre 2010

 - Réalisé par David Yates

 - Avec Daniel Radcliffe, Rupert Grint, Emma Watson,…

 - Fantastique, Aventure

            Le pouvoir de Voldemort s'étend. Celui-ci contrôle maintenant le Ministère de la Magie et Poudlard. Harry, Ron et Hermione décident de terminer le travail commencé par Dumbledore, et de retrouver les derniers Horcruxes pour vaincre le Seigneur des Ténèbres. Mais il reste bien peu d'espoir aux trois sorciers qui doivent réussir à tout prix...

Daniel Radcliffe, Rupert Grint et Emma Watson. Warner Bros. FranceEmma Watson. Warner Bros. France

            Succès démentiel en librairie, la saga « Harry Potter » n'avait pas tardé à intéresser les producteurs et les studios au début de l'année 2000. Chris Columbus avait eu la lourde tâche de démarrer les hostilités en adaptant les deux premiers tomes et, si le premier épisode a très mal vieilli, il avait réussi à poser des bases solides pour la série sur le grand écran avec en prime une belle fidélité aux romans d'origine. Mais c'est avec le troisième épisode, réalisé par le terriblement talentueux Alfonso Cuaron, que la série avait pris un virage plus mature, ambitieux, gothique et moderne ; clairement l'unique épisode d’Harry Potter qui peut légitimement être considéré comme un chef d'oeuvre. Mike Newell avait pris la suite en réalisant le quatrième épisode qui, s'il ne bâclait pas les scènes clés du livre, commençait à montrer les premiers signes de fatigue avec des problèmes d'adaptation et de raccourcis assez embarrassants pour la compréhension du récit (surtout pour les néophytes). Et malgré les grands noms qui avaient tourné autour du poste de réalisateur d'un des films, comme Jean-Pierre Jeunet, Terry Gilliam, Steven Spielberg ou Guillermo del Toro, c'est David Yates qui a hérité des trois dernières adaptations. 

            Volonté d'une continuité esthétique tardive ou simple « yes-man » aux ordres des producteurs qui se sont empressés de le reconduire jusqu'à la fin à ce poste ? Quoiqu'il en soit, Yates avait réalisé ce qui sont rien de moins que les deux plus mauvais épisodes, le sixième intitulé Harry Potter et le Prince de Sang-mêlé étant un gigantesque massacre à côté de la plaque du meilleur des livres de J. K. Rowling. Qu'attendre alors de l'ultime opus divisé en deux parties afin de permettre une meilleure adaptation fidèle (raison officielle) mais aussi de rapporter deux fois plus d'argent car la Warner tarde à mettre un terme à sa poule aux oeufs d'or (raison officieuse) ? Et qui a en plus surfé un temps sur la mode de la 3D convertie en postproduction, la Warner ayant refusé le changement qu'annonçait l'Avatar de Cameron jusqu'à la sortie de ce dernier, avant d'abandonner le procédé pour la première partie du moins tant les résultats étaient peu probants ? Rien du tout. On pouvait à peine espérer que Yates sauve les meubles de ce désastre annoncé. Et c'est là que le miracle s'accomplit.

            Première image : sur fond de nuages sombres et orageux, le logo Warner apparait et se décompose en rouillant. La séquence qui suit est un montage habile montrant les trois héros se préparant à l'aventure ténébreuse qui s'annonce à eux. Pendant qu'Harry observe ce qui lui reste de famille s'enfuir de chez elle, Hermione s'efface de la mémoire de ses parents moldus (non sorciers) afin qu'il ne soit pas mis en danger par les mauvais sorciers « purs ». En cinq petites minutes, tout devient très clair : fini de rire, nos jeunes héros ont grandi et doivent se préparer à quitter le giron protecteur des adultes pour se débrouiller par eux-mêmes. Harry Potter et les Reliques de la Mort est un film sur la fin de l'innocence. Les seconds rôles, toujours aussi nombreux, sont cependant sciemment mis en arrière-plan pour se focaliser sur les peurs du trio principal. Et en toute logique, cet épisode souffre d'un effet  « girouette » : alors que les derniers films étaient, avec raison, sévèrement critiqués pour leurs trop nombreux raccourcis et leur trop plein d'actions, ce dernier film de Yates est maintenant décrié pour son côté lent, contemplatif et réflexif.

            Et le livre l'était justement, tout du moins la première partie qui est ici adaptée. Cette première moitié est une éternelle fuite en avant qui doit nous préparer à la violente et furieuse explosion finale. Et pourtant les vingt premières minutes sont loin d'être rassurantes puisqu'elles reproduisent les mêmes erreurs que les trois derniers films en termes de narration et d'exposition. Certes ces erreurs proviennent avant tout du travail assez catastrophique de l'adaptation des épisodes précédents, mais font d'abord craindre le pire. C'est par exemple le cas dans le traitement de la relation amoureuse entre Lupin et Tonks et notamment lorsque cette dernière, qui n'a bénéficié dans la série que de peu d'intérêt, a une annonce à faire sur laquelle on ne reviendra pas une seule fois et dont on ignorera le contenu. De même pour la mort d'un des personnages les plus iconiques qui se fait hors-champs et pour laquelle les personnages principaux ne semblent absolument pas affectés outre mesure ; on se souvient de la mise en scène catastrophique des assassinats de Sirius Black et de Dumbledore dans le 5 et le 6. Enfin, la scène du mariage d'un des frères de Ron Weasley, personnage introduit dans la saga quelques minutes plus tôt, est amenée de façon assez maladroite. Mais cependant c'est cette scène qui entraine le film à un virage salvateur. 

            C'est en effet après cette séquence que débute la fuite perpétuelle et la quête interminable et frustrante du trio principal. L'une des principales faiblesses des opus de Yates étant le manque d'épaisseur ou de charisme des nombreux personnages secondaires, leur absence soudaine pendant près de deux heures de long-métrage est bénéfique à Harry Potter 7 ½. Et quoi de mieux pour illustrer ce changement de ton et de style que l'absence presque totale de séquences se déroulant ou mentionnant Poudlard, l'école des sorciers où se déroulait presque intégralement tous les films de la série. Changement aussi dans la mise en scène qui devient moins ample et tape-à-l'oeil que dans les précédents Harry Potter, puisque Yates se met à déployer une réalisation plus sèche, nerveuse, caméra à l'épaule. De toute évidence, Yates est bien plus à l'aise avec une trame intimiste. Il livre quelques belles scènes entre ces jeunes adolescents inquiets et frustrés, à l'image de cette séquence désespérée de danse entre Harry et Hermione, où même Daniel Radcliffe arrive à trouver une vraie justesse, avant qu'ils ne se renferment de nouveau dans le silence et la déprime. 

            Yates a aussi visiblement fait des progrès dans la réalisation de scènes d'action. On a un souvenir (très) douloureux des séquences finales dans le Ministère de la Magie pour le 5 et de la grotte dans le 6 qui, si elles n'avaient pas été notamment sabotées par un montage absurde brisant leur rythme, leur suspense et leur intensité, auraient pu être de vrais moments d'anthologies du cinéma fantastique. Hors ici, si l'on excepte une atroce course-poursuite dans la forêt filmée caméra à l'épaule à la « Greengrass style » (c'est-à-dire complètement illisible), Yates réussit l'exploit de créer des morceaux de bravoure assez intenses et inspirés. La séquence aérienne en début de long métrage est plutôt prenante, mais c'est surtout par la scène d'infiltration dans le Ministère de la Magie que l'on réalise vraiment l'amélioration de la série en la matière. Dans une scène à la Mission Impossible (qui décidément après Toy Story 3 et Inception aura bien influencé les long-métrages dernièrement) au milieu d'un décor totalitaire étouffant et baroque tout droit sorti du Brazil de Gilliam, Yates, libéré de la contrainte du « résumer les huit cents pages du livre en deux heures chrono », prend son temps et réussir à instaurer un suspense terriblement prenant avant de terminer sa séquence par un beau ralenti que n'aurait pas renié un Brian de Palma. 

            Mais la plus grande surprise de cet Harry Potter 7 ½ est sa très grande noirceur et sa violence, surtout au regard de l'adaptation ciné de cette série qui a toujours privilégié un côté « enfantin » pour ne pas s'aliéner la partie du public qui selon le studio Warner garantissait le succès des films Harry Potter. On peut soit penser à une idée perverse des producteurs qui, ayant conditionné les enfants à aller voir des épisodes d'Harry Potter tout mimi et familiaux, ont décidé soudainement de les traumatiser à vie, soit, et c'est bien plus probable, à un in-extremis revirement intelligent et judicieux. Photographie plus sombre, musique d'Alexandre Desplat plus angoissante (même si elle n'atteint à aucun moment le niveau des partitions de John Williams et en particulier celle pour Le Prisonnier d’Azkaban) et plus d'hémoglobine. L'apogée du film est atteint lors de la partie assez géniale se déroulant à Godric's Hollow. D'abord terriblement émouvante, avec une Emma Watson très juste (clairement celle du trio qui s'en est toujours le mieux tiré et qui a le plus progressé) et un Daniel Radcliffe qui a de toute évidence réussi à atteindre le niveau de jeu que l'on attendait de lui, puisqu'Harry se retrouve pour la première fois devant la tombe de ses parents, la séquence devient très vite inquiétante avec l'arrivée du personnage de Bathilda Tourdesac. La scène oppressante dans une vieille maison tourne soudain dans le domaine de l'horreur la plus totale. Séquence fortement inspirée du Psychose d'Hitchcock à au moins deux reprises avec un mouvement de lampe similaire et à la façon dont Hermione découvre la vérité sur la fameuse Bathilda. Clairement la scène la plus violente, dérangeante et flippante faite dans toute la série des Harry Potter.  

            Harry Potter 7 ½ n'est pas non plus dénué de bonnes trouvailles visuelles. L'une d'elle est la séquence qui confronte Ron à l'entité maléfique contenue dans le médaillon, un des sept Horcruxes contenant une partie de l'âme du terrible Voldemort, que les héros tentent de détruire (référence un brin trop appuyé à l'Anneau de la trilogie d'héroïc-fantasy de J.R.R. Tolkien). Une fois ouvert, le médaillon laisse échapper une masse informe monstrueuse à mi chemin entre du Lovecraft et à ce qui ressemble vaguement au symbiote dans la séquence finale de Spider-man 3. Une scène terrifiante et particulièrement sombre, doublée d'un court plan montrant de faux Harry et Hermione s'embrassant à demi nu (faut pas choquer les enfants non plus), qui permet de rendre le personnage de Ron un peu moins insipide que d'habitude, ce dernier étant amoureux d'Hermione et jaloux du charisme de son meilleur ami. L'autre excellente bonne surprise est la façon dont est raconté le conte des « reliques de la Mort ». Mélange très réussi entre animation traditionnel et numérique, avec une forte inspiration vers l'imagerie médiévale et accompagnée de la voie off d'Emma Watson relatant l'histoire, cette scène est un bijou de noirceur en soit, qui rappelle un peu ce que faisait Tim Burton dans les années 90. Une bien belle audace qui permet à Harry Potter 7 ½ de se démarquer encore une fois des autres épisodes. 

            Le film donne enfin une plus grande importance au personnage de Voldemort, ce qui aurait dû être fait dans Le Prince de Sang-mêlé, et permet à Ralph Fiennes de se montrer détestable à souhait alors qu'il avait été honteusement sous-employé depuis le quatrième film où il apparaissait pour la première fois. On découvre aussi de nombreux nouveaux visages parmi les terribles Mangemorts, les sbires de Voldemort, dont le personnage de Greyback, mi-humain et mi-loup-garou, que l'on espère plus présent dans la seconde partie ainsi que l'acteur David O'Hara, inénarrable Fitzy dans Les Infiltrés de Scorsese, qui prête ses traits à Daniel Radcliffe lors de la séquence du Ministère de la Magie. Unique ombre au tableau, l'interprétation catastrophiquement surjoué d'un des personnages les plus passionnants de la série par Helena Bonham Carter (mais que lui ai-t-il arrivé ? Est-ce dû à l'influence de son mari Burton qu'elle n'arrive plus à jouer correctement sans en faire des caisses au niveau des grimaces et de la gestuelles ?). Cette première moitié s'achève sur une note résolument sombre, le sacrifice d'un personnage ami avec Harry symbolisant définitivement la fin de son enfance et l'annonce de la bataille terrible qui se rapproche à grand pas. Le climax évident, un Voldemort désormais au sommet de sa puissance et presque invincible, met fin brutalement à cette première partie car il faut bien « teasé » tout ce beau public pour qu'il retourne dans les salles en juillet.    

            Cependant, ne soyons pas fine bouche, si le principe de couper en deux cet épisode est purement mercantile, il permet néanmoins plus de liberté pour Yates afin d'adapter fidèlement le roman. Plus contemplatif, sombre, violent, désespéré, cet Harry Potter 7 ½ est l'épisode qu'on espérait plus. Et si la même note d'intention est tenue tout le long de la seconde partie, il est évident que le début de l'été 2011 sera explosif…

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Daniel Radcliffe. Warner Bros. FranceDaniel Radcliffe et Emma Watson. Warner Bros. France

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1 décembre 2010 3 01 /12 /décembre /2010 19:13

                                                       Metropolitan FilmExport

 - Film japonais sorti le 24 novembre 2010

 - Réalisé par Takeshi Kitano

 - Avec Takeshi Kitano, Jun Kunimura, Ryo Kase,…

 - Drame, Thriller

            Dans une lutte impitoyable pour le pouvoir, plusieurs clans yakuza se disputent la bienveillance du Parrain. Les caïds montent dans l'organisation à coups de complots et de fausses allégeances. Otomo, yakuza de longue date, a vu évoluer ses pairs : des tatouages élaborés et des phalanges sectionnées, ils sont passés à la haute finance. Leur combat pour arriver au sommet, ou du moins pour survivre, est sans fin dans un monde corrompu où règnent trahison et vengeance. Un monde où les héros n'existent pas...

Takeshi Kitano. Metropolitan FilmExportTakeshi Kitano. Metropolitan FilmExport

            Mis à part sa version de Zatoichi, personnage extrêmement populaire au Japon, Takeshi Kitano avait abandonné le cinéma « de genre » cette dernière décennie pour des films plus intimistes et moins grand public. Il revient pourtant cette année avec le film de yakusas Outrage, gangsters japonais pour lesquels Kitano avait auparavant affirmé qu'il n'en ferait plus les sujets d'un de ses long-métrage. Mais c'est en revenant à ce type de films, qui ont fait de lui l'un des plus célèbres et talentueux réalisateurs japonais de notre époque, qu'il marque son grand retour. 

            Après un passage non remarqué au dernier festival de Cannes, dont un flingage assez déplorable de la part du « Figaro », Outrage arrive donc discrètement sur nos écran sans avoir remporté un seul prix lors de la compétition en mai dernier. C'est pourtant bien dommage car le dernier film de Kitano est une belle réussite. La première qualité de ce long-métrage est d'abord son aspect brut de décoffrage, violent, dérangeant. Les coups s'enchainent de façon régulière et l'on a le droit d'assister à toute une série de tortures des plus diverses. Avec donc au programme : transpercement des tympans à coups de baguettes dans l'oreille ; charcutage de la bouche à l'aide de la fraise d'un dentiste (à peu près aussi agréable à regarder que la scène atroce d'interrogatoire dans Marathon Man) ; pendaison et quasi-décapitation en étant tracter par une voiture ; et découpage de phalanges à l'aide de couteaux, hachoirs et autres cutters rouillés.

            Outrage est avant tout un gigantesque massacre mais orchestré de façon volontairement grotesque. Et c'est là où réside l'autre point fort du film : son caractère comique. De l'humour très noir certes, mais assez efficace et mordant. Car si le massacre a lieu c'est à cause d'un terrible enchainement de conséquences découlant d'une simple magouille visant à masquer au « grand patron » une liaison entre gangs qui serait mal vu, surtout pour l'un des principaux concernés. Coincé par des traditions datées et d'un code de l'honneur aberrant (le découpage d'une phalange pour s'excuser d'une erreur commise), ce milieu fermé des yakusas s'autodétruit à la suite de quelques manipulations jusqu'à une totale épuration des effectifs, entrainant l'établissement d'une nouvelle structure. Outrage c'est la parfaite représentation d'une autodestruction par l'absurde. Un enchainement immédiat de causes à effets terrible et impossible à arrêter. A moins de réaliser que les traditions sur lequel se base ce milieu sont archaïques ; comme lors de la révélation de l'inutilité et du côté obsolète d'une pratique telle que l'amputation d'une phalange pour montrer sa repentance.  

            Le film de Kitano suit la structure du « rise / fall / (re)rise... » que bon nombre de grands films de gangsters ont adopté, de la trilogie du Parrain de Coppola à Scarface de Brian de Palma, ou de L'Impasse toujours réalisé par de Palma aux Affranchis de Scorsese. Outrage est l'histoire d'une passation de pouvoir qui passe par la destruction physique de la structure précédente. Et l'on en revient à la problématique qui sous-tendait le récent film de Fincher, The Social Network : une « révolution » amène-t-elle un nouvel ordre social ou, comme son nom l'indique, un retour au même ? La fin d'Outrage, particulièrement pessimiste et cynique, semble donner raison à cette seconde idée en montrant un nouveau chef de gang en train de rencontrer le nouveau chef corrompu de la police et où l'on note que finalement tout n'a pas vraiment changé. 

            Dans Outrage, la mise en scène de Takeshi Kitano est très épurée, sans fioriture et avec peu d'effets de style. Il s'en dégage une certaine froideur et un certain recul vis-à-vis de cet univers qui semble si fermé et si éloigné de nous. Cela rend Outrage encore plus brutal car peu d'émotions se dégagent de ces personnages trop nombreux. Ce côté déshumanisé et détaché est probablement le point faible du film, puisqu'il est difficile d'éprouver de l'empathie pour ces sous-fifres, dont peu d'entre eux arrivent à dégager un charisme ou une personnalité suffisamment marquante (comme le personnage interprété par Kitano). C'était cependant un risque nécessaire pour montrer l'incapacité de ces hommes à avoir leur propre identité et leur propre libre-arbitre face à ces vieilles règles omniprésentes et ce qui les empêchent donc d'échapper à l'engrenage meurtrier qui s'est enclenché par un homme qui a voulu duper tout le monde. Outrage est aussi passionnant dans ce qu'il montre de la main basse des yakusas sur la société nippone : trafic de drogue pour les bourgeois, extorsions, possession de boites ou d'entreprise, chantage et manipulation d'hommes politiques (ici, un ambassadeur qui surjoue de tant à autres),... Il y a enfin une belle mise en abime de Kitano avec la représentation des yakusas mettant en scène une suite de provocations successives destinées à mettre le feu aux poudre. Un feu purificateur allumé par un yakusas afin d'effacer toute trace des malversations qu'il a accompli. 

            Outrage est une belle surprise, très mal distribuée malheureusement mais c'est devenue une habitude en France en ce qui concerne les productions asiatiques, et qui marque avant tout le grand retour de Kitano pour un cinéma de genre plus « populaire ». Jouissif, violent, absurde et fascinant, Outrage est à la fois un beau film de gangsters et un vrai « coup de poing ». 

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Takeshi Kitano. Metropolitan FilmExportMetropolitan FilmExport

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27 novembre 2010 6 27 /11 /novembre /2010 00:38

                                                   Mars Distribution

 - Film français sorti le 10 novembre 2010

 - Réalisé par François Ozon

 - Avec Catherine Deneuve, Gérard Depardieu, Fabrice Luchini,…

 - Comédie

            En 1977, dans une province de la bourgeoisie française, Suzanne Pujol est l'épouse popote et soumise d'un riche industriel Robert Pujol. Il dirige son usine de parapluies d'une main de fer et s'avère aussi désagréable et despote avec ses ouvriers qu'avec ses enfants et sa femme, qu'il prend pour une potiche. A la suite d'une grève et d'une séquestration de son mari, Suzanne se retrouve à la direction de l'usine et se révèle à la surprise générale une femme de tête et d'action. Mais lorsque Robert rentre d'une cure de repos en pleine forme, tout se complique...

Judith Godrèche, Catherine Deneuve, Fabrice Luchini, Karin Viard, Jérémie Renier et Gérard Depardieu. Mars Distribution

            François Ozon tient une grande forme. Moins d'un an après son dernier long-métrage, intitulé Le Refuge, il revient avec Potiche, l'adaptation cinématographique de la pièce éponyme avec un casting des plus alléchant réunissant Jérémie Renier, Karin Viard, Fabrice Luchini et le duo mythique de nouveau réuni Catherine Deneuve / Gérard Depardieu. Réalisateur talentueux et adulé par la critique qui revient à un film plus « grand public », Ozon signe ici une comédie plutôt réussie à défaut d'être vraiment audacieuse. 

            Potiche se démarque cependant de la majorité des productions « comiques » françaises en certains points. D'abord, ça fait un certain temps que l'on n'avait pas vu une comédie française aussi bien filmée. La reconstitution des « seventies » est des plus minutieuses, que ce soit au niveau des costumes, des décors ou encore de la bande son qui regorge de morceaux désuets de la variété française de l'époque. Le charme du dernier film d'Ozon fonctionne d'ailleurs en grande partie par cette nostalgie des années soixante-dix qui suinte de chaque image du long-métrage. Au point que cette représentation frôle à plusieurs reprises le cliché, mais cela sert, plus qu'elle ne dessert, cette comédie. La photographie est très travaillée et particulièrement colorée, ce qui fait ressortir le côté « kitsch » de cette période. Le talent et la mise en scène d'Ozon aident aussi Potiche à se placer dans le haut du panier de la production française ; on n'avait pas fait de comédies de façon aussi sérieuses depuis OSS 117 : Rio ne répond plus. Le montage est efficace et le rythme est continu, Potiche ne souffre donc heureusement d'aucun temps mort.  

            Le risque était pourtant de faire un film « plan-plan » et ennuyeux. Car il est bien difficile de porter une pièce de théâtre à l'écran. Ozon a l'intelligence de ne pas cantonner son long-métrage à un lieu unique, ce qui aurait pu apporter au film une trop grande monotonie. Le travail de (re)écriture pour l'adaptation n'y est pas non plus pour rien. Ozon réactualise le thème, pas forcément neuf, de la pièce qui était celui du combat des femmes pour leur émancipation dans la société et l'obtention d'une véritable égalité homme / femme ; les années soixante-dix ayant vu la renaissance vivace du mouvement féministe. Tout en y apportant une touche de critique sociale dans cette période de crise. Et si quelques références trop directes à l'actualité, et donc anachroniques, sont regrettables (l'éternel « Casse toi pov' con » qui ne sera plus très drôle d'ici une dizaine d'années par exemple), l'ensemble du long-métrage fait pourtant bien écho de façon cohérente au monde actuel, et ce, malgré une trame censée se dérouler trente ans auparavant.  

            En évitant le clivage politique facile (la droite = les crétins ; la gauche = les gentils), Ozon apporte une touche d'espoir dans ce climat social inquiétant : et si c'était les femmes qui allaient sauver la société en y apportant la touche de féminité et d'humanisme qui manque ? La dernière séquence en est particulièrement éloquente, montrant l'héroïne qui, après une élection où elle s'était présentée en tant que candidate, se met à chanter en public « C'est Beau la Vie ».  Et dans le rôle de « sauveuse », on retrouve une Catherine Deneuve qui n'avait pas été aussi jubilatoire depuis longtemps. Elle arrive sans peine à faire osciller son personnage entre naïveté candide mais pas niaise et débrouillardise inattendue. Car personne dans ce film n'est vraiment ce qu'il parait, certes coup classique de la comédie mais qui est amené avec une certaine subtilité et cohérence.  

            Et puis Potiche vaut le coup d'oeil pour sa galerie de personnages mémorables. Jérémie Renier est excellent dans le personnage plus touchant qu'amusant d'un fils qui refuse de suivre la même voie que son père. Karin Viard fait preuve d'une belle subtilité en jouant une secrétaire qui va être une des premières disciples du personnage principal et qui va s'affirmer et combattre la domination masculine archaïque qu'incarne son ancien patron. Judith Godrèche est parfaite dans un personnage insupportable et arrogant (enfin un rôle qui lui va comme un gant). Et l'imposant Gérard Depardieu se révèle très touchant dans ce film. Un bémol cependant avec l'interprétation surjouée de Fabrice Luchini qui, s'il a l'air de bien s'amuser, en fait des tonnes et n'arrive à rendre son personnage complexe et attachant que durant les cinq dernières minutes.  

            Le dernier film d'Ozon remplie donc son contrat et même si, en terme d'humour, il est largement en dessous du dyptique OSS 117 de Michel Hazanavicius et d'une bonne partie des comédies américaines actuelles (les Judd Apatow, Greg Mottola, Ben Stiller et autres Seth Rogen), Potiche demeure ce qui se fait de mieux dans le genre « comédie à la française », noyé sous les productions TF1 avec Kad Merad, Franck Dubosc ou Clovis Cornillac. Pas franchement hilarant, ni osé, mais bien sympathique et honnête. 

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Catherine Deneuve et Gérard Depardieu. Mars DistributionCatherine Deneuve et Fabrice Luchini. Mars Distribution

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22 novembre 2010 1 22 /11 /novembre /2010 00:30

                                                  

 - Film américain sorti le 10 novembre 2010

 - Réalisé par Tony Scott

 - Avec Denzel Washington, Chris Pine, Rosario Dawson,…

 - Action, Thriller

            Un ingénieur et un chauffeur vivent une véritable course contre la montre. Les deux hommes tentent de stopper un train qui transporte des produits dangereux avant que celui-ci ne déraille et répande une flaque toxique qui décimera complètement une ville...


Denzel Washington. Twentieth Century Fox FranceChris Pine. Twentieth Century Fox France

            Après L'Attaque du métro 123 sorti l'année précédente, Tony Scott, décidément en forme, très productif et accumulant un paquet de projets en développement, retourne dans le milieu ferroviaire pour le film d'action Unstoppable avec un pitch des plus minimalistes. Et dans le rôle principal il retrouve le chevronné Denzel Washington, qui signe sa cinquième collaboration avec le cinéaste parmi lesquels on compte Man on Fire et Déjà Vu, accompagné du jeune Chris Pine, révélé par son interprétation du Capitaine Kirk dans le reboot cinématographique de Star Trek par J. J. Abrams.

            Si son frère a été reconnu très (trop ?) tôt comme un petit génie en signant les joyaux que sont Alien et le plus que sublime Blade Runner au début des années 80 avant de n'arriver à réaliser quelque chose d'un tant soit peu marquant qu'une fois tous les dix ans, Tony Scott a, tout le long de sa carrière, été le sujet de quolibets de la part de la presse spécialisée. Tout juste le reconnait-on comme un bon faiseur un peu trop obsédé par les effets de « clips » et qui tomberait souvent dans l'esthétique publicitaire. Certes il n'a probablement pas signé un seul chef d'oeuvre (quoique), à la différence de son frère, mais lui au moins a bâtit une filmographie cohérente dans laquelle il a pu développer un style bien à lui ; alors que Ridley Scott n'a aucune patte visuelle précise et que la réussite de ses films varie surtout en fonction du scénario qu'il illustre. Tony Scott est donc plus « modeste », puisqu'il a quand même osé s'atteler par exemple à un film comme Le Flic de Beverly Hills 2, et Unstoppable semble au premier abord s'inscrire dans cette volonté d'offrir un grand spectacle simple mais honnête.   

            La réalité est bien différente cependant. On pouvait légitimement craindre qu'Unstoppable ne tienne pas la route très longtemps tant sa trame est mince et les possibilités apparaissant comme assez limitées (le train ne pouvant quitter ses rails, il y a moins de liberté qu'avec un autre véhicule). On peut d'abord décrire le dernier film de Tony Scott comme une version ferroviaire du Speed de Jan de Bont. Le concept est similaire : un moyen de transport qui ne peut ou ne doit pas freiner et qui engendre un certain nombre de catastrophes dans tous les endroits où il passe. Et si les films arrivent pourtant à être des réussites dans leur genre c'est d'abord par leur capacité à créer des situations particulièrement tendues et qui ne se sont à aucun moment répétitives. Il n'y a jamais de temps morts mais les scénarios arrivent à ménager quelques séquences de dialogues afin d'approfondir la psychologie des personnages et les rapports qu'ils entretiennent entre eux. 

            Et si on peut regretter un manque de subtilité dans l'écriture de Galvin, personnage assez secondaire et peu sympathique incarné par Kevin Dunn, Unstoppable se révèle être une bonne surprise dans l'ensemble pour ce qui est des personnages. On se retrouve face à un « road movie » classique où deux antagonistes doivent faire équipe et surmonter leurs différences et divergences. Cependant les deux héros ne sont pas écrits à la truelle et vont au-delà des clichés que l'on retrouve trop souvent dans ce genre de film. Chacun a ses faiblesses et ses problèmes et sont loin de l'image d'Epinal du héros classique. Le premier est veuf, oublie l'anniversaire d'une de ses filles, appartient à la classe ouvrière, conduit des trains depuis plus de vingt-cinq ans et s'apprête à être mis de force à la retraite avec une pension dérisoire. Le second est un jeune qui a bénéficié d'un coup de piston et qui est en instance de divorce parce qu'il était d'une jalousie excessive envers sa femme. C'est la plus-value du film de Scott sur les autres productions de genre : son côté « portrait social » d'une partie de la population pas souvent mise en avant dans les grosses productions américaines. 

            Réquisitoire pour la revalorisation des vieux héros jetés à la poubelle dès la première occasion par une administration toujours plus inhumaine et ingrate, Unstoppable n'est pourtant pas un film qui tombe dans les « c'était mieux avant » et « les valeurs se perdent ». Unstoppable est la mise en scène d'une passation de pouvoir entre un jeune homme qui doit apprendre à accepter ses responsabilités, à grandir et un homme, certes âgé, mais qui n'a pas encore dit son dernier mot. Chacun aura donc son quart d'heure de gloire afin de se revaloriser aux yeux de ses proches et de sa hiérarchie. Cependant Unstoppable est avant tout un « film de monstre ». Le train 777 est un monstre mécanique, froid, immense, presque démoniaque de par sa capacité à surgir toujours aux mauvais moments. Un monstre « suicidaire » qui fonce d'une façon irrémédiable vers sa propre destruction et de ce qui l'entoure. Dans le genre, on n'avait pas rendu un véhicule aussi inquiétant et vivant depuis le camion psychopathe du premier chef d'oeuvre de Spielberg, Duel (qui partait lui aussi d'une idée scénaristique des plus simplistes). 

            Mais ce n'est pourtant pas lui le plus inquiétant dans l'histoire. La vraie catastrophe que relate Unstoppable ce n'est pas ce train fou en pleine zone urbaine, mais l'incapacité des autorités et de l'administration à trouver des solutions pour l'arrêter. Toutes les tentatives, parfois vraiment vaines ou absurdes, tombent à plat pendant que les pontes perdent le contrôle de la situation. Le tout étant en plus filmé en direct par une multitude de médias qui recherchent plus le spectacle mélodramatique de la mort et de la violence plutôt que d'essayer de trouver les raisons qui ont entrainé de telles négligences. Par sa mise en scène pertinente qui remet en question le média de la télévision-spectacle, Tony Scott nous pose en voyeur, en téléspectateur d'un drame déshumanisé à coups de prévisions dramatiques et d'images impressionnantes. Les scènes « intimistes », loin de ce que les caméras des journalistes peuvent atteindre, en deviennent donc d'autant plus importantes en donnant une dimension humaine et émotionnelle à cette mésaventure. Et si l'on a le droit de regretter quelques répétitions dans la mise en scène de Scott et quelques plans où le train fou avance bien trop lentement, Unstoppable reste un film d'action contenant quelques unes des scènes les plus intenses de l'année avec, entre autres, un déraillement scotchant et une séquence sur un viaduc qui vous fera frôler la crise cardiaque. 

            Mais s'il est dommage que Tony Scott soit obligé de céder à un « happy end » d'une conventionalité qui contraste avec le reste du long-métrage, son dernier film prouve bien une chose : depuis l'absence forcée de John McTiernan des écrans de cinéma, Tony Scott demeure actuellement l'un des meilleurs cinéastes de films d'action en activité. Clairement, Unstoppable est le meilleur représentant du genre cette année avec Inception

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Denzel Washington et Chris Pine. Twentieth Century Fox FranceTwentieth Century Fox France

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12 novembre 2010 5 12 /11 /novembre /2010 00:37

                                               

 - Film espagnol sorti le 03 novembre 2010

 - Réalisé par Rodrigo Cortés

 - Avec Ryan Reynolds, Robert Paterson, José Luis Garcia Pérez,…

 - Thriller

            Ouvrez les yeux. Vous êtes dans un espace clos, sous une tonne de terre irakienne avec quatre-vingt dix minutes d'oxygène et pour seule connexion vers l'extérieur d'un téléphone portable à moitié rechargé. Tel est le destin de Paul Conroy, entrepreneur américain pris en otage et enfermé dans une boite contre une rançon très importante. Le temps file et chaque seconde qui passe le rapproche d'une mort certaine...

Ryan Reynolds. Rezo FilmsRyan Reynolds. Rezo Films

            De façon assez récurrente, après une attente de quelques mois, une pépite inattendue nous tombe dessus. Sans aucun avertissement. C'est comme ça qu'on découvre un réalisateur prometteur tel que Fred Cavayé en allant voir sur un coup de tête son premier film, Pour Elle. C'est aussi de cette façon que l'on se retrouve face à un bijou de noirceur intitulé The Chaser qui révélait par un premier essai brillant le cinéaste sud-coréen Na Hong-jin. C'est encore de cette manière que l'on reçoit un grand électrochoc par l'un des plus beaux exploits de l'année dernière avec District 9 de Neil Blomkamp, aussi un premier long-métrage. Le Buried de Rodrigo Cortés s'inscrit dans cette lignée : film-concept très délicat précédé d'un bon « buzz » et qui se révèle maîtrisé et audacieux de bout en bout.  

            Premier bon point : Cortés respecte à la lettre sa note d'intention, c'est-à-dire réaliser un film qui se passe intégralement dans un cercueil. L'autre bon point, que certains lui reprochent comme s'il avait reculé devant le dernier obstacle, c'est qu'il ne cède pas à la tentation « film-concept de musée » en filmant le scénario en un long plan-séquence. Cortès n'oublie pas qu'il fait avant tout du cinéma et déploie une mise en scène virtuose qui exploite toute les possibilités que lui offre son délicat sujet. On pense d'abord à Quentin Tarantino qui avait réalisé un segment similaire dans Kill Bill : Volume 2, où Uma Thurman luttait pour sortir du cercueil dont elle était prisonnière, et de son excellent épisode de la série « Les Experts », où ces derniers devaient sauver un de leur collègue qui se trouvait dans la même situation que le Paul Conroy de Buried. Mais le projet de Cortès est plus risqué par sa longueur (une heure et demie) et son parti pris : ne jamais quitter le cercueil. Alors quelles sont donc les secrets de la réussite du film de Cortès ? 

            D'abor la mise en scène dynamique et le scénario écrit de façon à ce qu'il n'y ait jamais de temps morts. Le film débute par exemple de manière surprenante : complètement dans le noir. A l'aide d'un magnifique travail sonore, le réalisateur arrive à nous faire « voir » Paul en train de s'éveiller et de paniquer en découvrant sa terrible situation. Beau travail aussi sur la photographie, en s'appuyant principalement sur les différentes sources lumineuses disponibles pour Paul (briquet, écran bleuté de téléphone portable, lampe phosphorescente,...) pour donner au cercueil une ambiance particulière selon les scènes (orange, bleu, vert ou encore rouge). A côté de cela, Cortès utilise de nombreux mouvements de caméra pour renforcer l'étroitesse de l'espace dans lequel se retrouve Conroy. A l'inverse, Cortès ne respecte pas constamment les règles physiques en enlevant ou ajoutant des murs pour permettre certains mouvements de caméra ; magnifique plan où la celle-ci s'éloigne vers le haut du personnage principal, donnant l'impression qu'il est coincé dans un puits sombre, renforçant ainsi cette impression de claustrophobie, d'oppression et d'inéluctabilité tragique.   

            Tous ces effets sont renforcés par un travail minutieux sur le son. Impossible de supporter les deux - trois premières minutes où le moindre bruit est étouffé au maximum. Le travail sonore sur ce film est omniprésent : les coups réguliers contre la paroi du cercueil pour renforcer cette idée d'enfermement et la difficulté de se mouvoir dans un tel endroit, les bruits extérieurs légèrement inaudibles et surtout les voix des différents protagonistes que l'on entend par le portable. Cortès a d'ailleurs fait un casting vocal très précis afin que par la seule voix on puisse imaginer à quoi ressemblent les personnages qui parlent, ainsi que ce qu'ils pensent. Le film réussit son pari aussi, et avant tout, par un scénario bien écrit. Comme le dit Cortès : « Buried c'est Indiana Jones dans un cercueil ». La structure narrative est construite sur le même modèle : trouver toutes les dix minutes un rebondissement qui arrive à captiver le spectateur jusqu'au suivant. De ce point de vue, le scénario est une réussite et ce, même si on pourra « regretter » deux ou trois situations un peu trop fantaisistes comme l'épisode du serpent ou encore celui du doigt (remarquable travail sonore, encore une fois, pour cette séquence qui vous donnera forcément la nausée).

            En plus de cela, la trame se déroulant en Irak, Buried se révèle comme une subtile métaphore sur le conflit irakien, le bourbier américain et surtout sur le désintérêt de la hiérarchie pour un homme lambda. Quel serait son intérêt de sauver et de payer plusieurs millions de dollars pour un homme qui ne manquera qu'à sa famille ? Le dernier quart d'heure en est même particulièrement éloquent lorsque Conroy, alors qu'il ne lui reste que quelques minutes à vivre, subit un chantage de sa compagnie qui refuse de payer les dégâts et d'être considérée comme responsable d'une situation dans laquelle il se serait mis tout seul. Paul Conroy est un homme pauvre, abandonné en terrain inconnu et hostile. Un dommage collatéral d'un conflit dont il ne comprend rien et auquel il n'aurait jamais dû être mêlé. Et en fin de compte la réussite de Buried tient en deux mots : Ryan Reynolds. En effet, s'il lui est souvent arrivé d'être un comédien plutôt amusant (voire lourd) et parfois attachant comme dans Adventureland, c'est ici qu'il se révèle vraiment en tant qu'acteur accompli. Il passe brillamment l'épreuve difficile du « seul à l'écran », comme Tom Hanks dans le film de Zemeckis, Seul au monde. Sans cabotiner ou sombrer dans le pathos, il se montre bouleversant en homme au bord de la crise de nerfs, face à une mort inéluctable mais qui se refuse d'abandonner espoir jusqu'au dernier instant. Un homme comme tout le monde, qui souhaite plus que tout parler une dernière fois à sa femme avant de mourir. 

            Buried est une bien belle surprise, un thriller hitchcockien maîtrisé, audacieux, terrifiant et terriblement prenant. En plus de révéler un metteur en scène inventif, il permet à Ryan Reynolds de dévoiler toute l'étendue de son talent dans un rôle physiquement et psychologiquement éprouvant. Difficile de ressortir indemne après la projection de ce film qui vous clouera sans aucun doute à votre siège et qui vous donnera à la fois de grandes montées d'adrénaline et la désagréable impression d'avoir été vous-même enfermé dans un  cercueil obscur pendant près de quatre vingt-dix minutes. 

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Ryan Reynolds. Rezo FilmsRyan Reynolds. Rezo Films

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