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20 juin 2013 4 20 /06 /juin /2013 19:39

Film américain sorti le 19 juin 2013

Réalisé par Zack Snyder

Avec Henry Cavill, Amy Adams, Michael Shannon,…

Fantastique, Action, Aventure

Un petit garçon découvre qu’il possède des pouvoirs surnaturels et qu’il n’est pas né sur Terre. Plus tard, il s’engage dans un périple afin de comprendre d’où il vient et pourquoi il a été envoyé sur notre planète. Mais il devra devenir un héros s’il veut sauver le monde de la destruction totale et incarner l’espoir pour toute l’humanité.

Si The Dark Knight Rises de Christopher Nolan et, dans une moindre extension, l’imbécile Prometheus de Ridley Scott étaient les films les plus attendus de l’année précédente, le Man of Steel de Zack Snyder pourrait sans problème reprendre ce titre pour 2013. Une fois encore, les raisons sont multiples pour expliquer une telle anticipation. La plus évidente est qu’il s’agit du nouveau long métrage mettant en scène le mythique super-héros Superman. Popularisé au cinéma par Christopher Reeves dans le fameux et très beau film « seventies » de Richard Donner, puis dans trois autres suites inférieures voire franchement grotesques, le surhomme kryptonien s’était fait discret ces vingt dernières années. Le projet de réinscrire au cinéma ce personnage mythique dans une époque plus contemporaine trainait pourtant depuis quelques temps dans les tiroirs des studios. Tim Burton a passé plus d’un an à essayer de lui donner vie avec son Superman Lives scénarisé par Kevin Smith (Clerk) et avec Nicolas Cage dans le rôle-titre. Peine perdue néanmoins puisque le projet capota. Ce ne fut peut-être pas un mal quand on connait les infos circulant sur ce scénario trahissant toute la mythologie de l’homme d’acier, notamment à cause des lubies de son producteur Jon Peters qui voulait faire n’importe quoi d’autre qu’un film avec Superman : le héros ne devait pas savoir voler, il ne devait pas porter son costume « trop pédé » et il devait affronter une araignée géante lors du dernier acte ( ?!?).

Maintes tentatives avortées plus tard, dont World’s Finest écrit par le scénariste de Se7en qui devait mettre en scène le duo Superman/Batman afin de réhabiliter les deux héros au cinéma (l’homme chauve-souris n’arrivant pas à se remettre du double viol perpétré par Joel Schumacher avec ses ignobles étrons Batman Forever et l’hallucinant Batman et Robin) ainsi qu’un script de J.J. Abrams qui fut éventé sur Internet et réduit en pièces par les ayatollahs geeks devant les nombreuses hérésies que le roublard réalisateur de Super 8 osait commettre, l’homme au slip rouge était supposé revenir triomphalement avec le long métrage de Bryan Singer (Usual Suspect et X-Men) dont le titre était tout un programme en soit : Superman Returns. Le « blockbuster » fut à peu près aussi attendu que le retour de George Lucas avec Star Wars : La Menace fantôme. La déconvenue ne fut pas loin d’être aussi forte. Trop révérenciel, trop rattaché à un passé que Singer passait son temps à décalquer, jamais audacieux,… La B.O. rendait hommage aux thèmes mythiques composés par John Williams, l’acteur fade Brendan Rough devait singer Christopher Reeves,… Pire que tout, ce film à plus de 200 millions de dollars pâtissait d’un scénario lourdingue, incohérent, agaçant et se révélait d’une radinerie assez dingue en termes de spectacle. Aucun personnage n’avait de présence ou de consistance et, alors que Superman aurait pu bénéficier pour la première fois d’effets spéciaux numériques afin de rendre pleinement justice aux exploits délirants qu’il était capable d’accomplir avec ses pouvoirs phénoménaux, on n’avait droit qu’à une tétanisante séquence de sauvetage aérien sur deux heures et demie de long métrage introspectif et bavard.

Les chiffres du box-office ne furent pas satisfaisants, surtout en regard de l’interminable « developpment hell » qui est relaté dans le très complet article « Incassable ? » de Stéphane Moïssakis sur le site Capture Mag. Superman dû remettre sa cape rouge au placard pour un moment. La donne changea avec Christopher Nolan. Le réalisateur anglais de Memento avait accompli l’exploit de tenir les rênes du « reboot » de Batman qui en avait aussi vu des vertes et des pas mures après diverses tentatives visant à revigorer l’univers crée par Bob Kane, dont le lamentable Catwoman de Pitof, une version par Darren Aronofsky (Requiem for a Dream) et un mystérieux projet avec un Bruce Wayne vieillissant devant être incarné par Clint Eastwood. Nolan livrait avec Batman Begins un « blockbuster » imparfait mais qui réinitialisait assez brillamment les bases de la mythologie du justicier masqué tout en l’incorporant dans un monde contemporain, relativement réaliste et surtout foncièrement reconnaissable. Un « blockbuster » d’auteur en somme tant Batman Begins s’insérait impeccablement dans les thématiques et les obsessions ressassées par son réalisateur devenu depuis intouchable. Après sa suite The Dark Knight qui mit public et critiques à terre, puis un troisième épisode qui, à défaut de convaincre tout le monde, eut largement raison du box-office américain, Nolan vit la Warner se mettre à ses pieds. Surtout que le cinéaste se révéla aussi capable de créer un succès mondial avec un film de divertissement au concept original et particulièrement retors comme Inception.

La Warner ayant de la suite dans les idées, elle finit par se dire que ressusciter Superman grâce à Nolan pourrait ne pas être une mauvaise idée. Le super-héros peinait à faire son retour au cinéma depuis l’échec du Singer. George Miller (Mad Max, Happy Feet) tenta bien de faire un film sur la Ligue des Justiciers (l’alliance de Superman, de Batman, de Flash, de Green Lantern ainsi que de Wonder Woman) mais le projet fut abandonné au dernier moment. Il est toujours maintenu sous perfusion en attendant les scores, a priori pharamineux, qu’enregistreront Man of Steel et sa suite inévitable. Et pourquoi ne pas faire un Superman Begins avec Nolan ? A coups de tractations qui durent ne pas être en défaveurs du cinéaste du Prestige, Nolan accepta d’élaborer le scénario avec David S. Goyer, qui s’était déjà occupé de la trilogie Dark Knight, et de superviser la production de Man of Steel. Rien qu’avec ces données en main, il est facile de comprendre l’impatience qui entourait ce long métrage. On fit le tour des candidats potentiels pour la réalisation : Duncan Jones, le regretté Tony Scott, Robert Zemeckis,… Mais ce fut Zack Snyder qui fut choisi à ce poste. Et si ce choix conforta certains, il amena aussi une vague d’anxiété chez d’autres.

En effet, ce dernier est un cinéaste controversé. Certains y voient un réalisateur visionnaire, d’autres y voient un fumiste complet doublé d’un artiste ayant autant de réflexion qu’un gamin attardé. Après L’Armée des Morts, son « remake » du Zombie de George Romero, Snyder signa l’œuvre qui le révéla au grand public : 300, adapté d’une B.D. de Frank Miller. Un long métrage maniéré, grotesque, aux relents fascistes assez écœurants doublés d’un discours de propagande assez douteux lorsque l’on sait que la production du film a été lancée peu de temps après la seconde intervention américaine en Irak (« restons unis contre la menace venue d’Orient !!! »). Enveloppé d’une couche de CGIs ignobles et doté d’un manque total d’implication émotionnel (un comble vu le sujet du film : la résistance de trois cents spartiates contre des dizaines de milliers de perses), le film était notamment une catastrophe parce que ce nigaud de Zack Snyder prenait tout au pied de la lettre sans tenter d’avoir un peu de recul sur l’histoire nauséabonde écrite par un Miller n’ayant jamais caché son attirance pour l’extrême droite conservatrice. La scission fut définitive avec le film suivant de Snyder.

Watchmen est adapté d’un « roman graphique » (nom donné à une B.D. quand les hautes autorités certifient qu’elle est de bonne qualité) d’Alan Moore. Cette dernière est probablement l’une des œuvres les plus radicales et complètes faites sur les super-héros. Snyder prenait la place de Paul Greengrass, de Terry Gilliam et d’Aronofsky qui avaient tous tentés de le porter à l’écran en s’y cassant les dents. De nombreux admirateurs de l’œuvre de Moore la considéraient comme inadaptable et tout projet de transposition constituait une véritable hérésie à leurs yeux. Peu importe, le film fut vendu comme le nouveau film du « réalisateur visionnaire de 300 » et de nombreux critiques, autrefois méprisants envers le genre super-héroïque, tombèrent dans le panneau en le décrivant comme le premier film de super-héros pour adultes sous prétexte qu’on y voyait un pénis bleu numérique. Si le film n’est pas irregardable et qu’il possède de bonnes idées, c’est parce que ces dernières viennent toutes de l’œuvre d’origine. Il n’y a qu’à voir les interviews de Zack Snyder pour bien comprendre que le bonhomme s’attaquait à un ouvrage bien trop complexe pour ses ambitions. A base de réflexions aussi constructives que « c’est trop cool ! », « waouh », « tavu ? », Snyder confirmait que le moindre de ses choix était fait à l’aveugle et dans l’optique de faire un « truc » classe selon ses propres critères esthétiques. Une réalisation maniérée et tape-à-l’œil dont les cadrages et le montage se calquaient bêtement sur la bande dessinée comme si cette dernière n’était qu’un « story-board ». Si quelque chose d’intelligent ressortait du film, perdu entre les ralentis poseurs et les gags involontaires (la séquence du « Hallelujah »…), ce n’était que par accident.

Le film marqua les prémices de la décroissance progressive de l’emprise de Zack Snyder sur le box-office. Watchmen marcha de justesse alors qu’il avait vu son public se réduire à cause d’une classification « R – interdit aux mineurs » aux Etats-Unis. Mais il remboursa difficilement ses 100 millions de dollars, hors budget « marketing » non moins gargantuesque. Snyder enchaina avec un film de commande : le long métrage d’animation Le Royaume de Ga’Hoole. Projet qu’il reprit en main de justesse mais dont la beauté plastique (unique réussite du film) venait surtout des animateurs brillants plutôt que de son propre fait. Même chose : le succès fut très mitigé. Mais le pire était encore à venir. Snyder décida de réaliser un fantasme/projet personnel en ayant droit à une débauche de moyens. Cela donna Sucker Punch, sorte de séance d’onanisme cinématographique qui ne fit mousser que lui, d’une laideur visuelle sans commune mesure, d’une bêtise sans borne, d’une non-inventivité sidérante,… La B.O. était abjecte, la réalisation complètement à l’ouest, le scénario complètement ridicule et prétentieux,… Une catastrophe de grande ampleur qui révélait que Snyder n’avait jamais rien eu à dire et que son succès se basait uniquement sur le talent des autres. En roue libre, Snyder se perdait dans un projet aberrant, fourre-tout et médiocre qui enchainait les plans séquences honteux, les scènes de baston sous forme de « clips » MTV braillards et les « twists » absurdes. Une horreur sur tous les plans qui avait constitué l’un des pires films de 2011.

Autant dire que la perspective de le voir s’atteler à Superman n’était pas enthousiasmante pour ses plus farouches détracteurs. Mais la donne a changé. Snyder n’est plus tout puissant. Ses trois échecs successifs l’ont placé dans une position de faiblesse et on pouvait être amené à penser qu’il avait avant tout été embauché pour un poste de simple exécutant. Ce qui frappe d’abord dans Man of Steel, c’est à quel point le film porte avant tout la marque du duo Nolan/Goyer plutôt que celle de Snyder. La structure éclatée entrainant des flash-backs sur la jeunesse du héros plutôt qu’une narration chronologique le rapproche déjà de Batman Begins. Impossible aussi de ne pas faire le rapprochement entre le projet de réinsertion de Batman dans un monde moderne (nouvelles problématiques, nouvelles thématiques, nouveaux traumatismes, nouvelles conséquences) et celui de Superman. Si Man of Steel n’est pas aussi glauque et angoissant que Batman Begins, il n’est pas non plus garni d’humour et de naïveté. L’enchainement ininterrompu d’évènements et le surlignage constant de la B.O. d’Hans Zimmer sous la forme d’une symphonie quasi continue sont similaires à la trilogie The Dark Knight. Les scènes d’action, notamment la dernière, se font à une échelle globale avec un croisement incessant des personnages secondaires et une démultiplication des points de vue comme les trois gros finals des Batman de Nolan. Et le montage de la dernière séquence, avec voix off en prime, rappelle la façon dont Nolan concluait ses films de super-héros.

De prime abord, la touche « Snyder » est difficilement discernable, d’autant plus que le super-héros dispose de quelques spécificités du héros nolanien : le décès traumatique d’un être cher, la prise en tenaille avec un passé sombre dont il est ardu de se départir pour aller de l’avant, la prédominance de rapports masculins,… Le traitement relativement réaliste de l’homme de fer (on reste quand même dans un film de science-fiction avec des extra-terrestres) amène le personnage à se confronter à une population contemporaine moins à même de s’émerveiller qu’à se méfier. Au mieux pourra-t-on rattacher à Snyder cet intérêt pour l’accomplissement héroïque voire légendaire comme c’était le cas de Leonidas sur le champ de bataille dans 300, des super-héros mis au placard de Watchmen qui revenaient triomphalement ou encore du jeune hibou dans le Royaume de Ga’Hoole qui tentait de devenir un de ces « Gardiens » mythiques. Superman s’inscrit dans cette lignée de héros relativement débutants qui s’accomplissent aux yeux des autres comme des figures salvatrices quasi-messianiques. A ce titre, l’affiliation entre Superman et Jésus Christ est encore bien présente bien que moins ouvertement pompière que dans Superman Returns. Mais c’est bien tout. D’un côté, on pourrait s’attrister que le cinéaste soit effacé par son producteur-scénariste. De l’autre, il est difficile de nier que cela sert le film tout en servant indirectement Snyder qui bénéficiera encore une fois du talent et de la renommée de quelqu’un d’autre. Avec Man of Steel, en suivant les conseils de Goyer et de Nolan, Snyder va revenir dans les petits papiers des studios.

Le fait est que la mise en scène de Snyder sur ce film est loin d’être homogène, comme si plusieurs voix s’étaient confrontées en amont quant à l’approche visuelle de l’histoire. Si cet avalanche d’effets numériques plus ou moins bien dosés qui est typique de Snyder apparait lors de scènes d’action où elle est pour le coup nécessaire vu leurs gigantismes, elle laisse ensuite la place à un faux naturalisme malickien lors des flash-backs agricoles, puis à une mise en scène « caméra à l’épaule » façon Greengrass, avant de ressembler à du Nolan lors d’un combat illisible entre le terrible Général Zod (Michael Shannon) et le père de Superman, Jor-El (Russell Crowe). Çà et là, on trouve aussi quelques panoramas aériens. On ignore à chaque fois pourquoi Snyder décide de filmer une image d’une telle manière et ce qui légitime tantôt de montrer un dialogue en « shaky cam » puis de placer un plan fixe lors d’une scène d’assaut. Et si on se réjouira fortement de l’absence de la « slow motion » qui était la détestable signature de Snyder, probablement très tempéré par Goyer et Nolan, le cinéaste de 300 la remplace par un autre « tic » de mise en scène qui est de prime abord assez agaçant. Il s’agit de zooms et de dézooms numériques extrêmement rapides, un peu comme le faisait très sporadiquement James Cameron dans son Avatar.

Si l’on a au départ du mal à justifier un tel effet d’épate, une surprise nous attend au tournant une fois que le récit se déroule dans un décor terrestre. Kal-El/Clark Kent/Superman dispose justement de pouvoirs disproportionnés à cause notamment de la différence gravitationnelle entre sa planète natale Krypton et sa planète d’accueil. Et ce qui apparaissait comme un « gimmick » se transforme soudain comme le premier choix de la carrière de Snyder qui s’incorpore pleinement dans un projet de mise en scène cohérent et aboutissant sur autre chose que de l’esbroufe. Là où tous les vols de Superman avaient été filmés de manière classique et classieuse, Snyder se démarque en employant une caméra portée toujours en mouvement et utilisant le zoom afin de toujours pouvoir avoir un Superman visible dans son cadre. Le surhomme kryptonien est si rapide qu’il prend toujours de vitesse une caméra qui tente de lui coller aux basques lors de travellings vertigineux. Ces séquences de hautes voltiges, en plus d’être sérieusement immersives, plongent le spectateur dans une ivresse exaltante. Ce parti pris (involontaire ?) prend des dimensions orgasmiques lors des scènes d’action extrêmement spectaculaires.

Autant le dire tout de suite, Man of Steel est le « blockbuster » réalisé par un Américain le plus impressionnant et jubilatoire depuis le passionnant Mission Impossible 4 de Brad Bird. A une époque où le grand spectacle doit se tourner vers le néo-zélandais Peter Jackson, le sud-africain Neil Blompkamp, les britanniques Nolan et Sam Mendes ou encore le canadien James Cameron, le film de divertissement U.S. est en crise. Alors que les porte-étendards des grands films d’action disparaissaient (Steven Spielberg annonçant qu’il ne voulait plus en faire, Tony Scott se suicidant et John McTiernan se retrouvant en prison afin de servir d’exemple), le « blockbuster » américain voit sa relève très compromise. A tel point que les grands films de studio, en plus de ne jamais bénéficier de scénario cohérent ou un tantinet audacieux, se mettent même à se restreindre scandaleusement sur le plan pyrotechnique malgré des budgets de plus en plus indécents. Prometheus, Blanche Neige et le chasseur, Avengers et toutes les productions cinés minables de la clique Marvel, La Planète des Singes - les origines, Jack et le chasseur de géants et, dans une moindre mesure, les récents After Earth et Oblivion,… Bien peu de grands spectacles si l’on écarte Nolan, Bird et le sacrifié John Carter d’Andrew Stanton, certes imparfait mais si osé et plaisant !

Souvenons-nous de l’accueil délirant en avril dernier du pathétique Iron Man 3 de Shane Black. Sommet de cynisme affligeant, dévoiement complet d’un artiste de talent, anti-spectaculaire tout en étant anti-émotionnel,… Le film dépassa le milliard de dollars de recettes et fut soutenu par une critique et un public fous de joie devant ce film qui n’assumait jamais le fait qu’il était un long métrage de super-héros et qui vomissait sur son spectateur à coup de « twists » réduisant à néant un univers originel, de blagues foireuses, d’ambitions manquées, de confrontations expédiées et sans enjeu,… Avec Man of Steel, on a enfin un film de super-héros qui livre de l’action super-héroïque et qui met tout son lourd budget dans la réalisation de séquences explosives relevant souvent du jamais vu, au point qu’il s’agit presque de la première version « live » du manga « Dragon Ball Z » avec ses affrontements homériques. James Wong et son DB Evolution peuvent aller se faire voir ! On n’avait pas vu ça depuis Spider-man 3 de Sam Raimi en 2007. Si l’on est tatillon sur le scénario, on pourrait même remonter au tétanisant second épisode ou au définitif Les Indestructibles de Brad Bird (eh oui, encore lui), tous les deux sortis en 2004 (la trilogie Batman de Nolan ayant toujours été beaucoup plus proche du polar que du film super-héroïque).

Et pourtant, que se passe-t-il ? La critique et le public « geek » s’acharnent sur le film de Snyder sous prétexte qu’il y ait de la destruction massive. Des analystes de pacotille, en se basant sur des données connus d’eux-seuls, annoncent que le combat final ferait plus de 200.000 morts et plusieurs milliers de milliards de dollars de dégâts. Honteux qu’on vous dit ! Et ce, même si Snyder montre bien pendant un quart d’heure que la populace de Métropolis évacue les gratte-ciels et qu’elle s’éloigne du champ de bataille. Et ce, même si la convention au cinéma veut que ce que l’on ne montre pas n’existe pas et que l’on part par conséquent du principe que les immeubles sont « vides ». Et ce, même si la totalité des destructions ne sont jamais le fait d’un Superman ne disposant pas de la capacité de se dédoubler pendant qu’il sauve toute l’humanité à l’autre bout de la planète. Et ce, même si c’est le terrible Général Zod qui se venge sciemment sur l’humanité après que Superman ait réduit à néant sa raison de vivre. Celle pour laquelle il a été conçu artificiellement par une société kryptonienne ayant renoncée à la notion de libre-arbitre pour faire prévaloir une hiérarchie ordonnée. Non, peu importe ! Aux yeux des gardiens du temple, il est scandaleux que Superman détruise des immeubles, même lorsqu’il le fait involontairement en étant propulsé en arrière par le gnon d’un Zod tout aussi puissant que lui. Il n’y a jamais eu d’affrontement démesurément destructeur dans les « comics » qu’on vous dit ! Même contre un ennemi aussi imposant que Doomsday ! Comment le surhomme ose-t-il ne sauver aucune victime collatérale pendant le duel final, sachant qu’il reçoit un coup phénoménal du Général dès qu’il commence tout juste à se relever du précédent ?

C’est bien à une polémique de pacotille à laquelle on assiste. A-t-on embêté Josh Whedon avec la séquence finale bien moins mémorable de son Avengers qui voyait la destruction similaire de la ville de New-York par des super-héros bien plus prompts à tout péter sur leur passage ? Est-ce grâce au traitement désinvolte de la scène que cela passe sans problème aux yeux des détracteurs du film de Snyder ? Man of Steel ne s’enthousiasme pas de la destruction biblique de Métropolis puisque cette dernière est affiliée parfois lourdement au sempiternel 11/09. On n’avait pas vu resucée de ce traumatisme américain aussi convaincante dans un film de divertissement depuis l’apocalyptique Guerre des Mondes de Spielberg. Mais, a priori, la pilule passe chez Whedon. Un million de morts devient acceptable lorsque Hulk rejoue à Tex Avery avec Thor. Que dire du très récent Star Trek Into Darkness avec l’annihilation finale de San Francisco et qui se réjouissait en parallèle de voir survivre le capitaine Kirk comme si cela avait plus d’importance ? Métropolis est certes ruinée mais tout le reste de l’humanité est sauve dans Man of Steel. La destruction et un rebondissement hautement « polémique » (qui ne constitue pourtant pas une première dans l’histoire du héros) n’ont pas été « vains » et, si leurs conséquences sur Superman ne sont pas traitées après coup, c’est parce que le film dure près de deux heures et demi et qu’il n’était peut-être pas nécessaire de le rallonger avec trente minutes psychologisantes si cela est déjà prévu pour un prochain épisode. Et ne parlons même pas des finals des trois derniers Transformers de Michael Bay qui n’ont jamais fait lever le moindre sourcil aux pères la morale.

Même Les Indestructibles se fendait de destructions collatérales. Parfois dans l’unique but de faire un gag. Mais cela n’émouvait personne : ce dernier n’était qu’un film d’animation (donc pour enfants, donc peu digne d’intérêts). Ce procès d’intention absurde fait au Superman de Snyder rappelle d’ailleurs un passage savoureux du script du chef d’œuvre de Bird dans lequel Mr Indestructible était attaqué en justice par les personnes qu’il avait sauvé mais dont le sauvetage avait amené ces dernières à se retrouver dans le plâtre. On pourrait pourtant attaquer le film sur d’autres détails plus justes. Les premières scènes sur Krypton par exemple, qui font clairement craindre un manque de subtilité du projet en tentant de refaire avec davantage d’agitations vaines l’introduction du Superman de Donner. On enchaine explosions sur explosions, des combats à mains nus, des crashs de vaisseaux, des batailles aériennes avec un bestiaire à la Avatar, une direction artistique trop chargée et bêtement connotée sexuellement qui rappelle les sombres heures de la prélogie de Lucas, une pondeuse artificielle à la Matrix, une annihilation planétaire,… en moins de vingt minutes. On se dit que l’on ne tiendra jamais pendant les deux heures restantes. Heureusement, le récit se resserre une fois sur Terre en se concentrant sur un Clark Kent magnifiquement incarné par le malchanceux Henry Cavill qui faillit être le Superman de Singer, Green Lantern, Edward de Twilight, James Bond et Batman. Meilleur interprète depuis Reeves, on ne voit que Superman pendant tout le film tant il correspond parfaitement au personnage.

On pourrait aussi parler de la séquence de la tornade qui implique la mort sacrificielle d’un personnage secondaire. Belle sur le papier mais catastrophique dans l’exécution, la séquence dramatique engendre un comique involontaire vraiment regrettable en plus d’être assez ratée aux niveaux des effets numériques. On pourrait aussi pinailler sur quelques détails provenant de l’enchainement trop soutenu des évènements. Il est vrai que les films Marvel passent deux heures à présenter chaque pouvoir de leurs super-héros, pour se conclure sans jamais avoir eu le temps de les montrer en pratique au cours d’un véritable acte de bravoure, et que l’on aurait aimé que Man of Steel fasse un peu pareil au détriment du grand spectacle. Mais le film propose tout un éventail de pouvoirs et de points faibles (hors kryptonite) pour créer des combinaisons et des scènes fortes qui se démarquent de leurs piteuses utilisations par Singer. Et aussi « courte » soit-elle, la séquence voyant le premier envol de Superman est tellement grisante par les choix de cadres et le thème très épique de Zimmer qu’il est difficile de ne pas avoir envie de se propulser vers les nuages aux côtés du surhomme. La gestion des personnages secondaires est aussi plus concluante que dans les productions Marvel. Là où l’on craignait pour le traitement de la journaliste d’investigation Lois Lane avec la « team » machiste Nolan/Goyer, d’autant plus qu’elle avait été immortalisée par Margot Kidder, il n’en est finalement rien puisque le personnage impeccablement joué par la mimi Amy Adams est impliquée dans l’action tout en demeurant, quand il le faut, la classique demoiselle en détresse que Superman doit secourir. Le reste du casting est à l’avenant. Kevin Costner et Russell Crowe reviennent en grâce après quelques ratés dans leurs filmographies respectives en incarnant les deux voix paternelles qui préparent Clark à faire son choix, à découvrir ses origines et à s’affirmer aux yeux du monde comme le lien entre deux peuples.

Et comment ne pas parler de Michael Shannon, gueule effarante du cinéma hollywoodien aux traits de psychopathes mais à la sensibilité bouleversante. Après avoir marqué au fer rouge des petits bijoux comme Take Shelter de Jeff Nichols, Bud de William Friedkin ou encore Les Noces Rebelles de Mendes par sa simple présence, il s’impose comme un méchant fascinant. Surjouant juste ce qu’il faut pour demeurer inoubliable et menaçant tout en ne sombrant pas dans le ridicule et l’outrance, Shannon incarne la parfaite némésis de Superman de par sa puissance qu’il emploie à mauvais escient et son déterminisme tragique. Si l’enjeu du choix de Superman est régulièrement rappelé par ses deux « pères », parfois explicité de manière trop littérale comme dans tous les films de Nolan/Goyer (mais moins lourdement que dans la trilogie The Dark Knight), c’est parce qu’il est capital et de taille. C’est le sort de l’humanité qui est en jeu, en fonction de la volonté de Superman d’interagir avec les humains comme le voudrait son père biologique ou de s’en détacher comme le voudrait au départ son père adoptif trop pessimiste quant à la réaction de son espèce devant un tel « alien ». Le combat titanesque à la fin n’a pas d’autre but que de montrer l’impact que ce choix aurait sur l’humanité s’il ne tournait pas en sa faveur mais en celui des derniers survivants kryptoniens. Si Superman n’était pas de notre côté, il serait aussi dangereux pour nous que le général qu’il affronte.

Man of Steel c’est une histoire d’insertion d’un point de vue extraterrestre. C’est un film sur le regard angoissé et angoissant des « autres ». C’est un parcours initiatique. C’est une histoire d’affirmation. Et le final entraine un retournement assez amusant par rapport au final de Batman Begins. Ce dernier se clôturait avec une séquence montrant que Bruce Wayne avait inscrit son nouveau « costume » dans la légende de Gotham City. Batman venait de naitre aux yeux de la ville corrompue. Man of Steel est encore l’histoire de la création d’un costume, mais pas de celui que l’on croit. Le célèbre uniforme, dénué du slip rouge comme l’ont regretté ceux qui limite le personnage à cet accessoire hautement dispensable et dépassé, est même rapidement présenté. Le véritable costume, la finalité du parcours de ce Superman au sein de cette humanité dans laquelle il cherchait une place qui ne se présentait jamais, est celle du « Clark Kent » à lunettes, comme le démontrait très brillamment le fameux monologue de Bill dans Kill Bill vol.2 de Quentin Tarantino.

Man of Steel c’est un accomplissement pour Zack Snyder qui s’efface sur le projet tout en y apportant sa touche spectaculaire. C’est aussi un accomplissement pour Nolan. On craignait que l’association ne fasse ressortir que les défauts des deux artistes : style pompier et vain chez l’un ; assénement au burin des thématiques et froideur chez l’autre. Malgré quelques défauts d’exécution comme une photographie trop terne, ce sont dans l’ensemble leurs bons côtés qui découlent sur ce projet pour se rejoindre et se soutenir intrinsèquement : les thématiques et la narration ambitieuse de Nolan sont relevées par le sens du spectacle délirant de Snyder. Le rêve de film pyrotechnique qui transparaissait chez Nolan dans The Dark Knight Rises ou Inception, qu’il n’avait jamais atteint à cause de la rigidité de sa réalisation et de son manque d’ampleur sur le plan visuel, est enfin pleinement concrétisé grâce à un Snyder qui a mis à son service son sens de l’iconisation et de l’esthétisme « over the top ». Un film où le moindre coup de poing fait voltiger des locomotives entières et trembler les gratte-ciels dans des morceaux d’anthologies qui clouent le spectateur sur son siège. Avant la grosse déferlante de cet été avec Pacific Rim de Del Toro, Elysium de Blompkamp et The Lone Ranger de Gore Verbinski, Man of Steel est le premier « blockbuster » franchement enthousiasmant de l’année. Autant dire que vous en aurez pour votre argent cette fois, à tel point qu’on en vient à se demander comment ils vont réussir à faire plus fort dans le prochain volet qu’on ira voir sans se faire prier. Les bases très prometteuses ont été parfaitement installées. Ne reste plus qu’à transformer l’essai dans un second opus assuré et grandiose comme le fut The Dark Knight. Zack Snyder a fait un grand film. Un vrai miracle !

NOTE : 7.5 / 10

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